LA ZONE -

Le gouffre

Le 27/04/2007
par Osiris
[illustration] Ma bouche. N'est-ce pas le plus bel organe qui ait jamais été créé ?Ce gouffre béant, empli d'une infecte salive semblable à du poison, dont les miasmes putrides égalent le parfum de vastes marécages, dans lesquels un peuple cruel aurait laissé pourir les cadavres de ses enfants. Cette porte toujours ouverte, à l'image des portes de l'enfer, laissant entrer la nourriture comme un cortège d'âmes damnées marchant vers le feu éternel qui punira quelque faute dérisoire commise lors d'une existence médiocre et éphémère.
Quelle sensation que de sentir ces aliments, matière jadis vivante, plonger dans le lac puant que retient le barrage de mes dents jaunâtres, lesquelles broient avec régularité les cellules en cours de putréfaction (car le poison ne les aura pas épargnées) ! Quel plaisir lorsque ma langue verdâtre darde comme un serpent pour happer les morceaux de chair, puis les sacrifier à mon estomac insatiable ! Il faut toutefaois savoir que toute la nourriture ne va pas jusqu'à lui. Une partie se décompose dans ma bouche et est digérée par la faune monstrueuse qui s'est développée sur ma langue, lui donnant cette coloration, et sur mes gencive aphteuses. Une autre est emportée par les minces filets de bave qui s'écoulent aux commissures de mes lèvres, apportant la gangrène avec eux lorsqu'ils tombent sur une matière vivante. Mais la plus grande partie est précipitée dans mon gosier, par un brusque mouvement du serpent gracieux, qui se hâte d'happer un autre morceau que les lèvres écartées auront laissé entrer.

De la décomposition des aliments résulte une émanation pestilentielle, qui n'est pas sans rappeler les relents que dégagent les autres hommes, lorsqu'ils ne se sont pas enduits de parfums capiteux pour la masquer. Avez-vous déjà senti cette odeur ? Non, car l'habitude émousse les sens, et celui qui respire en permanence les effluves de ses semblables, et les siens propres, finit par ne plus rien perçevoir. Pourtant elle est bien là. Cette odeur fétide à laquelle nul ne peut échapper, car elle sort de votre propre bouche, et de là est directement aspirée par vos naseaux dilatés, s'enivrant de capter à chaque inspiration les vapeurs empoisonnées de votre propre organisme. Ô lecteurs à faces de gorets, n'est-il pas merveilleux ce parfum ? Il rappelle celui de gigantesques charniers, autour desquels voleraient des millions de mouches affamées. Cette image ne vous fait-elle pas venir l'eau à la bouche ? Je sais que vous êtes friands de morbide, et que l'odeur des corps pourissants de vos semblables, loin de vous dégoûter, vous attire au contraire, et vous met en appétit. Allons, ne protestez pas. Je connais votre coeur : ne suis-je pas, après tout, votre frère ? Moi aussi, j'aime à nourrir mes passions abjectes en contemplant la mort de mes semblables, moi aussi cela m'ouvre l'appétit , et me fait dévorer la vie avec plus de plaisir ! Qu'il est bon de manger, quand on voit les vers s'attaquer aux graisses fermentées accumulées par les cadavres, au cours d'une vie passée à se goinfrer et à s'enrober d'une épaisse couche moelleuse, comme les porcs, qui se jettent sans opérer de distinction sur tout ce qui passe à portée de leurs groins avides !

Ma bouche ne me sert pas qu'à manger. C'est aussi une arme redoutable , car le poison qu'elle contient peut se muer en paroles, et ma langue peut claquer comme un fouet, infligeant de cuisantes morsures à ceux qui osent s'approcher de moi. Elle peut déchiqueter une âme, sans même toucher le corps de celui à qui elle appartient, grâce au formidable vecteur formé par la parole, qui propage, par les ondes sonores qu'elle inflige à l'air complice malgrès lui de cette action atroce, le venin de celui qui la produit. Elle peut vampiriser un cerveau, grâce à sa capacité de suçion remarquable, laquelle n'est pas sans rappeler la force des ventouses du calmar géant, qui s'accroche aux cachalots, leur infligeant des blessures terribles sur les flancs, car ma voix est hypnotique, et aspire les pensées de ceux qui m'écoutent.

