LA ZONE -

E

Le 26/12/2007
par Nico
[illustration] Leur démarche est lente et lourde. On dirait qu’ils vont tomber à chaque pas. Leurs bras pendent le long du corps, leur mâchoire est toujours affaissée. Ils ont la bouche ouverte, on voit leurs dents brunes et leur langue pâle. L’écume coule le long de leurs joues.
Ils traînent dans les ruelles, le jour comme la nuit, seuls ou en bande. Mais ils sont là, apathiques, continuellement. Et toujours plus nombreux. Et toujours plus jeunes.
On évite de les approcher. Ils sont violents, parfois. Ils brûlent des voitures. Sans sourire, sans passion, sans envie. Ils brûlent et ils regardent brûler, la bouche ouverte, les yeux fixes.
Ils ne sourient pas, ils ne pleurent pas non plus. Ils n’ont pas l’air heureux, ils n’ont pas l’air malheureux. Ils ont juste l’air de ne pas être là.
Leur vie est électrique. Leur vie était ordinateur, téléviseur, téléphone portable, lecteur mp3, instruments amplifiés, consoles de jeu, lumière, train, voiture, électricité. Leur système nerveux se prolonge maintenant dans les câbles électriques.

Ceux qui sont restés devant leur ordinateur, ceux là, leurs yeux sont devenus bleus, leur visage blanc. Beaucoup se sont solidarisés à leur chaise devant leur ordinateur.
Leurs jambes sont parties. Elles ont commencé par rétrécir puis par disparaître. Leurs bras ne peuvent plus que faire de petits gestes. Leur main droite est restée accrochée à la souris, la gauche est tombée en lambeaux. Ils ne communiquent plus qu’en binaire avec les clics de la souris, quand ils communiquent encore.
Leurs poils sont tombés, leur peau a disparue. Leurs os font des bruits métalliques et quand on les touche, on reçoit une décharge. Ils s’ennuient à mourir, ils meurent d’envie d’éteindre, de déconnecter, mais ils ne peuvent pas ils ne peuvent plus.

D’autres se sont jetés dans les prises électriques. Ils errent quelque part dans la toile des câbles.
D’autres se sont branchés à la télévision. Ils ne voient plus que la télévision. Ils n’entendent plus que la télévision. Ils sont assis sur le canapé au milieu du salon, les yeux fermés, l’esprit dans le téléviseur. Des parents généreux les nourrissent à la petite cuillère.
D’autres parents ont jeté leurs enfants à la rue. Ce sont eux qui errent dans les villes.

Au début ils parlaient. Et puis lentement ils ont arrêté. Ils ne parlent plus du tout. Ils ne veulent plus parler ils ne veulent pas en parler. Ils n’en ont pas besoin. Les parents ne cherchent plus à comprendre. Ils marchent sans but de rue en rue, le regard magnétique. Quand ils tombent sur la vitrine d’un vendeur de téléviseurs, ils s’arrêtent devant et regardent les écrans, mêmes blancs, jusqu’à la fermeture de la boutique. Alors ils s’en vont, mécaniquement, en silence. Ils ne ressentent plus rien, on a fait des expériences. On a beau leur arracher les bras, leur broyer les os, pas un son pas un cri. Les yeux sont fixes, les bouches ouvertes : les rideaux restent tirés. Mais si on éteint la lumière, ils se mettent à hurler. Ils hurlent sans fin. Ils ne sont plus réactifs qu’au son claquant de l’électricité.
Au début ils dormaient. Et puis ils ont arrêté de dormir. Ils ont arrêté de se réveiller aussi. Ils sont entre les deux, tout le temps. Ils ne vivent pas, ils ne meurent pas. Ils sont fluides, en courant continu. Leurs yeux ne se ferment plus. Ils sont toujours grands ouverts et irradient une lumière bleu grésillante.
Au début ils étaient bien humains. L’électricité les a rendu machines. L’électricité les a perdu pour toujours.
Au début ils ne voulaient pas devenir ça.

Ils n’espèrent rien. Ils attendent, juste.

La nuit ils s’attroupent autour des lampadaires et retirent les vitres de protection. Alors ils regardent, hypnotisés, l’ampoule rouge et lumineuse. Ils ne déconnectent jamais leurs yeux, du soir au matin, ils rechargent leurs batteries. Les papillons qui vont se brûler les ailes sur les ampoules ne les distraient pas.
Les nuits de brouillards on les entend hurler et on les retrouve agonisants le lendemain matin, dans les caniveaux.
Les jours d’orage ils se regroupent sous les arbres, lèvent la tête vers le ciel et attendent que la foudre vienne les libérer. Ils n’ont plus d’énergie pour le futur, ils ne veulent pas vieillir. Ils ne veulent pas non plus rester là.

Lorsque la foudre leur tombe dessus, ils se regardent brûler.
Leurs cendres sont dispersées par le vent.
Alors la pression retombe.
Le courant est coupé.
Ils sont loin.
Enfin.

