LA ZONE -

Tu es une pute

Le 12/12/2009
par Konsstrukt
[illustration] 1.

Le deux mars deux mille six un corps décomposé par un séjour d’une semaine dans l’eau est remonté par des policiers qui draguaient la Garonne pour un autre motif. Le trois mars le médecin légiste déclare que la cause probable du décès est une surdose d’héroïne. Le cinq mars l’identité judiciaire de Bordeaux détermine que le cadavre est celui d’Aurore Pelletier, en fugue depuis le quinze septembre deux mille cinq et recherchée pour homicide. L’enquête, conclue le six mars, ne permet pas de savoir si la noyade est accidentelle ou criminelle ni de déterminer si Aurore Pelletier était vivante ou morte lorsqu’elle est tombée dans la Garonne. Aucune procédure supplémentaire n’est envisagée. Le corps est rendu à la famille.
Le dix mars deux mille six à quatorze heures Aurore Pelletier est inhumée au cimetière de Mazol dans l’Hérault en présence de deux employés municipaux et de ses parents. Il n’y a personne d’autre. Ils n’ont pas passé d’annonce à la rubrique nécrologique du journal local. Il n’y a pas eu de messe. Au cours de la cérémonie ils ne pleurent pas. Ils manifestent davantage d’amertume que de tristesse. Le soleil cogne dur. Le soir le présentateur des informations régionales sur France 3 parlera d’un record de température avec trente et un degrés.
2.

Je me souviens d’une fois quand j’avais huit ans. On jouait au salon. La télé était allumée et on se battait pour rire. A la cuisine, maman faisait la vaisselle. Papa et moi on se battait et on se roulait par terre. On se pinçait et on se chatouillait. A un moment il m’a dit qu’il allait me mettre à poil. J’ai ri et puis il l’a fait. Je riais un peu moins et il m’a touchée entre les jambes pour me chatouiller. Ma mère nous a surpris et je me suis mise à pleurer. Ils m’ont envoyé dans ma chambre et se sont disputés. Il m’a embrassé sur la bouche pour la première fois quand j’avais onze ans, et pour la première fois avec la langue six mois plus tard. La première fois qu’il m’a mis un doigt j’avais treize ans. Ca m’a fait mal. Il voulait que je ferme les yeux. Il ne s’est pas branlé la première fois mais la deuxième oui. Et puis un jour il m’a demandé de le toucher. A partir de l’année dernière j’ai commencé à le branler régulièrement. Depuis que mes seins poussent il veut jouir dessus. J’essaie de lui dire non mais il me sourit et il me demande gentiment. Je préfère accepter plutôt que discuter, de toute façon il le fera quand même et puis, si j’accepte sans discuter, ça dure moins longtemps. Il y a trois mois il m’a demandé de le sucer. Je n’ai pas voulu. Je l’ai branlé pour qu’il jouisse vite et n’ai pas le temps. Il est venu sur mon ventre et sur mes seins. Il a ri et m’a traité de coquine et m’a dit en riant que la prochaine fois je n’y couperais pas. Maman n’est au courant de rien je crois. Ou alors elle n’ose rien dire. Je ne sais pas. Je ne peux pas lui en parler c’est trop glauque. Je ne peux en parler à personne c’est trop horrible. Pourtant je ne pense qu’à ça. Ca me bouffe la tête. J’ai trouvé un moyen de dormir. Je prends un cachet de Spasfon, un verre de rhum et un bang. Le rhum, je l’achète avec mon argent de poche ; le Spasfon c’est ma mère qui s’en occupe. Elle ne me pose aucune question. Et le shit, avec mon argent de poche aussi. Je tombe comme une masse dès que mon père a quitté la chambre. Il ne vient pas tous les soirs heureusement. Il vient deux ou trois fois par mois. Ca n’est pas beaucoup finalement. Mais je n’arrive pas penser à autre chose. Quand il ne vient pas je l’attends. Et quand il vient j’attends qu’il parte.

