LA ZONE -

L'opération III

Le 08/02/2009
par Lemon A
[illustration] Eugène Guinart ne paru pas autrement surpris en ouvrant la porte. Ce type devait simplement détourner la tête et poursuivre son chemin quand toi, tu te noyais dans le lac. Il calculait des marges, des indices, tapait des codes et regardait toutes les horreurs du monde sans réaction : les gosses avec des ventres gros et ronds comme des casques de moto, du porno gonzo où des filles s'étranglaient et vomissaient sur les braquemarts enormes d'acteurs cocaïnés. La vie devient tellement injuste et dégueulasse que personne ne s'implique plus dans rien. A peine si je senti une réticence lorsque je plantai la lame dans son ventre mou. Je l'enfonçai comme dans une pastèque flasque, pourrie, avec force parce que j'imaginais que les tissus organiques présenteraient plus de résistance et que je ne voulais pas rater mon coup. Le sang jailli sur le manche du couteau et réchauffa mon gant meurtrier. Apparement j'avais coché le bon numéro. Je tournai la lame à l'intérieur de ses entrailles, il s'affala en avant, sur moi, et je due effectuer un pas de coté pour esquiver sa chute. Il se répandit, la bouche ouverte, les yeux exorbités, il cherchait de l'air, il ressemblait à un poisson obèse echoué sur la plage.


Ce type, je l'avais déjà vu quelquepart.

Pour l'heure, le principal de ma mission était réglé. Mais je continuais de suivre les instructions de Jesus à la lettre et donc, j'attendis l'équipe de nettoyage sans plus toucher à rien, le couteau et mes gants dans l'évier, le cul posé sur une chaise de la cuisine, l'esprit vide. J'avais agi comme un automate, fait ce que Jesus m'avait ordonné de faire : assassiner ce pauvre type et poireauter. Des anges devaient se manifester, probablement pour débarrasser le cadavre et effacer les traces de l'homicide. J'étais un soldat du seigneur à présent, une sorte de justicier revenu de l'obscurité. Je ne savais pas quel sens donner à tout ça, mais si je voulais sauver mes fesses et ne pas moisir dans la grande file des destins aléatoires il m'appartenait d'accomplir la volonté de Dieu. Dire que de mon vivant je méprisais la religion : foin des peureux, substance des trous du cul, des fanatiques et des troupeaux bêlants.

4 types pénétrèrent dans l'appartement. Tous étaient engoncés dans de longs manteaux et l'un d'entre eux portait un gros sac de sport. Ils formaient une sacré équipe, aux carrures d'armoire normande qui les rapprochaient plus d'une bande de mafioso que d'une délégation venu du paradis. Aucune auréole ne flottait au dessus de leur cheveux tirés en arriere et leur faciès d'encaisseurs expérimentés n'inspirait aucun trait de sainteté. Ils inspectèrent rapidement les lieux puis l'un d'eux composa un numéro sur son portable, profera un “c'est bon” sec et raccrocha dans la foulée. 1 minute de silence mourru. Je ne dis rien et les types non plus. Jesus paru sur le seuil de l'appartement, grand, prédateur, inquiétant par le constrate du noir de son habit sur le crayeux de son épiderme. Il s'avança vers le cadavre. Eugène Guinart continuait à pisser le sang mais il était bien repassé, raide mort, aucun doute là dessus. Signe de tête, Jesus commanda à ses hommes de se mettre au boulot. Puis il se retourna vers moi et m'ordonna de le suivre à l'écart.

“Maintenant tu es Eugène Guinart, tu es lui, trait pour trait” me dit Jesus en plongeant son regard de café noir dans le mien. “Nous t'avons métamorphosé à l'identique, absolument rien ne peut te différencier de lui”. Je naviguais quelquepart entre le néant et l'effroi. Je dévisageai Jesus avec un air hébété, avec l'air hébété d'Eugène Guinart, ce que j'étais devenu, ce type. J'étais mort et Dieu m'avait ressucité. Jesus étreint fermement chacune de mes épaules avec ses deux mains. “Ecoute, ta mission sera facile tant que tu fera exactement ce que je te commanderai de faire. Le paradis t'attend, ne l'oubli pas”.