Et pour toujours.

= commentaires =

Ed
    le 25/12/2007 à 22:34:00
J'finis le commentaire ensuite je detruis
mon ordinateur.
Sinon j'ai bien aimé.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 25/12/2007 à 23:04:05
j'avais deja ecrit C, voila que Nico fait E... A quand le grand abecedaire de la Zone ?
400asa
    le 26/12/2007 à 16:58:03
Je vois pas en quoi le phénomène que décrit le texte est sordide, du coup ça me gâche la lecture. Ce qui aurait pu être lancinant en est devenu répétitif, voire chiant.

Et puis c'pas pour paraphraser le résumé mais c'est vrai que ça reste super gentillet, niveau critique. On dirait une mémé qui se plaint.
B52

Pute : 0
    le 26/12/2007 à 22:02:13
Qui a parlé de mémé? J'aime bien les vieux, surtout au secteur palliatif!
ange verh
    le 26/12/2007 à 22:31:23
Les jeunes branchés, dans le fond, c'est plus à la mode
Atra

Pute : 0
    le 28/12/2007 à 06:01:54
Chaque génération d'enculés produit ses déchets en masse.
C'est l'éternel retour des mort-vivants.

Ce texte est à offrir aux femmes enceintes qui hésitent encore à avorter.
Mill

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Pute : 1
    le 28/12/2007 à 13:37:23
C'est joli. Un texte de prose poétique qui assume ses maladresses. Très bien. Très évocateur et si je chope l'enfoiré de corniaud qui m'a cramé la bagnole en février 2004, je penserai à Nico.
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 28/12/2007 à 20:06:05
Pour de la poésie en prose, je trouve ça très supportable, voire franchement agréable, d'autant que ça parle de quelque chose, mais j'aurais fait plus condensé. Peut-être le ton un peu trop plaintif pour la zone par moment. Le rythme des phrases trop monotone - même si on dira que c'est cohérent avec le thème.

Mais ils me semblent que la main gauche d'un tel ramassis de branleurs n'est pas prête de partir en lambeaux, devrait plutôt être boursouflée. Pour rendre ce texte écologiquement correct, ça manque aussi d'ampoules dans le cul, histoire de récupérer un peu de toute cette énergie.
Narak

Pute : 2
    le 29/12/2007 à 14:26:07
J'ai trouvé ça sympa, c'est digeste malgré le coté plaintif évoqué ci-dessus. Je trouve personnellement que ça aurait gagné si le premier paragraphe avait été plus developpé, c'est la meilleure partie du texte après ça retombe.
Nico

Pute : 0
    le 29/12/2007 à 15:11:04
En principe ce texte doit être seulement l'intro d'une "série" avec une intrigue et des personnages, sur ce thème.
Je ne l'ai pas indiqué parce que comme je ne vais jamais au bout de ce que je prévois de faire...

C'est plaintif je sais. Je suis un enfoiré de plaintif continu.
Mill

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Pute : 1
    le 29/12/2007 à 15:15:25
En tout cas, j'attends la suite. Pour l'instant, ça me plaît bien. Et si ce n'est qu'une intro, je m'en pourlèche les babines (et le reste aussi parce que je suis très souple).
Mentaltrash

Pute : 0
    le 07/02/2008 à 06:22:24
Oui, c'est devenu chiant, pas lu jusqu'a la fin.
L'introduction semblait pourtant prometteur.
Nico

Pute : 0
    le 08/02/2008 à 08:08:51
euse.
coiN
    le 13/02/2008 à 12:53:47
Chiant, je n'ai pas pu tout lire, même si c'est écrit d'une manière qui ne me déplaît pas. Dommage qu'il n'y ait pas vraiment d'évolution, et encore, une évolution de quoi, on parle d'une dégénérescence, une "dévolution", mais quand même quel sujet pourri.

On est en plein cliché, avec une idéologie "attention : post-humanisme", c'est très dépassé tout ça. Sois un peu moderne, pute.

J'aurai dû lire en entier, je trouve des pet-rles :
"Au début ils étaient bien humains. L’électricité les a rendu machines. L’électricité les a perdu pour toujours.
Au début ils ne voulaient pas devenir ça." Tu t'es pas foulé, ou alors t'es une vieille.
Koax-Koax

Pute : 1
    le 27/08/2009 à 15:08:24
Assez bien écrit, mais ce qui a le plus retenu mon attention c'est l'image utilisée pour parler de ces "phénomènes" de société.
Beaucoup de clichés, mais ceux-ci sont bien employés, le texte en lui-même ne tombe pas dans la caricature et est plutôt bien agencé, un peu sombre, froid et mystérieux.

La chose qui m'a plus dérangé ici c'est les quelques répétitions inutiles, pour ce qui est de décrire les yeux, par exemple.

Peut être un peu trop court, car au final ça ne débouche sur rien d'intéressant, pourtant l'idée de base dans sa formulation est séduisante. Frustrant.

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