Surfaces (12)

Le 23/05/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
On est dans une bonne phase dans les Surfaces en ce moment. Encore un épisode sympa, assez sobre, qui montre l'étrangeté et le doute qui naissent au cours d'une journée comme les autres.
J’en ai encore pour vingt minutes. Je perds patience à force de fixer la montre. Pourtant je savais être en avance. Encore vingt minutes avant que la boite ouvre.
C’est drôle d’entendre ma voix sortir de la radio. Elle répète ce que je dis avec quelques instants de retard. Je m’écoute parler. J’écoute ma voix dans la radio. C’est comme si elle tombait du ciel. Je n’écoute plus ce qui sort de ma bouche mais ce qui sort des haut-parleurs. Mes pensées sont en retard. Je parle je parle c’est comme un rêve. Il me pose des questions qui me ramènent à moi et je réponds. Je réécoute mes pensées. Ca a quelque chose de décevant. J’ai l’impression déprimante que cette sensation que j’éprouvais quelques secondes auparavant m’est désormais interdite. Ce qui me frappe surtout pendant que je parle c’est ce ton de plaisanterie qu’on utilise tous les deux ce ton anecdotique sans importance. Lui qui pose des questions distanciées et ironiques et moi qui répond comme si rien de tout ça n’avait au fond d’importance. Au moment où je prends conscience de ça un sentiment d’horreur incongru s’empare de moi. Cela me réduit au silence. L’animateur continue ses questions dans le vide puis passe à un autre auditeur. L’horreur me quitte lentement. Je ne comprends pas ce sentiment ni n’arrive à identifier sa cause. Je me demande si la vacuité de notre conversation la vacuité peut-être de ma vie est à l’origine de cette bouffée. Je préfère cesser d’y penser immédiatement évacuer tout ça avant que ça ne prenne des proportions impossibles à ignorer. Ce soir je m’amuse je me déprime pas. Merde. Je regarde l’heure. Il est sept heures quinze. Ca ouvre. Je m’assieds sur le trottoir. Une petite foule s’est amassée avec moi devant les portes. Je suis au bord des larmes. Je ne comprends pas. Est-ce que l’évènement de tout à l’heure a des répercussions. Est-ce qu’il en aura encore je ne sais pas. Je me sens brusquement fragile. Je ne veux pas me suicider. A la radio une autre voix parle d’une autre vie. C’est aussi inconsistant que d’habitude. Encore cinq minutes. Je me lève. Je m’agite un peu pour chasser le froid. A la radio ils rient. Les portes ouvrent.