Mort joyeuse

    Ça m’est venu comme ça, d’un coup. Plus envie de vivre, que j’ai dit. En fait, plus envie de connaître la Mort qu’autre chose. Alors, j’ai essayé, lentement, comme un enfant maladroit, d’aller la rejoindre. Elle.
Je me suis d’abord lentement crevé les yeux -vieille paire de ciseaux, merci-, laissant couler le sang sur mon visage, ce sang qui semblait l’engloutir, de ses grandes ailes rouges.
Je ne m’inquiète pas, non. Je sais que même sans voir, je pourrais prendre les pilules. De véritables bonbons doux et sucrés, capables de vous apporter joie et couleurs de vivre, et de vous plonger dans le Grand Sommeil de façon relativement agréable. Ils sont là, sur la table basse, à m’attendre.
Drogues pour dernier voyage, pourrait-on dire.
Je me saisis d’eux lentement, les faisant rouler entre mes doigts, supportant le sang qui pénètre mes narines.

Je les avale rapidement, pour ne pas sentir cette boule qui m’obstrue la gorge. La Peur sans doute.

Un pétillement monte le long de ma gorge. Tout commence. Des tas de couleurs viennent remplir mon crâne, bourdonnantes; celui-ci éclate presque sous cette pression colorée, vive, rayonnante. Je suis petit, tout petit au milieu de choses si grandes, si nouvelles. Les couleurs m’entourent, cette fois, et me portent dans des étendues d’énergie rouge, jaune, bleue, verte, toutes mêlées entre elles.
Puis je ressens beaucoup de fatigue, et les énergies me paraissent plus noires, plus malsaines, semblant prendre la couleur du sang, le même sang qui commence à inonder mon t-shirt.

Je meurs. Que peut souhaiter de plus un homme heureux ?