LA ZONE -

Phobie 15 : hors-limites

Le 11/10/2005
par Aka
[illustration] Aujourd’hui il m’est arrivé quelque chose d’assez étrange. Comme une sorte d’impression de « déjà vu », sauf que ce n’était pas ça. Une chose aussi déstabilisante que d’arriver dans un endroit inconnu tout en s’y repérant pourtant immédiatement.
Je me suis levée ce matin et quelque chose avait changé dans mon salon. Quelque chose d’imperceptible mais de pourtant tellement flagrant. J’ai passé la matinée à essayer de comprendre. J’ai détaillé chaque objet, observant la poussière qui les entoure pour voir celui qui aurait pu être déplacé. J’ai vérifié que les chaises étaient toujours bloquées sous la table. J’ai détaillé chacun de mes tableaux. Mais rien. C’est pourtant là, devant moi, comme une évidence.
Il y a quelques années j’ai eu un accident de voitures. Quelque chose d’assez bénin en fait. De la tôle froissée comme on dit. Ce n’est pas moi qui conduisais, j’étais gentiment à l’arrière à regarder le paysage défiler. Quelques secondes avant l’accident, je me rappelle que je fixais un arbre. Un arbre immense et isolé au milieu de la campagne. Il était noir et plus aucune feuille ne poussait sur ses branches. A ce moment là, j’ai su qu’il allait arriver quelque chose à cette voiture, mais j’ai préféré refouler cette certitude irrationnelle et me taire. Au virage suivant, nous avons terminé dans le fossé.

Je ne comprends pas vraiment ce qu’il m’arrive, j’ai l’impression de revivre une énième crise d’adolescence. Un jour je me sens bien, même trop bien. Je fais des dizaines et des dizaines de projets, je m’entends avec tout le monde, je suis partout, presque hystérique. Le lendemain, j’ai l’impression de porter le poids du monde sur mes épaules. Je me sens épuisée, étouffée. Je n’ai envie de rien, tout me semble insurmontable. Le fait de prendre une douche, de manger deviennent des épreuves qui me sont inaccessibles. La fatigue me gagne, paradoxalement accompagnée d’insomnies. Puis la mélancolie. L’inutilité de ma vie, de ce que je suis me saute au visage. Alors j’essaye de comprendre mais je ne sais même pas ce qu’il y a à comprendre.
Et puis il y a les autres jours. Ceux où plus rien n’a d’importance. Ceux où quoi qu’il se passe autour de moi je me sens seule. Comme si tout était braqué sur moi, que rien ne pouvait m’atteindre, même les plus importants. Mine de rien, ce sont ces jours-là où je me sens le mieux.

Aujourd’hui j’ai franchit le pas et j’ai pris rendez-vous avec un psychiatre. Non que je ressente un besoin réel d’y aller, mais j’ai besoin d’un peu plus de constance. Les crises d’ado ne sont plus de mon âge. J’ai besoin de normalité, de tranquillité, de repos. J’ai besoin de me laisser porter comme tous ceux que je peux croiser dans le métro.J’ai besoin qu’on m’enlève mes exigences. Je veux être comme tous ceux que je déteste. Je veux être comme tout le monde.

Je sais que je vais mourir comme je savais pour l’accident. Tous les jours dans le train j’attends qu’une bombe explose. Je me surprends à scruter les gens autour de moi : leurs expressions de visage, leurs manies, et surtout leurs sacs. Je prête attention aux odeurs, mon cœur se serre dès que je crois déceler celle du brûlé. La panique me gagne si le train met trop longtemps à repartir : je m’assoies toujours en queue, il suffirait que le train d’après ne puisse pas s’arrêter à temps… Ca s’est déjà vu.
Le reste du temps je fantasme en regardant défiler le paysage. Une explosion, est-ce qu’on la sent arriver ? Est-ce qu’on entend un grand bruit ? On ressent un coup violent ? Est-ce que pendant un dixième de seconde on sait que notre corps part en lambeaux ? Est-ce que le monde continuerait de tourner sans moi ? Oui sans aucun doute. Mais moi je ne veux pas mourir comme ça, en rentrant du boulot, comme ça, anonymement.
Je ne veux pas mourir.
Pitié.