Le ton de Jesus ressemblait à celui des juges que j'avais trop souvent croisé lors de mon existence terrestre, il énonçait la sentence, il me condamnait. Malgré l'angoisse et l'abattement j'avais ce sentiment d'irréalité, comme si quelquechose clochait et que je ne devais pas être là. Je rêvais. Certainement. Jesus, Dieu ou le grand manitou faisait tourner le monde mais avec toutes les informations qui lui tombait dessus, avec tous les problèmes à résoudre, il commettait forcement des impairs. Je ne me sentais pas à ma place ici. Je ne me sentais pas au bon endroit. Et pourtant, “tu es Eugène Guinart” répéta Jesus en me fixant toujours intensément. “Regarde toi”, il me fit pivoter en appuyant sur mes épaules. Dans un miroir accroché au mur de la salle à manger se refletait la gueule du type que je venais de buter.

“Demain, à midi tu ira acheter des cigarettes, un paquet de Chesterfield, au bar tabac, à droite en sortant de l'immeuble. Je t'attendrai à l'intérieur et je te donnerai de nouvelles instructions”. J'acquieçai. J'étais trop dépassé par les événements pour poser des questions. “Maintenant avale ça, tu te sentira mieux, tu le laisses fondre sous la langue”. Jesus exhiba un comprimé. “Ca va te remettre d'aplomb, tu n'a pas l'air dans ton assiette” Je saisi le médicament et le calai dans ma bouche. Il avait un goût amer. “Tres bien, alors à demain, à midi !”. Jesus me tournait déjà le dos. Il sorti de l'appartement suivi par son équipe. Deux des types portaient le cadavre d'Eugène Guinart roulé dans des couvertures sombres. La porte d'entrée se referma. Ils avaient fait le ménage.

Le comprimé ne tarda pas à révéler son effet. Un sentiment de plénitude spongieuse, de cotonnade tiede pris le pas sur mon angoisse. Les choses ne me paraissaient plus si inéductables et mon sentiment de peur et d'impuissance était gommé par une sérénité apaisante. Je pouvais reprendre la main, incontestablement, à condition de ne pas paniquer ni me ronger les sangs. Il faut accepter les situations, considérer les choses pour ce qu'elles sont et tirer son épingle du jeu. Tout simplement.

Sous le coup d'un nouvel élan, je décidai de faire le tour du propriétaire. La décoration de l'appartement signait toute la misère d'Eugène Guinart. Meubles en contre-plaqué, tapisseries orange et verte, napperons brodés, assiettes de collection mal peintes, aquarelles acidulées sur les murs. Je suis con, moche et malchanceux, voilà ce que racontait l'appartement. Quel allait être mon avenir dans la peau d'Eugène Guinart ? Vivre sa vie ? Tout concordait à dire combien elle était insipide et sans relief. Tout indiquait que je ne tirerai aucun bénéfice à végéter dans l'existence de ce loser. Mais heureusement, si Dieu le veut, cette situation serait de courte durée.

Ne me restait qu'à l'espérer.


SWITCH


Une pluie glaciale se deversait sur la ville. Le genre de temps idyllique pour faire disparaitre un cadavre. Les passants se hâtaient, la tête enfoncée dans les épaules, le regard rivé sur leurs pompes, faisant le dos rond. Les extra terrestres vengeurs pouvaient debarquer et piller toutes les banques. Vissé au soucis d'éviter les gouttes personne ne remarquerait quoi que ce soit. Jesus menait le convois qui sorti de Faltkerk et vira en direction des étangs. La pluie se transformait en déluge, le vent bruissait dans les branchages. On se demandait où se cachaient les flamands roses lorsque les trombes d'eau s'abattaient avec cette intensité. Est-ce qu'ils demeuraient stoïcs, plantés dans les eaux basses, est-ce qu'ils se refugiaient dans les roseaux, sous de grandes feuilles ou alors peut être qu'ils se pavanaient, chantant sous la pluie et gobant les insectes paniqués.