La première fois que je le suce j’ai les yeux fermés. Je ne ressens riens. J’y ai souvent pensé, à ce moment-là. Je pensais que j’allais me débattre. Je l’imaginais me forcer, me tenir les cheveux. M’étrangler. Je pensais vomir. J’avais planqué mon cutter sous mon oreiller depuis plusieurs jours. Je l’attendais. J’ai imaginé la scène une centaine de fois. Avec tous les détails. Avec des variantes. Je l’égorgeais. Je lui tranchais la bite. Je lui ouvrais le ventre. Il criait et je criais aussi et ma mère accourait. Elle nous trouvait à poil et lui mort ou bien en train de crever en foutant du sang partout. Et je pleurais beaucoup et elle me prenait dans ses bras et elle pleurait beaucoup elle aussi et ça nous faisait du bien et d’un coup c’était le silence il était mort vraiment mort il avait fini de gémir et d’agoniser et on entendait que nos pleurs. Le cauchemar était terminé. Mais la première fois que je le suce ça ne se passe pas comme ça. Il n’y a pas de violence pas de sang pas de cri. Il est assis sur le lit et moi j’ai les yeux fermés. Je ne peux pas le voir. Ca n’est pas possible. On s’embrasse. Sa langue cherche la mienne et il me doigte. Je mouille. C’est horrible mais je mouille. Je me dis que c’est mécanique mais ça n’est pas moins horrible pour autant. J’ai d’autres rêves avec mon cutter où il finit dans ma chatte qu’elle ne serve plus à ça qu’il ne puisse plus y mettre les doigts. Et puis sa bouche glisse dans mon cou et il me demande de l’embrasser et je sais ce que ça veut dire. J’avance la main vers son sexe. Il bande. Il prend ma main et l’embrasse gentiment, tendrement. Il me caresse les cheveux et m’attire doucement vers son sexe et mes lèvres se posent dessus. Il force à peine, tout doucement, et voilà, j’ai son gland en bouche et je le suce. Ca va très vite. Au bout de trente secondes il pousse un gémissement étouffé et il lâche tout dans ma bouche. J’ai les yeux fermés. Je ne vomis pas. Je déglutis. Il me serre dans ses bras. Il murmure qu’il m’aime. Je n’ouvre les yeux que quand il n’est plus là depuis plusieurs minutes. Le goût de sa bite ne quitte pas ma bouche. Je bois une rasade de rhum pour faire passer. Je regarde un moment le cutter, lame sortie, sans arriver à penser à quoi que se soit. Je n’arrive pas à penser, c’est impossible. Je ne sais pas combien de temps je reste là, comme ça, allongée sur mon lit, nue ; j’ai le goût du rhum dans la bouche qui remplace le goût du sperme. Je regarde sans la voir la lame du cutter, sortie de trois crans ; je ne pense à rien, je ne peux pas, je ne peux vraiment pas. Je suis incapable de me concentrer sur quoi que se soit. Je me force. J’essaie d’échafauder des images. De voir mon père mort, crevé par ma main à coups de cutter, mais je n’y arrive pas. L’image ne tient pas, s’effondre ; je suis précipitée à nouveau dans la situation actuelle. Je suis à poil, sur le lit, et j’ai un goût de rhum dans la bouche et c’est tout. Quand je peux recommencer à penser, c’est pour me dire que ça ne pourra qu’empirer. Que la prochaine fois je le sucerai, et la fois suivante aussi, et ça deviendra une habitude, et bientôt il voudra me baiser et tôt ou tard il le fera et ça deviendra une habitude aussi, et alors vers quoi se dirigera l’escalade ? Il viendra de plus en plus souvent ? Nous regarderons des films de cul ensemble ? Il me baisera de plus en plus bizarrement ? Il voudra me sodomiser, il voudra que je m’enfile des godes, des objets, quoi d’autre ? Tout ce dont je suis sûre, c’est que ça empirera. Je me ressaisis. Je quitte ces pensées. J’avale mon Spasfon, je tire mon bang et je m’allonge. Je ne tarde pas à m’endormir.

Les journées se passent dans le coma. Je prends un bang au réveil, pour tenir, et je vais à l’école. Je ne parle pas à grand monde. Je suis à moitié endormie aux cours. Les professeurs ne savent pas quoi foutre de moi. Ils voient bien que quelque chose ne va pas mais ils ne font rien pour savoir quoi. De toute façon je ne leur en parlerai jamais. Et de toute façon je ne les intéresse pas. Je ne fous rien et je ne les fais pas chier, et eux ne me font pas chier non plus. Ils ont assez à faire des fouteurs de merde et des bons élèves. Moi, je suis invisible. Ils me laissent dans mon coin. Et les élèves, c’est pareil. Je ne suis pas invitée aux fêtes. Je ne vais nulle part. Un jour, il y en a un qui m’a dit que j’étais jolie, mais que j’avais l’air de tout le temps faire la gueule, ou d’être défoncée, et que c’était dommage. Je lui ai foutu un pain. C’est la seule fois où j’ai eu des ennuis. J’ai été convoqué par le directeur, il m’a fait la leçon et puis ça c’est tassé. Des fois, je vois des types du lycée. On se défonce ensemble, on picole aussi. Je sors quand je veux, je fais ce que je veux. Ma mère et mon père ne sont pas d’accord, là-dessus, mais c’est mon père qui a le dernier mot. Elle veut me serrer la vis, elle aimerait que je bosse, et lui il est partisan de me laisser faire ce que je veux, comme je veux. Quand je sors, il la joue complice avec moi. Il me fait des clins d’œil, il fait semblant d’être mon pote. Je le hais dans ces moments-là. Le reste du temps je n’y pense pas, il est là mais je n’y pense pas, mais dans ces moments-là je le hais. C’est détestable d’être obligée de rentrer dans son jeu. Mais c’est ça, ou j’obéis à ma mère et je ne sors plus du tout. Je ne fous rien à l’école. Mes résultats sont super mauvais. Je vais redoubler ma troisième mais j’en ai rien à foutre. J’ai déjà redoublé ma quatrième, de toute façon. Je m’en fous complètement

Cette nuit j’ai remplacé le cutter par le couteau de cuisine. S’il me baise, je lui planterai le couteau dans le ventre. Ca fait plusieurs fois que je le suce et qu’il se finit en se frottant la bite contre ma chatte. Il veut que je me rase. Il éjacule contre ma fente. S’il me baise, je lui planterai le couteau dans le ventre. Ma mère s’est plaint d’avoir perdu le couteau, j’ai fais l’innocente. Mon père ne se doute de rien.

