n3rDz 8 : centre névralgique

Le 20/02/2006
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par Lapinchien, Nounourz, nihil, Glaüx-le-Chouette
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Rubriques / n3rDz
Glaüx est le principal artisan de cet épisode et il incarne avec classe et décontraction tous les personnages à la fois. Et il s'y entend en gags débiles le salopard. Le texte est hilarant, vaseux, sans temps morts. Avec notamment une scène de chat en live qui restera à jamais gravée dans les annales de mon cul. L'intrigue avance à la vitesse d'un escargot, mais tout le monde s'en fout.
Résumé des épisodes précédents : nos quatres nerds de combat ont décidé de se rejoindre à l'extérieur pour tenter une action physique contre AdminBot, qui a lancé une annexion massive d'Internet. Ils sont donc sortis (à grand-peine) de chez eux. Preacher le hacker illuminé et mystique est parti de son appartement par les canalisations. Il a assisté à une hilarante scène de plaisir solitaire au niveau des chiottes de son voisin et a noté la présence de multiples microbots qui ont nettoyé la semence éparpillée partout.
Bigchief, Akaiô et Kikoolol84 se sont déjà réunis et sont complètement paumés dans les tréfonds du complexe d'immeubles Parthénon. Nous les rejoignons à l'instant où, suivant les robots livreurs de pizzas, ils passent une porte de service intrigante...
BIGCHIEF

Nous avons débouché dans une immense salle, bruissante d’activité. Elle mesure environ cinq appartements de haut pour peut-être trente à quarante appartements en longueur ! J’en reste muet, je ne croyais pas le monde suffisamment vaste pour qu’il y existe un local d’une telle taille.
Partout devant nous, et aussi loin que le regard se perde travaillent des robots, de gigantesques machines s’affairent dans un vacarme assourdissant. Il règne dans l’air une sorte d’odeur alimentaire, à forte teneur en tomates. Putain, j’ai faim. Je me bouffe trois paquets de coupe-faims Amphetaminol, ça me dilue les yeux dans un océan de poudre de silicium et toutes mes molaires implosent sous l’impact.
Au plafond serpentent un nombre incroyable de canalisations, qui plongent directement dans la structure du bâtiment. De là sortent en continu des milliers de petites fourmis mécaniques, qui crachent une sorte de liquide laiteux en bout de chaîne avant de s’en retourner. Ce manège monstrueux manque me flanquer une crise d’agoraphobie, mais je me contient à coups de Lexocalm et de gifles dans la gueule. La laitance amenée du plafond par ces micro-bots est ensuite acheminée par des kilomètres de tapis roulants enchevêtrés jusqu’aux structures principales. Des rangées immenses d’automates traitent cette matière première indéfinie, la mettent en forme, la cuisent.
Hypnotisés, nous suivons du regard le trajet improbable du produit, du stade de liquide blanchâtre à celui de centaines de pizzas fumantes, visiblement succulentes qui débouchent en fin de chaîne. Des centaines de robots pizzaïolos les chargent en continu dans les boîtes à pizzas que nous connaissons si bien, avant de s’enfuir par les centaines de portes que compte l’usine.

Et dire que je ne vais même pas pouvoir raconter ça aux potes du canal #cyber ! Ils m’auraient pris pour un affabulateur de première, mais l’important n’est pas d’être crédible, c’est d’être remarqué. Ces putains de bots ont ruiné ma vie ! Quel est au juste l’intérêt de vivre des expériences exceptionnelles si on ne peut pas s’en vanter sur #cyber ? Oh bien sûr je pourrais partager mes impressions avec Akaiô et Kikoolol, mais ce sont juste des potes de vie réelle, ils n’existent pas vraiment à mes yeux.

Je suis le premier à rompre le silence béat.
-Je crois qu’on a trouvé l’endroit où naissent les pizzas…
Akaiô me tape familièrement l’épaule et je pense une seconde à la masse de bactéries dégueulasses qu’il vient de me transmettre.
-Sais-tu, mon cher Bigchief, que tu viens à l’instant de faire preuve d’une ahurissante perspicacité ? Nonobstant ta propension à l’isolement autistique derrière un moniteur, tu eus pu t’avérer brillant comme détective privé.
-Hein ?
-Laisse tomber. Tu as mis dans le mille : c’est bien l’usine à pizzas.
-Et moi qui croyais qu’il y avait des gens pour les fabriquer… Pourquoi y a-t-il un dessin de pizzaïolo moustachu sur les cartons, alors ?
-Peut-être que certains modèles à la viande contiennent de véritables morceaux de pizzaïolo ?
-Je crois que je vais vomir… Vite, un Antiemetum pour me soulager. Quelqu’un aurait de l’alcool à 70° ?