On saucissona le macabbé dans les couvertures qu'on avait pris le soin de lester avec des grosses pierres plates. Le piquant de l'affaire consistait à ramer jusqu'au milieux de l'étang, où la profondeur de l'eau découragerait les pecheurs à la mouche et les chasseurs de crustacés. Une barge miniature était amarrée au pilier d'une mini jetée branlante. Pedro, Miguel et Santa, 3 des hommes de mains embarquèrent avec le corps. Jesus s'en retourna à l'abris de sa BMW. Il pianota sur les touches de son telephone portable un peu songeur et surtout fatigué. Il pensait à une douche chaude, à la serviette en éponge blanche pour se sécher et à la femme génétiquement modifiée qui le sucerait. “Allo papa ?”. A l'autre bout de l'émetteur la voix d'un type acquieça, “la pièce à bien été changée papa, notre machine est prête à opérer”.



SWITCH


Des reflets jaunes, oranges et rouge scintillaient dans tous les coins, l'eau prenait les lumières des néons, des lampadaires et des phares. La nuit était tombée mais les commerces accueillaient encore des clients. Je remarquai l'enseigne du tabac et me pressai, slalomant entre les flaques et les parapluies ruisselants. J'avais besoin de prendre l'air, de quitter cet appartement qui m'oppressait. J'avais envi de boire un verre. J'en profiterai pour repérer l'endroit où Jesus m'avait rencardé pour le lendemain. Le bar n'avait rien d'engageant. Un comptoir élimé courrait jusqu'au fond d'une pièce droite et sans charme, aux murs sales, décrépis, au sol carrelé sur lequel trainait un mélange de mégots, de poussière et de crasse. De la lumière trop blanche, trop vive, trop crue. On voyait les rougeurs et les démangaisons sur le visage des habitués, les cheveux comme des toiles d'araignée, les cernes violacées, les teints jaunes, les nez épatés et les joues crevassées. J'entrai dans un troquet scabreux, peuplé de spectres tristes.

Mauvaise donne, ce bouiboui infâme aurai foutu le cafard au plus heureux des imbéciles. Je réglai un paquet de cigarette et m'en retournai dehors, sous la pluie, sans but précis quand ils me tombèrent dessus. Des ombres dans la nuit, mes deux bras saisis en un éclair, une cagoule enfoncée sur les yeux. On me guida sans ménagement dans un fourgon qui, sans doute, s'était immobilisé en double file, sur le boulevard. Le moteur rugit et la camionnette demarra en trombe tandis qu'avec une paire de menottes on liait les deux mains dans mon dos. Les kidnappeurs me fouillaient sans menagement dans les bringuebalement de ferraille et les déséquilibres du trajet. Je n'étais pas armé. Dans une poche intérieur ils confisquèrent les papiers d'Eugène Guinart. On m'ordonna de rester tranquille.

J'entendais la pluie battant le pavé. Quelqu'un retira la cagoule qui m'aveuglait. Un vent de glace eclaboussa sur mon visage. Il faisait toujours nuit. Je me trouvais dans une grande cours intérieur, au bas d'un perron ouvrant sur ce qui ressemblait à un commissariat. Deux flics en uniforme encadraient la porte d'entrée, ceux qui me m'escortaient étaient en civil. Je me laissais mener jusqu'à un bureau, dans les étages du batiment. Les escaliers et les couloirs paraissaient décatis, comme si nous avions remonté le temps : peinture écaillée sur les murs, parquet de bois noirci au sol, porte fenêtre aux carreaux poussiereux, traces de fuites au plafond. Une odeur de papier jaunit et de vernis passé coloraient l'air d'un parfum suranné. On m'attacha sur une chaise en fer. Mon escorte avait quitté la pièce et je me retrouvais seul avec ce sentiment d'être une bille de flipper tapant sur des elastiques et des ressorts. Une affiche punaisée au mur préconisait l'arrêt du tabac, avec un numero à appeler pour s'informer et pour se faire aider.