Ca y’est, il m’a baisé. Il m’a baisé pour la première fois. Il a mis une capote. Il s’est allongé sur moi. Il m’a serré fort, il m’a embrassé tendrement, il m’a murmuré des mots d’amour pendant tout le temps où il me baisait. Il m’a dépucelée. Au début ça a fait mal et puis après je ne sentais plus rien. Il m’a baisé en douceur, avec amour. Je sentais tout son amour. Je le sentais dans ses gestes, je le sentais dans ses baisers, et je le sentais dans sa voix. La voix avec laquelle il me murmurait des gentilles choses, la voix avec laquelle il gémissait. Pendant que sa bite allait et venait dans ma chatte. Et moi au bout d’un moment j’ai mouillé. C’est mécanique. Je pensais au couteau caché sous mon oreiller. J’étais allongée, la tête sur l’oreiller, il était allongé sur moi, ses mains entouraient mon visage, mes mains étaient posées dans son dos, et je pensais au couteau ; non, je mens, le couteau j’y ai pensé après, quand je me suis repassée la scène, en boucle, jusqu’à ce que le rhum et le shit m’éteignent ; pendant que ça se passait, pendant qu’il me baisait, je n’y pensais pas, je ne pensais à rien, bien sûr que je savais que j’avais un couteau sous ma tête et que je pouvais m’en servir et que j’avais qu’une envie c’était de m’en servir, je le savais mais je n’y pensais pas ; je ne pensais à rien, j’étais juste là, prisonnière de la situation, juste là. Après avoir éjaculé il est resté un long moment à me serrer dans ses bras, à me couvrir de bisous, à m’appeler sa princesse, son ange, son amour. Ensuite il a ôté sa capote, il l’a noué et il a été la jeter. Il est revenu me dire bonne nuit et il est retourné dans sa chambre, avec ma mère. Et ma mère, pendant ce temps, elle faisait quoi ? Ca a duré au moins vingt minutes, ce soir, et il a fait du bruit. Il n’en a pas fait beaucoup, mais enfin, juste assez. Ma mère, dans sa chambre à elle, elle fait quoi, elle pense à quoi. Elle fait quoi ?

Pour mes quinze ans, il m’a offert une nuisette. Une nuisette noire, transparente, avec de la dentelle. Il me l’a offert devant ma mère. J’ai déballé le cadeau, j’ai regardé ça, et puis lui, et puis ma mère, et je ne savais pas quoi dire. J’ai regardé le cadeau de ma mère, c’était un dictionnaire, et j’ai dit merci. Mon père a dit qu’il l’avait choisie tout seul, il paraissait fier de lui. Ma mère a rougi un peu, et elle a dit qu’elle trouvait ça très mignon, et elle a resservi du champagne et elle a demandé si quelqu’un voulait reprendre un peu de gâteau. Depuis, il veut que je la mette les soirs où il vient dans ma chambre.

Je redouble, c’est officiel. Ma mère m’a engueulée, mon père s’en fout. Il me dit que je suis sa princesse, sa petite princesse d’amour, et qu’il trouve que ça n’est pas grave si je ne suis pas douée pour les études, que ça viendra peut-être avec le temps. Ma mère et mon père s’engueulent à ce propos. Je ne comprends pas ma mère. Elle provoque des disputes à propos de l’heure à laquelle je devrais rentrer le soir, ou à propos de savoir si oui ou non je vais suivre des cours privés pendant les grandes vacances, mais ce qui se passe dans ma chambre trois fois par mois, elle n’en parle pas, elle n’en parle jamais, je ne sais pas ce qu’elle pense, je ne sais pas ce qu’elle ressent. Elle ne s’en occupe pas, ça ne la regarde pas. Elle refuse de savoir, elle ne veut pas y penser. Je ne peux pas faire le premier pas, je ne peux pas lui en parler. Je me sens trop mal. C’est à elle de faire quelque chose, à elle de dire quelque chose. J’imagine, si je trouvais assez de courage pour aller lui en parler, et qu’elle fasse comme si ça n’était pas grave, ça serait trop dur. Je ne peux pas en parler à quelqu’un d’autre non plus. Je ne veux pas aller en famille d’accueil, ça serait encore pire. Le soir du redoublement, pour me consoler, mon père m’a offert un I-pod.