Kikoolol bave, ses yeux sont deux boules de billard qui tournoient dans tous les sens, il glousse douloureusement :
- ImprScrn, ImprScrn…
- Que se passe-t-il ? Y a-t-il un souci ?
- Oui… Je… j’arrive pas à faire une putain de capture d’écran pour forwarder ça à PoeticKevin !
Nous nous rapprochons des machines, tout semble automatisé, il n’y a pas le moindre opérateur pour régler cet immense mécanisme. Mais il y a forcément un chef, quelqu’un qui a pensé tout cela, l’a conçu ! Qui est ce mystérieux roi de la pizza ? Est-ce une intelligence du mal au service de la malbouffe ? Un savant fou manipulé par une multinationale maléfique de sauce-tomate ? Une entité extra-terrestre ? Il n’y a que des putains d’extra-terrestres hostiles qui aient pu construire ce… cette chose sans que personne ne s’en aperçoive ! Ce n’est pas parce que euh… parce que nous avons tendance à nous concentrer sur des écrans d’ordinateurs dans des placards aménagés que nous sommes aveugles et stupides ! Et merde, les reporters de CNN ça existe quand même, je le sais, je les vois faire coucou en 200 pixels par 300 tous les jours à 20h sur cnn.com !
Moi et mes deux assistants-aventuriers suivons le parcours des pizzas. La vitesse est impressionnante, le rendement doit avoisiner les deux cent pizzas par minute. Ca me parait vraiment étrange qu’ils en produisent autant, puisque je n’en mange que deux par jour. Je ne suis pas sur de comprendre.

- J’ai faim ! glapit Kikoolol. Venez les caupins, on s’en prend une !
- Mouais… y’a personne pour s’en rendre compte, de toute façon, enchaîne Akaiô.
- Je ne sais pas si c’est une bonne idée… je
- TA GUEULE ! font en chœur les deux affamés.

Kikoolol subtilise une trois fromages en bout de chaîne et lui fait des bisous partout. Il se met à réciter les grâces en remerciant le Grand Pizzaïolo Suprême, qui nous contemple du haut des cieux, de lui accorder une fois de plus sa pizza quotidienne. Nous l’imitons, je choisis personnellement une pulpeuse Savoyarde, j’en bave d’avance. Putain j’ai envie de me branler en voyant défiler sous mes yeux ces monceaux d’Orientales, de Paysannes, de Végétariennes. Oh mon Dieu Margarita, Regina, vous me rendez dingue, je rêve de vous étreindre, de vous bouffer, de vous prendre et vous inonder de ma semence !! Je me chope un Lexocalm et ça va mieux. Kikoolol me regarde d’un œil noir et je lui en cède deux. J’ai l’impression qu’il a épuisé ses provisions de Lexocalm. Si ce taré croit qu’il va pouvoir me racketter comme ça, il se plante !
Nous nous installons dans un coin, et déjeunons en silence. Étrange, ma nouvelle petite amie a le même goût que la calamar-moules-anchois. Je dois me faire des idées. Kikoolol semble de plus en plus nerveux, Akaiô quant à lui paraît accablé par la fatigue. Je lui avais bien dit de prendre ces pilules de soutien à l’effort musculaire prolongé. Quoi qu’il en soit, je commence à me demander comment nous allons nous tirer de là. Il y a des dizaines de portes dans la grande salle, mais l’esprit d’initiative me manque, et la seule idée de devoir les essayer toutes pour espérer arriver à l’extérieur me paralyse. Putain, je sais même plus pourquoi on s’est lancé dans cette galère. Ah si, Alphasoft, les bots, tout ça. Quelle connerie, on aurait mieux fait de forcer l’appart d’un voisin et lui gauler sa connexion.