Le type avait les épaules voutées, les os maigres, un ventre bedonnant, il portait un gilet à carreaux, une chemise bleu ciel et un pantalon gris remonté au dessus du nombril, ses cheveux formait un genre de couronne ourlée autour de son crâne chauve, son front et ses sourcils broussailleux tombaient sur des lunettes aux cercles épais. Il avait l'air d'un vieux loup de mer qui n'aurait jamais navigué. Il avait l'air fouinard et glissant comme une savonnette mouillée. Le fille, par contre, paraissait aussi pure que l'aube pointant sur un desert. Elle débarquait d'un camp scout, à n'en pas douter, avec cet air mélé de bonne élève, de bonne famille et de bonne volonté. Les cheveux attachées, un ensemble sevère, l'ingénuité dans le regard, la naïveté dans la posture. Des proportions équilibrées. Elle était belle, incontestablement, derriere un aspect strict et reservé.

Le vieux s'assit en face de moi, derriere le pupitre du bureau. Il fit les présentations. Il s'appelait Etienne Falco, commissaire divisionnaire. Le lieutenant Estelle Dugance restait en retrait, debout au niveau de l'affiche de prévention du tabac. Elle se tenait droite comme un I mais ses hanches se creusaient et, malgré ses sapes austères, je devinais une paire de seins généreux. Je voyais un verger, la projection ombre et lumière du soleil de l'été, je ressentais le goût du jus sucré. Falco positionna une série de tirages photographiques devant moi, je reconnu Jesus immédiatement. “Vous identifiez cet homme n'est-ce pas ? connu sous le nom de Jesus, le fils de Dieu. Il vous a rendu visite cette apres midi, avec 4 hommes de main. Ils sont ressorti de chez vous en emportant un cadavre” Falco souffla “nous sommes actuellement en train de repêcher le corps, dans un étang, à 25 kilomètres d'ici, vous êtes soupçonné de meurtre”. Il marqua une pause en regardant derriere moi, comme si j'étais transparent et que la porte donnant sur le couloir avait un intérêt crucial. “Vous vous appelez Eugène Guinart et vous travaillez pour le cabinet de comptable ATI, vous êtes célibataire et sans enfant c'est exact ?”. Je feignais l'absence. “Je sais que vous obéïssez aux ordres de Dieu mais ici vous êtes sur terre mon vieux et sur terre on applique la lois des hommes”. Je restais figé, toujours apathique et muet. J'avais envie de siroter un verre dans un bar lounge.

On toqua à la porte, un type en costard entra dans le bureau. “Bonjour docteur” dit le commissaire Falco, et s'adressant à moi “Le docteur Sanchez va vous ausculter, la visite medicale est obligatoire, ça fait parti de la procédure”. Il prit une inspiration prononcé, manageant son effet puis annonça en détachant chaque syllabe :“vous êtes en garde à vue”.

Le docteur procéda rapidement, me palpant, me posant des questions auxquelles je répondais par des grognements. Il n'insista pas, il s'en foutait. Il me fit avaler deux gelules, m'imposa une prise de sang, retira ses gants en plastique puis s'eclipsa. Quand l'aiguille de la seringue avait penetré dans mon avant bras j'avais remarqué une sorte d'intensité dans le regard du lieutenant Dugance.

Comme je n'avais rien à déclarer, Falco me fit descendre en cellule, austère carré gris scellé par une paroie en plexiglas. Un simple banc était coulé dans le beton., un neon diffusant une lumière blanche boulonné au plafond, hors de portée. On m'avait retiré les menottes. Je me retrouvais seul. Je n'avais pas le coeur à reflechir. J'attendais. J'attendais. J'attendais.