Je pars de la maison sur un coup de tête. Ma mère n’est pas là un après-midi, elle est partie faire les boutiques et dépenser un peu de fric ; mon père en profite pour louer des DVD et me proposer de les regarder avec lui ; nous baisons dans le salon. Il me prend en levrette et éjacule très vite. Nous passons le reste de l’après-midi à regarder des films. Le matin suivant, je prends mon sac, dedans il n’y a pas grand chose ; j’y ai mis le couteau aussi, on sait jamais, et je me tire. C’est l’euphorie, pendant deux heures. Je marche avec mon sac sur l’épaule, je me sens légère, il fait soleil, j’ai chaud, je me sens bien, tout peut arriver. Je me rends compte de comme j’étais mal, avant. Je ne m’en apercevais même plus. Cette sensation d’avoir trop dormi, tout le temps. Cet engourdissement qui me serrait tout le temps le ventre et le cerveau. Je marche deux heures, et ça disparaît, cet épuisement, ce vide, ça disparaît, c’est remplacé par l’euphorie, par une sorte de joie. J’écoute de la musique avec mon I-pod, je chante. Faut pas que je me fasse choper par les flics. Faut pas qu’ils me retrouvent. Bah, je me démerderai. Je ne dois pas penser à ce qui va se passer après. Déjà, ce qui se passe maintenant, c’est bien assez. Au bout de deux heures je fais du stop. Il faut que je m’éloigne, que je mette pas mal de kilomètres entre eux et moi. C’est les vacances. Il est midi. Ils vont se dire que je suis partie pour la journée. S’ils appellent, je dirai que je rentre ce soir. Je peux les faire mariner jusqu’à demain matin. J’ai presque vingt-quatre heures devant moi avant qu’ils n’appellent les flics. C’est tranquille. Je suis heureuse, je souris. Ca faisait combien de temps que j’avais pas souri, la vache ?

Un type s’arrête. Je ne le sais pas encore, mais c’est le retour du cauchemar. Je n’ai aucun pressentiment, rien ; je suis confiante, et le type à l’air normal. Gentil. Il met le clignotant, se gare sur le bas-côté et me demande où je vais. Et moi je réponds sans réfléchir : l’océan. J’ai jamais vu l’océan, alors c’est la première chose qui me passe par la tête. Il se marre. Je vais pas aussi loin. Je peux vous laisser à Béziers si vous voulez, et de là vous vous débrouillerez sûrement. Je dis d’accord et je monte dans sa caisse. Je suis contente. Il est jeune, il est cool. Il me raconte un peu sa vie, on écoute des CD, je roule un pétard. Ca se passe bien, et puis ça tourne au cauchemar d’un coup, en moins de dix minutes c’est la merde totale, c’est le cauchemar, de nouveau. Il pose la main sur ma cuisse, et moi je lui dis arrête, mais il n’arrête pas, il gare la voiture sur le bas-côté et essaie de m’embrasser, je lui griffe le visage et il me traite de pute, de salope, il me cogne et me coince contre la portière. Il me dit que j’ai un beau cul et commence à s’exciter. J’ai le temps de me dégager, juste assez pour choper mon sac et sortir mon couteau. L’autre n’a rien vu, il me pénètre, ce gros porc, ça me fait quelque chose au ventre, une sensation mauvaise, quelque chose qui durcit et devient froid, quelque chose qui devient lourd, je ne réalise pas tout de suite, j’ai le couteau à la main et je me laisse faire, il me pénètre cinq, six fois, il me dit t’es bonne, il me dit tu vois qu’il fallait pas en faire toute une histoire, et c’est là que je me retourne, il voit le couteau, sa bite s’échappe de ma chatte en faisant un bruit mouillé, je le plante au ventre, je ne me souviens plus bien, je le plante plusieurs fois, du sang m’asperge, je me défoule sur lui, je ne me souviens plus de tout, et quelque chose se dénoue dans mon ventre, quelque chose se réchauffe, c’est moins tendu, moins dur, moins froid, moins lourd, mais c’est toujours aussi mauvais. Je me défoule sur lui, je me sens mal, je me sens super mal, je ne me souviens pas de tout ce que je lui fais, ça ne dure pas longtemps de toute façon et au bout d’un moment je m’éjecte de la voiture. C’est terminé, et je me sens un peu mieux. Je me sens plus légère. Mais c’est toujours aussi mauvais. Après, je gerbe, et après avoir gerbé je pleure beaucoup. Je vire les vêtements pleins de sang, j’en mets d’autres, je m’éloigne. Je marche longtemps. Je marche à l’écart de la route. J’entends les voitures mais je ne les vois pas. Je traverse des champs et au bout de je ne sais pas combien de kilomètres je rejoins une départementale étroite et bordée de platanes et il y a un panneau qui indique Béziers à sept kilomètres. Je marche en direction de Béziers. Il n’y a pas beaucoup de voitures sur cette route. Celles qui passent ne s’arrêtent pas et je ne tends pas le pouce de toute façon. La lumière est pale. Je jour se couche. A un moment le téléphone sonne, c’est mes parents, je ne veux pas leur répondre, je balance le téléphone dans un champ, je le jette de toutes mes forces et comme ça c’est réglé, et dans la foulée le balance aussi le couteau. Je suis dans un état bizarre, à la fois soulagée et très, très mal. Je n’ai qu’une seule envie, c’est m’allonger et dormir, me laisser tomber, là, me tirer le bang le plus fort que je puisse et me laisser couler, et rien d’autre. Quand je passe sur un pont, en arrivant à Béziers, il fait nuit et le vent s’est levé. J’entends l’eau en bas, je ne sais pas pourquoi mais ça couvre les bruits de la circulation, alors qu’il y a beaucoup de circulation, mais moi j’entends que ça, le bruit de l’eau en bas, l’eau noire et les berges éclairées par les lampadaires, et je me sens triste. Je me sens triste comme jamais je l’ai été. Je m’assieds contre le garde-fou en pierre et je pleure. Je ne peux rien faire d’autre. Je pense à me jeter dans l’eau, mais c’est juste une pensée qui me vient comme ça, j’en ai pas réellement envie, c’est juste une pensée pour me remonter le moral, pour faire diversion. Je pleure, je n’en peux plus, je suis épuisée. J’écoute le bruit du vent et le bruit de l’eau, et, en ce moment précis, c’est la chose la plus triste et la plus lourde du monde. Le bruit du vent et le bruit de l’eau me pèsent sur tout le corps. Les gens passent et ne font pas attention à moi. Je pleure, j’ai mal partout, comme si j’avais de la fièvre ou des coups de soleil, j’ai mal à la peau, partout sur mon corps. Je ne sanglote pas ni rien, je pleure doucement, ça coule, ça coule, et ça ne me fait aucun bien. Ca ne me libère de rien, ça ne dénoue rien, ça ne résout rien. Je pleure, c’est tout, je me vide de mes larmes et ça ne me nettoie pas. Je vois les jambes des gens passer, et les phares des voitures, et rien d’autre. Personne ne s’arrête, personne ne me parle. Ca dure comme ça dix minutes, un quart d’heure, et puis je n’ai plus rien à pleurer. Je me sens bizarre, comme si je revenais à moi après un évanouissement. Je suis engourdie, j’ai froid. Je me relève. Je regarde encore un petit moment l’eau couler, noire, en bas, et je m’éloigne du pont.