Il y a quelques années, une de mes connaissances est morte dans un accident de voiture. Brûlé vif. Peu de temps après l’enterrement, je me suis mise à faire des cauchemars très particuliers. Je voyais exactement tout ce qui se passait dans la pièce où je m’étais endormie : le programme qui passait à la télé, les allées et venues des gens. Tout. Impossible alors pour mon inconscient de se rendre compte que je dormais. Sauf qu’en plus, Il était là, toujours dans un coin de la pièce. Son corps brûlé et déjà pourrissant tourné vers moi. Il me parlait, me prévenait. Il mentionnait mon avenir, Il m’avertissait de ce qui allait m’arriver. Et moi je ne L’ai jamais écouté : on écoute pas ses rêves, c’est le premier pas vers la folie. Pourtant Il avait raison.

Je me demande ce que c’est d’être fou. Où est la barrière, cette limite à ne pas franchir pour passer de l’autre côté ? Qui décrète ce qui est vrai ou non, ce qui est sensé de ce qui ne l’est pas ? J’ai vu tout ce que je dis avoir vu. J’ai raison c’est Ma vérité, mais sûrement pas celle des autres.
Avant, aller voir un psy était pour moi un signe suffisant de folie. Voir des choses que les autres ne voient pas. Y croire. Je suis folle. Une maladie qui me ronge petit à petit. Un mal qui s’insinue sournoisement, me laissant l’entrevoir avant de m’emporter. Pourtant, on dit que quand on a conscience d’être fou, on ne l’est pas.
Je suis quoi alors moi ?
Je suis qui ?

Il y a un homme de mon appartement, je ne sais pas si c’est Lui. Il reste planté dans le salon et il ne bouge pas. Il y a un homme dans mon salon. Je ne sais pas qui c’est. Il est là. Dans mon salon. Planté. Je ne sais pas ce qu’il veut. Mais il y a un homme dans mon salon. Debout. Immobile.

Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle. Je ne suis pas folle.
Je ne suis pas folle.
Je ne suis pas folle.
Je ne suis pas folle.
Je ne suis pas folle.
Je ne suis pas folle.

Une dépression. Je fais une dépression, juste une dépression. Il n’y a pas d’homme dans mon salon. Je suis folle, mais juste un peu. Une folie commune qui se soigne à coup de cachets. Maintenant, ça va aller. On me l’a dit.

Les gens me montrent des choses depuis hier, je les suis.

Il est là. Moi je suis assise sur mon fauteuil, et je le regarde. Il a le doigt pointé sur mon étagère. Il est là, quelques mètres devant moi. Il est là. Je ne suis pas folle.

Je sais enfin ce qui avait changé dans mon salon. Un livre. Un livre que je n’avais jamais vu, mais il me l’a montré. Le livre raconte comment je vais mourir. Un objet ça ne s’invente pas. Des visions d’accord. Mais un objet qu’on peut toucher et sentir non. Et puis, je prends bien mes cachets. Un objet non, ça ne s’invente pas.
Je vais mourir.

Je suis folle.

Et pic
Et pic
Et colegram
Et

Ils sont tous là de toute manière. Maintenant on ne peut plus rien y faire, c’est comme ça. Y a rien à faire à part peut être un trou dans la tête, parce que décidément là, il y a beaucoup trop de monde. Moi je n’aime pas le monde et le monde ne m’aime pas. Mais on y peut rien, ils sont là de toute manière. Maintenant. De l’autre côté.

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 11/10/2005 à 17:57:11
Amstramgram. C'est pas compliqué. Sinon, je suis d'accord avec moi, comme d'habitude.
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 11/10/2005 à 18:06:17
Aux deux premiers paragraphes, je croyais que le narrateur était mort et allait s'en rendre compte ou un truc comme ça. Je suis de plus en plus crétin, bientôt je vais me mettre à baver.
    le 11/10/2005 à 21:20:08
C'est pire, tu as sûrement vu un film anglo saxon à base de nombre ordinal supérieur à cinq et de sens, et tu l'as aimé.