-J’en ai marre ! On se tire ! Kikoolol s’est relevé subitement, après avoir à peine entamé sa part de pizza.
-kikoolol, voyons t’as rien mangé, mon chéri !
-Rien à foutre ! Levez-vous tout de suite, tas de larves dégonflées, mais regardez-vous un peu : affalés comme des putains d’étrons chiasseux, j’en ai ma claque, ON-SE-BARRE ! Marre de rester à rien foutre ! Voila ce que j’en fais de vos pizzas !
Il nous arrache les parts des mains, les jette a terre et piétine le tout.
-Mais putain, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu veux un autre Lexocalm ?
-VOUS FAITES CHIER JE VEUX QU’ON SE CASSE DE LA TOUT DE SUITE !! BANDE DE MOUS DU BULBE OK !? OKK ??!!! OK JE ME TIRE SANS VOUS !!
-Mais nous

Mes protestations sont inutiles. Kikoolol s’est élancé en courant en direction du fond de l’usine. Le temps de nous relever et de fumer une petite clope post-prandiale, et il est déjà loin, je crois que même moi, avec ma foulée légendaire, je serais incapable de le rattraper. Du coup je n’essaie pas. A l’autre bout de l’usine retentit un claquement de porte. Une fois là-bas, trois portes identiques se présentent à nous.
-Putain, mais quel con… Qu’est-ce qu’on va faire ? MAIS QU’EST-CE QU’ON VA FAIREUH ?
Akaiô se contente de toussoter. Nous voilà bien barrés, maintenant.

***

PREACHER

Une demi-heure que je suis là, dans mon tuyau qui sent bon le cul de poissonnière, à tenter de dégager le mien des parois de métal. Faut dire que le sport et moi, c’est surtout une relation virtuelle. Et Grocul Simulator n’est jamais paru ailleurs qu’au Lichtenstein et en édition limitée albanophone, je n’ai pas pu m’entraîner. Je fais une pause. Le noir était total au début ; il s’est transformé en une vague obscurité fadasse, au fur et à mesure que mes yeux s’habituaient à la lumière résiduelle qui filtre sous la porte des toilettes de mon voisin (qui s’écoute le thème final de Scarface à fond les manettes, à côté). J’ai l’impression d’être dans un jeu de rôle archaïque et d’avoir fini un écran, mais d’être bloqué par un bug. Un gros bug.
Je ne peux ni avancer, ni reculer ; pourtant le boyau est de taille égale depuis l’entrée, j’ai dû grossir depuis vingt mètres. Ah tiens non. C’est pas possible. Les bugs, ça m’a toujours énervé. Gestionnaire de tâches. Ctrl Alt Suppr bordel. Ctrl Alt Supr. CTRL ALT SUUUUUUPR !

Ah, merde. J’ai crié.
Mon voisin revient.

- Il y a quelqu’un dans la pièce ?
Il a une petite voix fragile, tout à coup. Toute timide. Je me tais, j’arrête de respirer. Dans ma position, s’il me découvrait et voulait me buter en m’étouffant avec sa brosse à chiottes, je serais incapable de me défendre.
- Quelqu’un ? Ohé ? Répondez, si vous êtes là ?
Il reste à l’entrée, derrière la porte, qu’il a entrebâillée, sans allumer la lumière. Je le sens trembler d’ici, c’est rigolo. Sa respiration tremble.
- QUELQU’UN ? Ooooooh mais alors ! Johanna, tu t’es fait peur toute seule, ma poulette, il n’y a personne, tu vois bien. Fais confiance à ton gros loup.
Il ouvre la porte en grand et allume la lumière, pour prouver à « Johanna » qu’il dit vrai. Johanna est une poupée gonflable. D’accord.
Puis il éteint et referme la porte, tout en gazouillant des mots doux à l’oreille de Johanna, sans plus s’inquiéter de rien. Retour à l’état initial. Bug. J’ai la fatal error récurrente dans le derche.