Je trouve un distributeur et je retire tout le fric que je peux, huit cent Euros Je n’ai pas grand chose d’autre sur mon compte, de toute façon. Ca me fait un peu de bien de voir tout ce fric. Il est trop tard pour le dépenser, mais ça me fait du bien. Je vais bouffer à MacDo, et je choisis un hôtel. Le type me trouve jeune, je lui dis que j’ai dix-huit ans, et vu que je paie en liquide il ne me fait pas chier, enfin j’imagine que c’est pour ça. Plus probablement, il s’en fout que je sois majeure ou mineure. De toute façon j’ai seize ans, je ne ressemble pas à une gamine. Voilà, je suis dans la chambre d’hôtel, pendant trois quarts d’heure j’étais bien, j’ai marché dans la rue comme une fille normale, j’ai mangé à MacDo, j’avais du pognon dans les poches et personne pour m’emmerder, j’étais bien, ça a duré trois quarts d’heure et maintenant je suis dans la chambre d’hôtel et tout est là, toute la merde, mes parents, l’autre porc qui a voulu me violer, tout. Je devrais me sentir accablée, désespérée, je devrais m’effondrer mais je ne ressens pas ça. Je me sens seulement épuisée, et cette idée à la con d’aller voir l’océan, elle prend de la force. Je m’allonge, mais je n’arrive pas à dormir, malgré les quatre ou cinq bangs que je tire. Je traîne jusqu’au matin dans un état gerbeux, mais au moins je ne pense à rien. Je suis collée. Je m’endors vers six heures du matin et vers onze heures la femme de ménage me réveille en passant l’aspirateur dans le couloir. J’ai pas fermé les volets et il fait soleil, et au bout de deux secondes tout me revient et la bonne humeur disparaît.