A part ça, le texte est correct au début, et de meilleur en meilleur ensuite. La seconde moitié est très bonne à mon goût.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 11/10/2005 à 22:10:11
Je préfère baver.
Chacha
    le 11/10/2005 à 22:10:40
En fait Glaüx se nomme Herman, c'est de là qu'est né mange ta soupe Herman ce qui n'a rien a voir avec les ricains ni avec ce guignol qui vole au dessus de tout.
    le 11/10/2005 à 22:16:02
Salut Chacha.

Tu suces ? T'avales ? Tu as une explication rationnelle autre que "j'étais déchirée je savais pas ce que j'écrivais" à ta phrase à jeu de mots hyperpropulsé au carbure de foutre mononeuronal ?



J'ai oublié de dire que le passage et pic/et pic/etc. est une idée génialissime et que je lèche l'intérieur du genou gauche de l'auteur pour ce passage.
xia
    le 11/10/2005 à 22:18:49
Ce texte a un leger ton de deja lu (sauf pour la fin) mais j'aime bcp.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 11/10/2005 à 22:24:34
Le creux poplité. chacha dépecé.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 11/10/2005 à 22:46:57
Marius Herman ?
    le 11/10/2005 à 22:53:39
Lapinchien, tu t'achètes le dictionnaire des prénoms de France sur CD-ROM, tu te carres ledit CD dans la rondelle, puis tu vas acheter le même dictionnaire sur papier en sautillant à pieds joints, tu le roules, et tu te le fous par le trou du cd. D'accord ?
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 11/10/2005 à 23:13:37
et ensuite ?
Abbé Pierre

Pute : 1
    le 11/10/2005 à 23:15:36
LC, détenteur officiel du record de la fumette anusale.
    le 11/10/2005 à 23:19:40
Ensuite ?

Ensuite tu branches le dictionnaire roulé sur un souffleur industriel, et tu t'enfonces le tube d'entrée d'une machine à saucisses dans la tronche ; tu allumes le soufleur avec l'orteil, et tu regardes le contenu de tes boyaux te passer par la gueule et entrer dans la machine à boudin.

Puis tu sors le boudin, tu te le fais cuire au beurre de chien, et tu le bouffes.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 11/10/2005 à 23:21:30
un conseil d'assaisonnement peut-être ?
    le 11/10/2005 à 23:39:43
Ouais. Tu prends le souffleur, tu branches le tube sur un entonnoir. Tu te colles la sortie de l'entonnoir dans l'oreille gauche, jusqu'à ce que ça craque. Tu penches l'oreille droite vers la poële où le boudin de merde et chyle cuit. Tu mets le soufleur en mode "sirrocco". On.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 11/10/2005 à 23:49:34
faudrait que j'aie une sacrée bonne raison de faire tout çà... tu proposes quoi ?
    le 12/10/2005 à 00:01:50
La douleur immense d'avoir causé de la peine à un être fragile en se moquant de son petit nom.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 12/10/2005 à 00:09:01
et dire qu'Aristote arrivait à accoucher les esprits en posant des questions et que moi je donne tout au plus l'envie de chier des conneries... Qu'est qui ne va pas avec mes questions ? Je suis maudit ! maudit ! maudit !
    le 12/10/2005 à 00:19:03
C'était pas Socrate ?


Après cette courte interruption, mesdames, messieurs, nos programmes reprennent.

*rewind*

J'ai oublié de dire que le passage et pic/et pic/etc. est une idée génialissime et que je lèche l'intérieur du genou gauche de l'auteur pour ce passage.
Nounourz

Pute : 1
    le 12/10/2005 à 00:20:54
oh ! j'avais oublié de commenter ce texte !
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 12/10/2005 à 00:43:36
d'ici le 24 on a même le temps de publier les pires bouses du thème érotique, dites moi ! Ok elles sont pas zonardes mais en même temps, si les commentaires sont zonards je vois pas en quoi çà pose problème... Approprions nous les daubes, exproprions, expulsons les auteurs médiocres de leur propre merdasse pour en faire une matière ductible qu'on pourra retravailler à notre guise par le biais de commentaires acerbes (du calme les yougoslaves j'ai rien contre vous), érudis et avantageurs pour ce qui grace à notre intervention commentatoire deviendra un chef d'oeuvre...
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 12/10/2005 à 08:50:13
Je trouve que Lapinchien corrompt la jeunesse.
Narak