“Je ne parlerai qu'au lieutenant Dugance.” Il ne s'agissait pas de stratégie mais d'instinct, de phéromone, de désir. Quand on ne comprend rien à rien et qu'on ne voit pas d'issue logique, quand on en est réduit à naviguer au pif vers une destination brumeuse, alors autant privilégier le meilleur équipage. Le flic de garde avait fait remonter l'information dans les étages du commissariat, et je me retrouvais au milieu de la nuit, dans une piece d'interrogatoire, vide à l'exception d'un bureau, de deux chaises et d'une vitre sans teint. En face de moi le lieutenant Dugance, tirée à quatre épingle, énigmatique, brillante. Elle était le torrent sauvage retenu par le ciment d'un barrage. J'entendais le roulement du tonnerre je voyais une amazone furieuse, une nymphomane me chevauchant comme si elle fuyait l'armée des morts vivants, ses muscles se contractant avec la violence du desespoir et son pubis han han cognant sur mon bassin jusqu'à ce qu'une douleur insupportable et grandissante m'ordonne de la renverser sur le dos. Je cravache comme un cosaque engagé dans la bataille. Elle me laboure les épaules, ses ongles griffant la chair profondement, le sang perle, elle gueule et moi aussi. J'accélère encore, je la pilonne et le petrole jaillit du centre de la terre, avec la vigueur absolue du cris d'un nouveau né. Je m'ecroule sur le coté, hors d'haleine, vidé, accompli dans un lit de souffrance, et déjà elle est sur moi, à mes pieds, me pompant comme une trainée, me dévorant les couilles et me lapant le trou du cul. Dans cette salle d'interrogatoire les images incandescentes me consumaient. En face du Lieutenant Dugance, renaissaient mes envies de triomphe.


SWITCH

Midi, dimanche. Pour la deuxième fois je fis grincer les gonds du bar tabac. Grâce aux gelules du docteur Sanchez la nuit blanche au commissariat s'était évaporée. Je me sentais bien réveillé, requinqué et plutot zen, même si tout autour de moi empestait le plastique. Les objets, les êtres vivants, les constructions : tout sonnait faux, périssable, fabriqué dans une usine à bidules. Des molécules chimiques vrillaient mes perceptions. Le monde était en toc.

On avait décelé du chlorydrate de kétamine dans mon sang, ainsi que des traces d'opiacés. Le lieutenant Dugance en connaissait un rayon sur la question. Elle dissertait comme une clinicienne, accumulant les informations les unes derrière les autres sur un ton neutre et linéaire. La kétamine est un anesthésiant utilisé par les vétérinaires pour intervenir sur des chiens, des chats, des chevaux et même des éléphants. Précédement, ce produit était administré aux femmes enceintes, au moment de l'accouchement, mais cet usage fut abandonné à cause de puissants effets hallucinogènes constatés. D'apres le lieutenant Dugance la kétamine provoque une perte des repères spatiaux allant jusqu'à la décorporation, c'est à dire que le sujet aura le sentiment de quitter son corps, de s'envoler, de n'être plus qu'une âme immatérielle. Imaginez l'esprit d'une femme en train d'enfanter flottant au dessus de sa chatte dilatée.

Ce que les flics pensaient, c'est que je n'étais pas mort et que je n'étais pas ressuscité non plus. Je n'avais pas changé de corps. D'apres eux, mes souvenirs d'une vie antérieure procédaient d'une amnésie liée à la prise de kétamine probablement combinée à un autre produit, un hypnotique puissant par exemple, indétectable dans le sang. Je n'avais jamais été celui que je croyais être, un affranchi trempant dans des combines mais bel et bien ce gros type, Eugène Guinart, comptable, drogué et bonimenté à des fins ténébreuses. Et pourtant j'avais assassiné un homme qui me ressemblait à s'y méprendre. Je ressentais encore la réalité nauséeuse de cet épisode. La lame de mon couteau enfoncée dans ses boyaux. Son agonie muette sur le planché de l'appartement. L'équipe de nettoyage. Tout un pan de l'histoire que j'avais gardé pour moi, sans rien confier aux flics. Au petit matin ceux-ci avaient repêché le corps du type - le vrai Eugène Guinart? - qui séchait dans une chambre froide. Ils ne l'avaient pas encore formellement identifié.

La pluie ne tombait plus, le soleil ne brillait pas non plus. Le beton de la ville absorbait lentement les traces sombres et reflechissantes de l'humidité. Le gris du ciel essuyait les trottoirs, statique. Et le bar tabac s'intégrait parfaitement dans la sclérose ambiante. Un lieu figé dont la clientèle prenait la poussière. J'avais décidé de collaborer avec les flics, Au point où j'en étais, à ne plus savoir si les étoiles étaient jaunes ou carrés, je ne perdais rien à jouer les Judas. Le lieutenant Dugance avait peut être aménagé la réalité pour les besoins de l'enquête et peut être que les analyses sanguines du docteur Sanchez étaient bidons. Si j'avais trahi Dieu il me pulvériserait comme une simple bulle de savon ou il me pardonnerait dans son infini compassion mais de toutes les façons il ne serait pas dupe. A moins qu'il ne s'agisse d'un imposteur évidemment.