Mais la bonne humeur, je la retrouverais vite. D’abord je me paie un bon café et des croissants, ensuite je zone en ville et j’achète des fringues, et après ça direction la gare et je prends le premier train pour Bordeaux, et dans le train je suis bien contente, je vois le paysage défiler et c’est comme la merde qui s’éloigne. Je repense encore à tout, à mes parents, aux gendarmes qui me cherchent rapport à ma fugue, je repense au gros porc que j’ai planté, et aux flics qui me cherchent eux aussi, et au fric, il m’en reste déjà plus tant que ça, mais j’en ai rien à foutre. Je n’arrive pas à cesser de penser à tout ça, pendant tout le trajet j’y pense, j’y pense, j’y pense, pas moyen de penser à autre chose, pas moyen de faire autrement, je peux même pas lire, mais en même temps ça me touche pas. J’y pense tout le temps mais je m’en fous, c’est pas pour tout de suite, là, je suis contente, et arrivée à Bordeaux je suis contente aussi, je me sens bien, je bouffe un kébab, je me renseigne un peu pour savoir comment on fait pour aller à la mer, je prends le tram, et puis je prends un bus avec des touristes, je me sens bien, je me sens loin de mes problèmes même si j’arrive toujours pas à arrêter d’y penser, et à la fin de la journée, c’est passé trop vite, je suis arrivée. Je suis dans un bled qui s’appelle Lacanau. Le bus nous laisse dans une sorte de pinède. Il y a un chemin de terre recouvert d’épines. Ca sent bon. Je marche un peu et d’un côté il y a la pinède et puis plus loin les pavillons, et de l’autre il y un chemin goudronné et le village et au bout c’est l’océan. J’entends le bruit des vagues et c’est trop bien. Je vais directement là-bas. Il y a du monde dans les rues, il y a des crêperies, des boutiques à la con, des restos à poisson, et tout au bout il y a l’océan. Je le vois avant d’y arriver, les vagues grises dans le soleil qui se couche, et puis l’odeur du sel, et l’air humide, et finalement j’y suis, les chaussures dans le sable, et à cent mètres, l’océan. Je m’assieds là, et je regarde. Pendant une demi heure, c’est magique, mieux que tout, pendant une demi-heure je regarde l’océan et je ne pense à rien, il n’y a rien d’autre que ça. Et puis le soleil se couche complètement et l’océan se fond avec le reste, et puis je me lasse un peu, et voilà, il me reste deux cent Euros et je sens bien que c’est le bout, ou alors pas loin, et j’ai pas envie de mourir. Je pense à me suicider là, je loue une chambre d’hôtel, je me défonce bien, et je m’ouvre les veines, mais non, je n’ai pas envie, je ne peux pas, je n’ai pas envie de mourir, je ne sais pas trop ce qui va m’arriver. Je compte mes sous, il me reste quatre cent cinquante Euros Avec ça, il y a moyen de s’éclater pendant quatre ou cinq jours. Je vais me payer un super resto, je vais choisir le plus cher, et m’en foutre plein la gueule, et je vais me trouver un super hôtel, et un plan pour bien me défoncer, je vais tout claquer, me casser le ventre, me retourner la tête, et après on verra bien. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas envie de mourir.

= commentaires =

Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 12/12/2009 à 16:14:07
Ce texte est une bonne caution pour la Zone. merci.

Je trouve par contre que c'est de la merde en barre. Et pourtant ça ne tient à rien pour en faire un texte excellent. Il faut juste remplacer pute par Polytechnicienne, bite par équaire et compas, chatte par table trigonometrique.
Das

Pute : 0
    le 12/12/2009 à 16:39:24
J'ai cru au début que le style de la gamine allait être assez lourd à supporte tout le long du texte et ce fut à moitié le cas : le présent et la syntaxe, c'était trop. Bon, à part ça, le seul mot qui me vient pour décrire ce texte, c'est "moyen". Il n'est pas particulièrement marquant, on se fait jamais réellement chier, ou si c'est le cas, on saute quelques lignes et ça passe. Sinon, "Je jour se couche.", ça c'était dröle, et le dernier paragraphe mérite d'être salué, sans réelle conviction, faut pas déconner, grâce à quelques bonnes formules, mais reste globalement dans la lignée du reste : moyen avec intensité.
Narak

Pute : 2
    le 13/12/2009 à 00:08:02
J'aime beaucoup Konsstrukt, pourtant beaucoup de fois ses textes m'ont gavé, à cause du style que pourtant j'aime bien. Il me met chaque fois mal à l'aise et les trucs qui me perturbent m'intriguent, mais en même temps le malaise laisse place à l'ennui au bout d'un moment, le style atteint ses limites (exemple dans "Minutes"). Ici, c'est sobre, et c'est quand Konsstrukt est sobre que ça devient réellement intéressant. Bon ok, c'est toujours glauque à mort, on est d'accord, mais finalement, les meurtres et les viols incestueux sont vachement moins dérangeants que ça:

"Pour mes quinze ans, il m’a offert une nuisette. Une nuisette noire, transparente, avec de la dentelle. Il me l’a offert devant ma mère. J’ai déballé le cadeau, j’ai regardé ça, et puis lui, et puis ma mère, et je ne savais pas quoi dire. J’ai regardé le cadeau de ma mère, c’était un dictionnaire, et j’ai dit merci. Mon père a dit qu’il l’avait choisie tout seul, il paraissait fier de lui. Ma mère a rougi un peu, et elle a dit qu’elle trouvait ça très mignon, et elle a resservi du champagne et elle a demandé si quelqu’un voulait reprendre un peu de gâteau."

J'ai pris qu'un exemple, mais je trouve plusieurs exemples de scènes toutes aussi perturbantes dans le texte. Des fois c'est juste une phrase après 10/15 lignes absolument chiantes qui rend tout malsain. C'est dégueulasse, c'est triste, c'est cohérent. J'ai beau me dire à chaque fois que tous les textes de ce mec se ressemblent, j'aime toujours autant.