AAAH ! Le corps de sa baignoire vient de s’ouvrir. Quelques secondes à peine après l’extinction de la lumière, sans prévenir. Et elle laisse échapper d’autres mini droïdes ! Différents des premiers, en triangle d’un centimètre de côté à la base, jaunes et noirs, avec de petits canons sur chaque face et un tube souple minuscule qui les suit et les relie à la baignoire. Et il font un bruit de type turilipilibilipili, tous en coeur. C’est n’importe quoi. Je veux m’en aller. C’est n’importe quoi. Ils se mettent en formation, en trois lignes, trente de front, au pied du mur d’en face. Tirilupilupilibuliblozzzzzzzzz. Puis ils se mettent en arrêt en bourdonnant. Et prolololololololololo, un autre droïde, solitaire, sort de la baignoire, doté d’un tube nasal comme les fourmiliers. Il se met devant les turilipili, et part droit devant lui en collant son appendice au sol. Il file de tache ne tache, et les triangles le suivent ; arrivés sur la tache, ils projettent un liquide savonneux parfumé à quelque chose comme l’essence naturelle de soleil du matin forestier ou le formaldéhyde. Au fil de ses zigzags, le gros droïde arrive devant ma grille et mon nez. Il hésite, puis se jette frénétiquement contre les barreaux de métal ; il est trop gros pour passer, je sens seulement sa trompe me fouetter la lèvre inférieure, mais les triangles passent. En un instant, ils me recouvrent et me parcourent en tous sens, en tirilipant d’un air affolé, et en m’aspergeant de fluide gluant. Ils s’acharnent sur mes aisselles, mon visage, ma raie du cul, la plante de mes pieds, mon creux poplité, pendant cinq longues minutes. J’ai beau me tortiller, je reste comme un gros vers torturé par un gamin, à la merci de la torture de leurs chatouilles.
Puis soudain, ils s’en vont. Le gros droïde vient de s’en aller voir une autre tache que moi, plus loin. Je respire profondément. Putain mais qu’est-ce que je sens le formol au citron, on dirait un gros bébé confit apéritif. J’ai envie de me sucer le coude pour goûter.

Tiens, mais je glisse. Hahaha les cons ils m’ont lubrifié avec leur savon, en plus de me nettoyer. J’hésite entre « humiliant », « amusant » et « ridicule », mais c’est un des trois. Faut que je sauvegarde. C’est trop bon, cette astuce, cracking.net va m’en donner des millions. Je me tortille en clignant des yeux pour sélectionner cet instant de vie et le conserver. Magie ! A présent je peux avancer, peu à peu ! C’est reparti. Level suivant, bordel. Il y a une lumière au fond du tunnel. Il y a toujours une lumière au fond des tunnels, comme le soleil au-dessus des nuages, et le bonheur over the rainbow, mais ces deux trucs-là, je connais pas, par contre. J’avance vers la lumière, de coup de rein en tortillement de fesses.

***

AKAIÔ

- Nous voici beaux, foutredieu.
- Ouais ça fait chier.
- Kikoolol ? Kikoolol où es-tu, joyeux garnement ? Réponds s’il te plaît, tu nous causes une éléphantiasis des burnes dans la gorge, là, vois-tu.
- Euh, taper la causette avec un éléphant ? T'es sur que tout va bien Akaiô ? J'ai des anti-hallucinatoires en gélules si tu veux.
- Non mais je lui dis juste que KIKOOLOL REVIENS BORDEL DE MEEEERDE !
- Putain t'as oublié de virer le capslock... Bon, respire un coup, déstresse-toi un peu, détend ton string : il va revenir si on l’appelle gentiment avec des mots normals...
- Normaux.
- Quoi ?
- Des mots normaux, Bigchief, mon ami, normaux, pas normals.
- Ohla ouais bon fais pas ton troll, hein, tiens prends un ducalmectol en poudre, étale-le sur tes gencives, tu te sentiras meilleur mec.
- Mieux.
- Gni ?
- On dit pardon.
- Wola mais Akaiô faut que t’arrêtes, t’as abusé du Robertal 500, toi. Viens on se pose et on chatte calmement devant une autre pizza.
- Oui bon. Je m’édite, désolé. Tiens prends une Armaggedon peperroni, elles sont bonnes. Je te la prends sur le tapis roulant. Je m’en prends une aussi.
- On s’assied là ?

Je commence à en avoir plus qu’assez de cette fausse vie IRL. Je perds le contrôle. Je veux mes fora, mes adoratrices prépubères, je veux retrouver ma verve imparable et lourde et tranchante comme le glaive du destin. Kikoolol débile me rassurait ; psychotique, il m’effraie. Ma table basse me rendait fort et fier ; sans elle, je suis dépourvu. Et Bigchief s’impose de plus en plus à mes yeux comme mon idéal masculin, et je déteste ça. Il faut que je me ressaisisse du contrôle de la situation. Il me faut mes repères. Il me faut mon écran et mon clavier.