Dans cette histoire j'étais téléguidé comme un automate, sauf que, mort ou vif, mon cerveau travaillait. Je ressentais des émotions et merde, quelquechose me rebutait parmis cette succession d'événements à laquelle je pipais que dalle. Pas l'ignorance en soit, Nnos chemins sont peuplés d'incertitudes n'est-ce pas. Mais ce sentiment de manipulation, ce truc de ressembler à une génisse qu'on emmene le matin dans le pré pour lui tirer le lait le soir. Depuis que la police m'avait mis le grapin dessus, je pouvais, au moins, choisir une route. Et, dans ce smog puant, la silouhette du lieutenant Dugance prenait plus de sens que les lumières intermittentes du paradis.

Jesus m'attendait, seul, assis sur une banquette au fond du café, attablé devant un expresso fumant. La curiosité me piquait. Tout ce plastique finirait par exploser, par fondre, par se fendre sur un autre univers ou que sais-je, mais la situation devait evoluer. Les flics avaient dissimulé un dispositif d'enregistrement dans le mécanisme de mon téléphone mobile. Je le posai sur la table, coté micro. Jesus me fixa comme à son habitude, avec son regard d'hypnotiseur inquisiteur. L'idée qu'il étudiait la forme et la dilatation de mes pupilles me traversa. Par contre, et pour ce que je pouvais en juger, il ne paraissait pas affecté ou soupçonneux. Il présentait cette tête de sultan ténébreux que je lui connaissais. J'aspirais une bouffée d'air et l'air avait un goût de pharmacie.


SWITCH

“Tu devrais aller pisser un bol” suggéra Jesus en m'indiquant les chiottes du bar. Il possédait cette autorité naturelle qui vous menait n'importe où par le bout du nez et vous faisait faire n'importe quoi. J'obtempérai sans y penser. La mention WC était inscrite avec des bouts de scotch noir découpés et collés bout à bout pour former les deux lettres. Je poussai la porte et entrai dans des sanitaires carrelés d'un blanc cassé par la saleté. Deux des hommes de main de Jesus m'attendaient à l'intérieur, dans une odeur d'urine et de rat crevé. Crochet au foie, je pliai immédiatement vers l'avant, manchette sur la colonne vertébrale, je m'affalai par terre, sur les genoux, lourdement. Le sol était froid, dur, massif. Le plastique devenait du beton. Chassé violent dans la poitrine, le soufle coupé je basculai de tout mon long. Séries de coups de pied dans les côtes, à la cadence métronomique d'une course de fond, la douleur, le bruit des impacts étouffé par le tissu de mon habit et de ma chair martyrisée. Les coups pleuvaient, implacables, imparables et je les subissais sans opportunité, comme si je m'abimais, en chute libre, sur les rochers d'un pic. Je me recroquevillais tant bien que mal, en position feotale. Les types ahanaient au dessus de moi, se fatiguant à force de me taper dessus.

“Releve toi enculé, le patron veut te parler” Mon corps entier réclamait de rester par terre, prostré, mais ils m'aggripèrent et me maintinrent sur pied. Je me dépliai avec la même impression que si j'avais hiberné, pelotonné sur moi même pendant un siècle entier. La douleur me fit fermer les yeux, serrer les dents. Ils n'avaient pas touché à mon visage et pourtant mes tympans bourdonnaient. J'avançais comme une éponge a whisky, soutenu par mes tortionnaires, jusqu'à la table de Jesus. Les autres clients du bar étaient devenus des ombres, les sons me parvenaient dans un grand flous de distorsions et d'acouphène. On me positionna sur une chaise, soutenant ma tête en me tirant par les cheveux.