Commentaire édité par Narak.
Lapinchien

tw
Pute : 8
à mort
    le 13/12/2009 à 00:21:23
ce mec ? C'est pas un collectif Concetruc ?
Narak

Pute : 2
    le 13/12/2009 à 00:37:21
Je sais plus, ouais l'"entité" Konsstrukt disons, peu importe qui c'est.
Carottidle

Pute : 0
    le 13/12/2009 à 01:23:52
J'ai bien aimé. Le dosage est en effet plus fin que dans la nuit noire, on a moins l'impression de se faire ensevelir par plein de caca, et puis le style est plus intéressant, même si ça débande un peu vers la fin.
Les fautes à la con à cause du manque de relecture ont toujours du charme.
MFKTOR
    le 13/12/2009 à 13:00:17
Le style moins travaillé et différent, en comparaison avec d'autres textes du trukt , laisse quand même bien suinter de l'autobiographie ou des bouts de récits autobiographiques récoltés..Le passage à l'acte et le suicide, c'est du fantasme de libération chez les victimes, si on enlève ça...ce texte met notoirement mal à l'aise, parce que pas caricatural.
Hag, ou presque
    le 14/12/2009 à 14:47:43
Un peu comme Narak en fait. J'aime bien. C'est réaliste, ça n'a pas de réel but, c'est un truc qui est là, c'est simple, ça tape dans un ou deux lieux communs qui paraissent dans le contexte assez crédible (violence libératrice, suicide).

Bonne came.

J'attends par ailleurs les commentaires des crétins qui débarqueront ici après avoir tapé Spasfon sur google.
Yog

Pute : 2
    le 16/12/2009 à 07:08:41
A mon sens le style se laisse bien lire, laisse la place à la trame d'une banalité sordide avec comme le dit Narak des petits bouts qui mettent en mlaise dedans. Une chute annoncée et prévisible, mais qui colle bien avec ce genre de drame banal, une vie de merde qui se terminera tout aussi merdiquement. Bref, j'ai aimé.
pourquoi
    le 19/12/2009 à 09:29:05
pourquoi mettre la fin au début ?
nihil

Pute : 1
void
    le 19/12/2009 à 14:16:10
Pourquoi il l'a fait, j'en sais rien, mais moi j'ai trouvé ça très bon.
J'avais lu ce premier paragraphe un peu à la volée, sans trop savoir ce que ça foutait là, et je l'avais oublié en cours de route. Arrivé à la fin, avec ce final en happy end combattif et positif de sa race, je me suis souvenu d'un coup de l'intro et j'ai pris ma (petite) claque. C'était pas con du tout comme procédé.
Frag
    le 23/12/2009 à 23:16:27
cool.
m'a filé une demi-mole ce con.
vivement que j'ai des gosses!
Ta maman
    le 24/12/2009 à 12:39:05
mon premier Konsstrukt.

Un peu déçu quand même =/.

C'est possible de retirer plus de 200 € d'un distributeur ?
Dourak Smerdiakov

site
Pute : 0
ma non troppo
    le 24/12/2009 à 12:47:34
C'est possible d'avoir autant d'argent sur son compte ?
Nana

Pute : -1
    le 16/01/2010 à 19:00:24
le thème en soit j'le trouve chiant, mais le texte et ce que t'en à fait est sympa, rapide et fort par moment. vue d'la fille c'est sympa, et du coup assez simple. J'aurai davantage insisté sur les émotions, même si on se les matérialise tout seul (j'pense au passage sur son anniversaire)
fmafwo
réponse à Hag    le 04/02/2010 à 12:11:05
Moi je suis arrivé sur ce site en tapant "Skenan" ...puis suis arrivé à ce texte ...Bien aimé.
Bon courage
lili
    le 22/04/2010 à 23:56:37
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Thomas
    le 14/11/2010 à 18:34:01
Encore une excellente histoire, mêlant ici une sorte de nihilisme exacerbé à un romantisme sombre final. Magistral.
toxico
    le 19/11/2010 à 03:16:53
trop bien !! sa parle de se qui arrive dans notre vie et c'est très enrichi de bonne histoir
juljul
    le 21/05/2011 à 12:50:30
la personne qui a écri ca va bien??
GEPETTO
    le 01/07/2011 à 00:24:46
G PT
SKIZZZO
    le 04/07/2011 à 10:27:47
GAZ de PAPA TANTIFIé

je suis ta pute
Balais à chiottes
    le 06/07/2011 à 16:30:17
Ca se lit vraiment bien et c'est sombre à souhait. J'avais déjà lu celle du super-héro clochard et j'étais resté sur ma faim, mais là tout est noir, bien construit; les sensations sont bien détaillées même si le style en devient gavant.

Bravo quand même, et DTCS.
SKIZZZO
    le 07/07/2011 à 05:22:13
MONTRER SON CUL OU?

LC !!!

SKIZZZO TITRE:

"LE VIEUX GROIN ET LE JEUNE GOITRE"
ye
skizzo    le 07/07/2011 à 09:53:26
skizzzo=clown

t'es comments son hors jeu
SKIZZZO
    le 07/07/2011 à 10:16:57
explique-moi Perrier
ye
    le 10/07/2011 à 12:20:04
j'ai explique a ta soeur.