- Bigchief, écoute-moi.
- *Bigchief joined #conscience claire
- Quoi ?
- Nan je dis oui ?
- Bon. Regarde. Ouvre ton carton à pizza devant toi, comme ceci. Laisse-le aux trois quarts ouvert, comme cela. Imagine que ton carton, c’est ton écran.
- C’est n’importe quoi, mon pote.
- Ta gueule, je te prie instamment. On va faciliter le processus intercommunicationnel entre nous. J’ouvre mon carton comme le tien, mais je te tourne le dos. Si tu veux bien, je m’appuirai sur tes musculeuses épaules, et toi contre mon dos frémissant d’émotion. Pour envoyer ton message, tape et dis mozarella. Pour un wizz, tape chorizo. Pour un un lol, tape olive. Et pour un joindre un mpeg gaillard et polisson, tape huile pimentée, mais n’allons pas trop vite, petit coquin.
- T’en fais pas pour ça, va.
- Bien. Salut Bigchief Mozarella.
- Slt Akaiô mozarella.
- Comment vas-tu smiley jambon ? J’aimerais ton avis sur la situation mozarella.
- Olive j’adore ton truc en fait olive olive olive mozarella.
- Oui bon. Ton avis sur la situation svp mozarella.
- CHORIZOOOOO !
- Bigchief je peux te cheesy-pâte-kicker quand je veux, alors arrête ton tomate-flood, stp, et dis-moi où on va mozarella.
- DTC olive mozarella ?
- Je vois que tu retrouves tes marques, raclure. Tes vannes sont grosses comme une maison mozarella.
- Et CMB ! CHORIZO DOUBLE SUPPLEMENT ANCHOIIIIIS !

Bon. Je me retourne posément d’un bond.

- Bigchief tu cesses bordel !!!
- Euh oui bon.
- Je reprends.

Je me remets en position, appuyé contre le dos de mon boulet de compagnie.

- Expose-moi ton avis sur notre prochaine action, Bigchief mozarella.
- D’un point de vue pragmatique je crois qu’on est plantés lol euh... olive. Mozarella.
- Bon. Nous ouvrons une des portes ? Nous ouvrons les trois portes avant d’explorer les pièces qu’elles cachent ? Nous cherchons une clé dans cette pièce ? As-tu un saving code de level ? Faut-il chercher une porte secrète ? Mozarella ?
- Je serais carrément d’avis qu’on ouvre les trois portes merguez.
- Kwa *smiley whathefuck ananas ?
- Olive XcUz j’ai glissé sur une flaque d’huile d’olive olive. Edit *qu’on ouvre les trois portes mozarella.
- Ah bien. Bon. Tu ouvres la première à gauche, je prends la suivante, et on fait les trois ainsi, dans l’ordre (hahaha je n’en ouvrirai qu’une, et Bigchief est trop limité pour le comprendre, enfin j’espère). Tu es d’accord mozarella ?
- Ouais mais j *oliv mozare pâte chee ol huile pim ol tomat pâ chor tom olive jamb oignon
- ?

Les ingrédients me sont tombés sur le crâne et sur l’arrière de la tête IRL. Je mets un instant à le comprendre. Bigchief ne les a pas prononcés. Une explosion de pizza. En même temps, les épaules de l’éphèbe ont subi une violente secousse, puis une vibration désordonnée. Le salopard. Il est encore sur un site de putes et il a zappé ma fenêtre pour se branler.

- BIGCHIEF ALT F4fromages IMMEDIATEMENT SUR TON SITE DE BOULES OU JE TE BLOQUE A VIE DE MES CONTACTS !
- aouch...

Je me retourne. Et je m’immobilise. Bigchief n’est pas seul. Un visage est collé à son ventre, dans le carton à pizza il y a une poitrine masculine, et autour du tout il y a des membres, des cheveux, des vêtements, bref, un homme. Tombé du ciel ou je ne m’y connais pas. Pour avoir éclaté la connexion carton de Bigchief comme ça, ça doit encore être un enfoiré de hacker.
L’individu étalé sur Bigchief est de taille et masse imposantes ; il porte un complet veston élimé sous les cuisses et les fesses, gris cendre, avec chemise jaune à col fermé, et petite cravate noire. Mais peu importe. Sa particularité principale est d’être recouvert d’une substance luisante, et d’ingrédients de pizza Armaggedon Peperroni par-dessus. Luisante et gluante, d’après les bruits de succion qu’il produit en décollant son visage du fond du carton à pizza. Schllleurb. Bigchief, lui, est plié de douleur au-dessus de la tête de Schllleurb, et il gémit. Checkpoint, vérification des status : Akaiô 95 %, damage 0 ; Bigchief 47 % - power pound 600 subi dans le diaphragme, damage 150 ; Schllleurb [new player] 28,3 % - attaque chorizo narine gauche, damage 12 - ultimate blast au visage par un carton à pizza, damage 250 - fatal bad reception sur l’avant-bras gauche, damage 500 et une double fracture ouverte.
Il se relève lentement et regarde son bras avec un air à la fois étonné et fatigué. Bigchief, quant à lui, se roule sur le sol lentement en fouillant dans les poches de sa veste.