Jesus m'avait jeté un verre d'eau à la figure. Les gouttes perlaient sur mon visage tandis que dans un effort de conscience je remarquai que le portable était toujours sur la table, à l'endroit exact où je l'avais posé.

“Qu'est-ce que tu croyais fils de pute ? Que tu pourrai me niquer ? Tu sais qui je suis ? C'est moi qui t'ai donné la vie, et je t'écrase quand je veux espèce de connard. Je suis au courant de tout, enfonce toi bien ça dans le crâne, de tout. Si tu es là c'est que j'ai besoin de toi, tu as été choisi pour accomplir le destin de Dieu. On ne te demande pas de réfléchir, on te demande de faire ce qu'on te demande. C'est tout. Regarde autour de toi, ici, ce bar pourri, c'est le purgatoire, toutes ces épaves que tu vois accoudés au comptoir attendent depuis des lustres pour qu'on les sorte de là. Je suis ton maitre connard, et toi mon serviteur, tu m'suis ? ”

J'inclinais la tête pour dire que je le suivais. Mon bide ressemblait à un champ de bataille. Jesus balaça un sachet de gélules brunes sur la table. “Tiens c'est pour te remettre, je veux que tu sois en pleine forme”. Je senti qu'on m'en fourrait une dans la bouche puis qu'on rangeait le sachet dans une poche de ma veste.

“Demain tu te rendra à ton bureau, au bureau d'Eugène Guinart, et à 10h00 précise tu branchera ce disque dur externe sur ton ordinateur, - il posa un coffret metallique de la taille d'un portefeuille devant moi - tu te connectera à internet. Rien d'autre. Tu restera devant l'ecran et tu attendra de nouvelles instructions. C'est bien clair ?”.

C'était tres clair, sauf que je ne savais pas me servir d'un ordinateur.


= commentaires =

nihil

Pute : 1
void
    le 08/02/2009 à 18:02:32
Je tiens à préciser que j'ai sous-traité le résumé de ce texte à de la main d'oeuvre étrangère (bretonne) bon marché. La chose se dénomme mallaury. Toutes les réclamations sont à adresser dans son cul.
mallaury

Pute : 0
    le 08/02/2009 à 18:17:58
j'ai hâte.
nihil

Pute : 1
void
    le 08/02/2009 à 18:36:15
Ta gueule, pute.

L'avantage des prestataires de service, c'est que tu peux leur faire faire toute la merde qui te gonfle. Là, par exemple, j'ai commencé à lire le texte. C'était lisible, sans plus. Au quart du texte environ, j'ai été pris d'une irrépressible envie de me couper les ongles des pieds. Du coup j'ai pas d'avis dessus, mais c'est pas très bon signe.
Hag

Pute : 2
    le 08/02/2009 à 19:07:42
J'ai pas trop aimé.
Ca aurait mérité un peu plus de travail, parce qu'en l'état, c'est pas très potable. On ne sait le pourquoi ni l'objectif, on est paumé et on se fait assez chier. C'est pas génial.


Maintenant que j'ai écris ce commentaire complètement au hasard, il ne me reste plus qu'à lire le texte, histoire de voir si il est pertinent.
Das

Pute : 0
    le 09/02/2009 à 00:49:37
Il y a trop de fautes, c'est illisible.
nihil

Pute : 1
void
    le 09/02/2009 à 01:15:12
Chéri, on voit que t'as pas connu les heures de gloire de la Zone : t'es un peu né avec une poire orthographique en argent dans ton cul. Après les trucs qu'on a lu ici, on peut tout lire, même le sumérien.
Das

Pute : 0
    le 09/02/2009 à 04:18:43
Je suis extrémiste, soit. Ce qu'a pondu Lemon A, c'est un assemblage de mots qui se veut manifestement "texte". Dans la mesure où il ne s'est pas soumis à la totalité des contraintes que ça impose, c'est illisible en tant que tel, chéri.
nihil

Pute : 1
void
    le 09/02/2009 à 12:45:26
Soumission, contraintes, zone ? Ahah.
Waou
    le 09/02/2009 à 15:23:56
c débil ce texte y a mê pas de subjonctif
El def
    le 10/02/2009 à 17:38:59
C'est toi le subjonctif

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