ATENTION SKIZZZO EST UN IMPOSTEUR,IL SE FAIT PASSER PAS KONSTRUCT
HaiKulysse

site blog fb yt
Pute : 2
Imposteur comme un nez graisseux et camus de cybor    le 05/03/2019 à 08:23:34
Imposteur comme un nez graisseux et camus de cyborgs que je n’ai pas oublié de vendre dans le canton des putes affamées !
HaiKulysse

site blog fb yt
Pute : 2
    le 05/03/2019 à 08:39:38
Le sang qui se familiarise avec les cures de désintoxication en crevant les tympans des junkies. Le sang des vampires qui se décompose dans la tisane aux thyms ; le sang qui a la trique et qui décroche une enfilade de trucage.
Le sang dans sa marée haute et sa marée basse qui impose le tutu comme costume de la danseuse ! Le sang dans un tuyau qui s’enfouit sous la terre vaginale ; le sang et son empire quand les trompes utérines forment des vallonnements efféminés !

Le sang qui devient muet à l’aide d’un typhon ; le sang qui lève une armée uniforme pour faire la guerre aux hydes fabuleuses.
Le sang se déplace comme le ruissellement d’une pluie rouge qu’emporte le vent, comme l’intensité de cet amour qu’elle lui porte. Le sang qui tutoie dans un duel l’épée et le fleuret et tutti quanti.
Le sang et les vainqueurs de la guerre du golfe en effervescence et en échec depuis que la tulipe a enlevé sa fleur et sa tige ; le sang à grande échelle qui débouche sur un boulevard en tuant les péripatéticiennes.

Le sang dans sa tunique qui panique et qui a une typographie panoramique !

Le sang fortuné qui s’enfonce dans un tunnel ; le sang qui évoque l’urbanisme d’une ville ancienne d’Italie, ensevelie sous les cendres du Vésuve. Le sang tzigane qui se concentre sur son discours avant d’écraser une mouche tsé-tsé. Dans sa toge le sang qui chemine en direction des traces de particules ; le sang dans la trachée qui fait barrage à la respiration ! Le sang dans un fatras absurde de préjugés qui fascine les fleurs tubéreuses ; le sang qui se destine aux gens valides et qui se détache d’une valve à une autre !

Le sang gicle comme un canard barbotant dans la boue ; le sang et ses tractations dans l’arche de Noé, le sang qui électrifie les valeurs des buildings et qui se blesse au contact des vantardises. Et dans ma tête, en lançant des corn-flakes et des strass qui dérobent les rougeurs et les suppurations d’un paiement cash, le sang gicle comme l’hémisphère d’un cerveau endolori mais bouillonnant ! Le sang transparent dans une nébuleuse en trinquant à la santé des mercenaires.
Le sang qui a du blé hébété et qui s’unit avec les technologies de pointe.
Le sang faussement menuisier qui travaille le bois mais surtout la porcelaine des tirelires !
Le sang qui désoriente l’univers tridimensionnel au péril de sa vie en hissant les crocs du froid engourdissant, le sang d’une pauvre poupée qui flambe au cours d’un rite disciplinaire : le sang comme un hommage aux gens titrés ; le sang iconographe dans un tonneau où il mûrit patiemment et un prolongement mathématique sacrifié à cette occasion. Le sang qui endommage le moteur des tire-fesses ; le sang qui dévalise dans un musée les toiles de Toulouse-Lautrec et qui fait le tour de son duché.

Le sang sous les ongles quand tu escalades une falaise à mains nues. Le sang coincé dans la flûte des morts qui fait sa tournée aux pays des détecteurs de mines ; le sang et son détail qui trahit les capucins et qui capture la trame de ce récit !
Le sang à tribord qui peut être monnayé ; le sang qui s’indispose en tricotant des crachotements, le sang qui aime tronçonner les intellects. Le sang et les urines qui envoient en morse un message codé ; le sang et la morphine dans une usine qui répare les cyborgs.
Le sang qui troue par son acidité des idylles et qui harcèle les tropiques ; le sang extensif qui fatigue les culottes trouées !

Le sang comme le deux mars deux mille six, comme un corps décomposé par un séjour d’une semaine dans l’eau, la capitalisation du sang est remontée par des policiers qui draguent la Garonne pour un autre motif capiteux comme un vin de xérès. Le trois mars, le sang quand le médecin légiste déclare que la cause probable du décès est une surdose d’héroïne et de campements sauvages de squatteurs. Le cinq mars, l’identité judiciaire du gramophone en sang qui canote sur le canal des pendus détermine que le cadavre est celui d’Aurore Pelletier, en fugue depuis le quinze septembre deux mille cinq et recherchée pour homicide de chats de gouttières.

L’enquête, conclue le six mars, ne permet pas de savoir si la noyade est accidentelle ou criminelle ni de déterminer si Aurore Pelletier était vivante ou morte lorsqu’elle est tombée dans la Garonne, en versant tout ce sang pour la polluer cette rivière de diamants. Aucune procédure supplémentaire n’est envisagée par le gouverneur encore en pyjama. Le corps est rendu à la famille cinématographique de Malefoy, le sorcier de sang pur.

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