- Oh putain où j’ai mis mes seringues de morphine métabismuthée. Aargh. Ah voilà.
- Vite passe-m’en une, Bigchief, je l’injecte au blessé.
- Va te faire mettre, Akaiô.
- Non Bigchief pas dans ta -

Bigchief vient de brandir une seringue décapsulée, et de se la planter dans l’aine. Et là, il a le visage d’un qui a vu Dieu en slip léopard.

- Je... Je peux en avoir un peu, dites ?
- Oui bon oui je sais pas ce qui a pris à mon compagnon, mais je vais le fouiller pour te soigner, étranger. Bigchief ! Où sont tes seringues !
- Casse-toi de mon rêêêve...
- Putain quel connard. Ah voilà.

Je fais une injection dans le bras valide du déchu, sous le regard désintéressé de Bigchief. Puis l’individu s’assied, toujours en regardant son bras, qui pend depuis son deuxième coude et saigne. Je délie son brassard de déguisement de comptable, et je garrotte proprement son bras gauche.

- On peut dire que tu t’es pas raté.
- On peut dire que tu t’y connais en secourisme.
- On peut dire que gerben.com et le traumatoatlasonline.net sont de bons professeurs.
- On peut parler normalement, aussi.
- Ton nom, étranger ? Ton origine ? Tes raisons de te vacher sur les gens avec violence ?
- Preacher, plafond, j’ai un léger surpoids du cul.
- Preacher ?
- Ben oui. Putain ta morphine c’est de la bonne. J’ai des fourmis dans tes yeux et je communie avec la semence universelle des pizzas.
- Ah bravo, deux hippies avec moi, et Kikoolol qui s’est barré, c’est bien, c’est bien, je veux rentrer chez moi. Bon. Je vais parler clairement et distinctement, ami. Qu’est-ce que tu branles ici ?
- J’ai suivi les tubes des droïdes mangeurs de sperme.
- TU SORS DE TON TRIP CINQ MINUTES ET TU M’EXPLIQUES COMMENT TU PEUX ÊTRE PREACHER, ET CE QUE TU FOUS ICI, BORDEL !
- Je suis Preacher, je cherche Bigchief, Kikoolol et Akaiô, et j’ai suivi les tubes des droïdes mangeurs de sperme.
- TU... Tu... je — je suis fatigué. Ca m’étonne même plus que tu sois vraiment Preacher, tu vois. Les scénaristes du MMPORG de ma vie étaient sûrement shootés, eux aussi, tout le monde est shooté, ici, de toutes façons, ils n’avaient pas d’idée, alors poum, ils t’ont balancé sur Bigchief, j’en ai rien à foutre, d’accord, tu es Preacher, c’est bien, c’est formidable, j’en ai rien à battre, va te faire mettre, à la fin. Mais arrête ton trip de droïdes mangeurs de sperme, on est dans une usine à pizzas, ici, pas sur un de tes sites dégueulasses.
- Une usine à pizzas ? Je suis tombé de mon tuyau dans une usine à pizzas ? Oh...

Preacher se met à considérer les tubes, les sorties de tuyaux au plafond, les rails que suivent les mini droïdes, du plafond vers des cuves grises en plomb, puis les liaisons entre cuves et machines de préparation, les tapis roulants couverts de matière translucide et grumeleuse, les pompes ronflantes, les fours énormes et compliqués, toute la machinerie, avec un sourire détaché. Puis il contemple le carton à pizza dans lequel il a décalqué son front, et celui d’Akaiô, encore à moitié empli de pizza.

- Oh bé vous avez eu votre part de protéines, vous deux, haha...
- Oh merde.

Je sens tout à coup mes yeux pousser vers le dehors, et mon estomac remonter jusqu’à ma glotte, comme une huître géante. Et je crie, et je couvre le visage de Preacher de protéines humaines régurgitées. Lequel Preacher se met à rire comme un poney saoul, contrairement à ce que j’aurais prévu si j’avais eu le temps de réfléchir à mon acte.

- Tu crois que ça va être encore recyclé, ça ?
- Preacher tu me dégoûtes.
- Héhé, en tout cas ça a un petit goût de déjà-vu, si ça se trouve ça m’a appartenu déjà d’une manière ou d’une autre, héhéhé.
- BRLOUÄÄÄÄRHP !