Sur le plan pysique, mes dents, à la surface colonisée par des microbes aussi nombreux que vigoureux, me rendent bien des services, par les morsures qu'elles infligent à mes ennemis. Malheur à celui qui subira pareille morsure ! L'infection se propagera à tout son corps, le transformant en une monstruosité, au point que son propre reflet le fera se souiller de vomissures. De plus, entraînées par une mastication ininterrompue, mes machoires robustes sont capables de briser les os de l'inconscient qui oserait me défier. Elles mastiqueraient sa chair et l'enfourneraient dans mon gosier, après que ma salive l'aurait putréfiée. Le pouvoir de suçion, réel cette fois-ci, de mes lèvres se fixant sur ses orbites me permettrait d'avaler ses yeux, et de continuer jusqu'à son cerveau. Qui de vous a déjà goûté de la cervelle ? Un mets de choix, presque liquide, salé et fondant. Et quelle cervelle que celle d'un ennemi de valeur, qui aurait employé son ingéniosité a essayer de m'attaquer, ce qui n'aurait pas manqué d'aiguiser son esprit, car je me suppose plus intelligent que le commun des mortels ! Mon appétit, aiguisé par des années de ripaille, est tel qu'il ne resterait plus que les os, vidés de leur moelle, et brisés par la pression ponctuelle de mes dents, là où l'accès à la moelle aurait été trop difficile. Dans l'univers clos et sombre de mon estomac en mouvement constant, le corps serait lentement digéré, tandis que ma bouche toujours ouverte, comme les portes de l'enfer, m'entraînerait en quête d'un autre repas satisfaisant mes exigeantes papilles gustatives.

= commentaires =

Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/04/2007 à 15:08:49
[edit de nihil : message complémentaire adjoint au texte par l'auteur] :
"Ce texte est très nettement influencé par la lecture émerveillée des Chants de Maldoror, bien que ne prétendant pas arriver à la cheville de l'original. C'est aussi une sorte de réponse aux dialogues de 222. Je vous préviens : il ne s'agit que d'un premier essai, et je suis conscient des erreurs qui parsèment ma prose, comme autant de boutons sur le visage d'un jeune adolescent découvrant les joies de la masturbation. Toutefois, j'espère que mon style saura s'affiner avec le temps, et j'essayerai de poster des textes de qualité si je suis admis sur la Zone."
[/edit]

Excellent premier texte zonard, en décalage tout de même avec le pseudo hiératique de l'auteur.

C'est bien d'assumer ses influences, mais j'aurais peut-être préféré le lire sans qu'on me précise d'emblée que ça lorgne vers Lautréamont de façon très appuyée, parce que là je l'ai lu sans parvenir à me sortir la comparaison de l'esprit, qui, du coup, est plutôt à l'avantage de l'original, comme souvent mon bon monsieur.

Sur le fond, vu que c'est plutôt un exercice de style, sentiment de tout-ça-pour-ça-itude, effectivement. Mais on peut se poser la même question à propos de n'importe quel texte.

Commentaire édité par nihil.
Aem.
    le 28/04/2007 à 15:09:08
"je suis conscient des erreurs qui parsèment ma prose"

Non je crois pas.

L'erreur principale selon moi, c'est que t'en a fait trop pendant tout le texte, ajout d'adjectifs qui restent toujours dans le même champ lexical, ça tourne en rond, ça raconte rien.

Si t'avais été conscient de cette erreur (qui est la principale selon moi) t'aurais jamais posté ton texte.

Sinon ça se lit, en sautant une phrase sur trois.
Osiris

Pute : 0
    le 28/04/2007 à 16:17:00
Le texte relève en effet plus de l'exercice de style qu'autre chose, et l'ajout d'adjectifs est là d'abord et avant tout pour le rythme (que j'avais d'ailleurs l'intention de corriger pour le dernier paragraphe (le mot ripaille n'allait pas)).
Sinon vos commentaires sont intéressants. Je vais me corriger pour mon second texte dès que l'inspiration me sera revenue.
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/04/2007 à 16:35:04
Et tu suces ? T'avales ? T'as un papy russe ?
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 28/04/2007 à 16:43:02
Je recopie la critique d'Aem, que je ne contredis d'ailleurs pas, en marge de mon édition de poche des oeuvres de Lautréamont, ça impresionnera mes héritiers.
Osiris

Pute : 0
    le 28/04/2007 à 16:51:08
Je suçe les yeux, j'avale les cerveaux. Rien d'autre.
Hag

Pute : 2
    le 28/04/2007 à 21:12:00
Osiris est un Illithid.
D'un coup je comprends mieux le texte (qui a du potentiel mais qui tourne à vide).
Dourak Smerdiakov

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Pute : 0
ma non troppo
    le 29/04/2007 à 00:03:57
C'est un genre d'insulte, ça, lllithid ?
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 29/04/2007 à 10:27:18
Osiris, Osiris, Ohhh !
Osiris, Osiris, Ahhh !
Mais k'est tu boâ dodue Didon ?

J'aurais plutot dit un fffluhid, personnellement.
    le 29/04/2007 à 10:47:38
C'est vraiment du remix de Lautréamont, jusqu'aux images (le poulpe, vraiment, c'est gros, hop on change un adjectif et hop on colle tel quel, ou bien la bouche suceuse tel quel et telle qu'en parle Bachelard dans son étude sur le vrai Lautréamont, jusqu'aux commentaires où tu suces les yeux et avales les cerveaux), jusqu'aux moyens littéraires, avec les adresses hautaines au lecteur, et caetera.

Du coup pour un gros fan baveux comme moi, c'est un peu pénible.