Pute : 2
    le 12/10/2005 à 14:17:42
Ca reste dans la moyenne de ce qu'on lit sur la zone. Rien de follement original, mais le début fait vaguement penser à du Maupassant.
Non non, je déconnais ! Genre MOI je lirais du Maupassant...Allez revenez !
Darkside

Pute : 0
    le 17/10/2005 à 11:22:04
J'aime bien, c'est bien écrit, moi je trouve ça plutôt original. Le hic c'est que le rapport avec la phobie est assez lointain. J'y vois surtout une angoisse de mort imminente avec des halucinations (ou des visions, on ne sais pas si ces personnes qui apparaissent sont réelles ou pas...) Sinon pas mal du tout...
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 17/10/2005 à 12:15:09
Tu parles du Horla ?
Aka

Pute : 2
    le 28/10/2005 à 11:10:15
Bon alors bande de connards, quand est ce que vous venez me lecher le cul ? C'est quand même le soit-disant meilleur texte sur le thème zonard non d'une huitre.
    le 28/10/2005 à 11:19:19
Tu parles du Horla ?
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/10/2005 à 15:24:59
Ce qui m'épate, c'est qu'Aka avait même eu la présence d'esprit de semer une ou deux fautes dans son texte pour brouiller les pistes.

Un commentaire moins mesquin ? Euh... J'aime bien le texte, simplement et bien écrit. Mais son thème de la folie et du "Ma vérité" ne m'ont pas vraiment séduit, ce qui fait que j'ai voté pour des textes moins bien rédigés mais dont l'idée de base me semblait mieux trouvée.
    le 28/10/2005 à 15:51:44
*rewind*

J'ai oublié de dire que le passage et pic/et pic/etc. est une idée génialissime et que je lèche l'intérieur du genou gauche [d'Aka] pour ce passage.

commentaire édité par Glaüx-le-Chouette le 2005-10-28 15:52:9
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/10/2005 à 15:54:54
Creux poplité.
Aka

Pute : 2
    le 28/10/2005 à 16:59:22
On choisit pas ses phobies mon cher Dourak.

Putain ça ferait un bon titre de chanson ça, "on choisit pas ses phobies"... ou de sonnet.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/10/2005 à 17:23:50
Ca me rappelle une chanson de Leforestier.
Aka

Pute : 2
    le 28/10/2005 à 17:34:00
Oui j'hésitais entre ça et Elsa. Ca te dit qu'on en fasse un sonnet tous les deux ?

(se prépare mentalement à essuyer un refus - toujours se préparer avant)
Aka

Pute : 2
    le 28/10/2005 à 17:35:04
A part ça, ce texte s'appelle "Limites" à la base bordel. Et je trouve que l'image aurait été plus appropriée à l'un des edits à venir. Mais non je chipote pas.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/10/2005 à 19:01:24
Chipotons : ce texte s'appelle "hors-limites", pas "Limites".

Pour le reste, euh... creux poplité. Tu plaisantais ? Si non, faut voir si t'as une idée précise, je ne refuse pas a priori une collaboration avec quelqu'un qui peut gagner 500 euros en tapant sur un clavier.

Ca me rappelle une chanson de Lagaf, d'ailleurs : on a les lumières, on a la sono ; les paroles, c'est pas un problème ; la chorégraphie, j'te la fais ; chiche qu'on en fait un.

Mais ça me laisse dubitatif quand même.
Aka

Pute : 2
    le 28/10/2005 à 20:44:03
Je finis mes deux autres trucs en attente et je te soumets mon idée en MP. Faut que je la trouve entre temps.
xia
    le 28/10/2005 à 21:01:59
Je le savais bien qu'un jour ou l'autre la zone serait dans les bacs.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/10/2005 à 21:05:03
Prends ton temps, surtout, moi je dubite.
nihil

Pute : 1
void
    le 28/10/2005 à 21:07:50
Moi c'est mon texte préféré pour cette année, tous thèmes confondus, il est vraiment très bon.
Mill

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Pute : 1
    le 06/02/2007 à 12:26:17
J'adore à partir du moment où l'homme apparaît dans le salon de l'héroïne. Pour moi, c'est là qu'un véritable doute s'installe, créant ainsi un gros malaise. Jusqu'à la fin, ça fonctionne très bien. Mais le début se traîne.

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