Mais puisque c'est assumé, et que j'ai commencé par là, je ferme ma gueule. La réécriture, c'est un excellent purgatif, si on n'en fait pas on reste aliéné par les lectures marquantes qu'on fait. Et puis somme toute, c'est un texte très maladroit et sans équilibre aucun, mais c'est pas si mauvais, dans l'élan. Il reste un peu l'énergie de Maldoror.

Maintenant j'attends la suite. Enfin d'autres trucs, plus originaux. Ca part plutôt bien, tout ça, à mon goût.



En revanche, pour l'amie étique [222] invoquée en intro, je vois pas bien le rapport, à part qu'elle a une bouche aussi, ça ouais, mais elle a pas l'air de trop s'en servir pour grailler. Mais bah. Ca lui fera plaisir, paraît que les anorexiques sont de grandes masturbatrices.
Osiris

Pute : 0
    le 30/04/2007 à 18:30:56
J'ai dit que c'était une réponse à 222. J'ai voulu faire le contraire exact de ses textes. Donc dans ce texte je mange. Je bouffe même des gens et tout.

Sinon mon prochain texte sera plus original. Je m'attelle d'ores et déjà à son écriture, mais ce que j'ai pondu jusque-là ne me semble pas digne d'être publié sur la zone. C'est plutôt de la merde bloggesque. Foutue inspiration, elle est jamais là quand on en a besoin.
Hag

Pute : 2
    le 30/04/2007 à 19:39:11
Aaaaah la putain d'image elle est en noir est blanc !
L'apocalypse est sur nous, l'ère glorieuse du monde-Technicolor est révolu, et nous replongeons en quelque sombre période où personne il n'est gentil et où tout fout le camp, mortifions nous amèrement sous les pluies de cendres et les éruptions de foutre.

Et pour ce qui est des Illithids, vous êtes tous des incultes du google.
nihil

Pute : 1
void
    le 30/04/2007 à 19:53:47
Bon bah j'ai bien aimé. Evidemment : j'étais un fanatique dangereux des Chants de Maldoror quand j'étais ado (me suis un peu calmé depuis). Du coup j'apprécie ce texte pour son style et son hommage appuyé et assumé, par contre faute de pouvoir égaler le maître, il aurait fallu s'extirper un peu du carcan de son style et de ses structures pour éviter la comparaison désavantageuse. 222 fait du Maldoror-like, mais elle l'a bouffé, digéré et régurgité mélangé dans sa sauce, elle a trouvé sa voie personnelle et n'a plus à souffrir de comparaison foireuse.
Autre reproche, mais inhérent au style, c'est quand même bien lourdaud et bien appuyé sur les clichés glauques, des fois ça tourne à la caricature. C'est pas de la première subtilité, avec six mots du champ lexical de la dégueulasserie par phrase, du coup, ça fais étalage de poisson pourri, ou alors concours de la phrase la plus glauque de la terre. "Ce gouffre béant, empli d'une infecte salive semblable à du poison, dont les miasmes putrides égalent le parfum de vastes marécages, dans lesquels un peuple cruel aurait laissé pourir les cadavres de ses enfants." Vlan.

Mais bon c'est pétri de bonne volonté, avec un peu plus de personnalité ça nous fera un bon auteur.
nihil

Pute : 1
void
    le 30/04/2007 à 19:56:04
Ouais, j'ai un peu changé l'image qui brûlait bien la rétine, le résumé qui ne parlait même pas de Lautréamont, j'ai bougé le commentaire de l'auteur qui n'avait rien à faire dans le texte. Bref, il s'est un peu chié dessus sur ce coup le Winteria.
    le 30/04/2007 à 20:08:11
Winteria c'est Blèze.

Et l'égyptien avec un nom d'ascenceur a l'air doté d'esprit critique, c'est bien ça, ça se faisait rare.

Par contre on dit pas inspiration, on dit aspiration.
Winteria

Pute : 0
    le 30/04/2007 à 20:15:27
J'avais pas très envie de citer les Chants de Maldoror sans les avoir lus, et je pensais que l'auteur, dans sa grande sagesse, savait se servir d'un formulaire de publication. J'ai donc laissé le commentaire d'Osiris là où il avait souhaité le faire paraître, comme on l'avait fait pour Obn, une fois.

En même temps, c'était Dourak qui avait publié le texte de Obn en question. Et s'inspirer de Dourak, c'est un peu bâtir un château fort dans de vastes marécages, dans lesquels un peuple cruel aurait laissé pourir les cadavres de ses enfants.
    le 30/04/2007 à 20:39:17
"J'avais pas très envie de citer les Chants de Maldoror sans les avoir lus"

Premièrement, mais lol.
Deuxièmement, mais meurs.
Troisièmement, loin de la Zone, bordel.
G Kwizera
    le 02/05/2007 à 19:14:49
"Le texte relève en effet plus de l'exercice de style qu'autre chose"

les exercices de style, il faut les reserver pour une corbeille à papier.

moi, coté influence, j'ai direct pensé à copier la phrase d'Aem : "Sinon ça se lit, en sautant une phrase sur trois" (et tout le reste aussi)

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