LA ZONE -

Les stoïques de Flax

Le 01/09/2016
par Muscadet
[illustration] Premler volet : La Flambée de Flax

Je connaissais bien la route malheureusement. Pouif-Flax, Flax-Pouif. Deux bras de rivière à traverser puis sûrement au moins un de plus par l'itinéraire le plus court, évidemment les infernales collines du pays moltois, les frais de passage pour moi et les bêtes, les bêtes elles-mêmes, l'outillage et toutes les réserves nécessaires, des tas d'amadou et des gourdes, et ce n'était qu'un début, je devais aussi m'équiper pour l'imprévu. Et je faillis oublier les torches encore, on manque toujours de torches.
Tout le monde voyage armé, ces temps-ci. L'époque des caravaniers âpres à la tâche qui se laissent détrousser est révolu, le moindre passant vous retourne le salut du menton en gardant la main sur sa dague. Du coup les bandits ne prennent plus de risques, et voient ensuite.
Lorsqu'on a la chance de posséder un sanglier de trait de bonne taille, les choses sont un peu différentes car il est parfaitement loisible pour un animal de six cents livres d'éventrer un homme sur une intuition, le phénomène est connu pour ne pas dire respecté. J'allais donc prendre avec moi Troubadour, et quelques poules dans des cages en osier.
Le dernier voyage de ce genre avait pris une mauvaise tournure lors de la Flambée annuelle et je me souvenais encore très bien de la manière dont j'avais failli succomber asphyxié par la fumée délétère et piétiné par une foule aveugle. Persévérer dans l'erreur est diabolique, c'est pourquoi je me munis de quantité de foulards épais, d'un plastron de cuir, d'un bouclier léger frappé de la devise de Pouif -«C'était mieux avant»-, et de mon gourdin que je prévoyais déjà de faire tournoyer au-dessus de ma tête en grands cercles souples lors d'une éventuelle charge de Troubadour sur un ennuyeux.

Mon entourage s'était rapidement enthousiasmé, chacun y était allé de son analyse et de sa maxime.
« Muscadet, c'est cinquante pièces tout de même, tu ne peux pas dire non à cinquante pièces. - L'occasion fait le larron. - Moi avec cinquante pièces, je vais où on me dit d'aller et plutôt deux fois qu'une.  ».
Pour autant, ils n'avaient pas tort, c'était une somme qui donnait à penser.
La nature du colis à livrer dans la cité n'avait pas été précisée et bien sûr, j'imaginais qu'il s'agissait d'un merdier considérable justifiant cinquante pièces d'argent ; cela dit j'étais plus circonspect quant à celui à qui je devais le remettre, un certain Montelarme Blanc-Bec, stoïque de Flax.
Ces gens-là n'ont pas tout à fait la même conception de la vie que nous autres, à la campagne, ou même que le flaxois moyen, et s'il arrive qu'on les raille en catimini, ce n'est jamais sans s'être assuré des alentours, car on dit que les stoïques voient au-delà d'eux-mêmes, ce qui alimente toutes sortes de croyances à leur sujet, dont la télépathie.

C'est la naissance qui détermine cette aptitude. L'enfant qui vient au monde sans cris et sans peur de ce monde est un stoïque. Ceux d'entre eux qui survivent à la formation qui leur est dispensée sont intégrés à l'ordre, tandis que ceux qui périssent sont considérés comme stoïques imparfaits. Après avoir prêté serment aux couleurs de Flax, le nouvel élu rejoint les rangs de ses frères dans leur mission de protection de la citadelle.
A la fois corps militaire d'élite et incarnation mystique, cette caste se décompose en plusieurs confréries sectaires comme les stoïques du feu, des personnages redoutés sur le champ de bataille pour leur aura, et dont la vénération s'étend par-delà les royaumes, ainsi que les stoïques du froid qui combattent nus.
L'histoire de Flax avait en outre été marquée par l'avènement d'un champion, devenu un véritable prophète, et à qui on donna le titre posthume d'apparition. Stoïque de mort à quinze ans, les écrits témoignent qu'il aurait fait front à un régiment de lanciers devant les portes de la ville, assurant à l'envahisseur qu'il était conduit par la fatalité. La cité fut mise à sac et son corps jamais retrouvé mais le mythe perdura, contribuant à la réputation de l'ordre de Flax.
Du moins, c'était le tableau qu'on pouvait brosser après avoir consulté dans la région comme je l'avais fait avant mon départ.

La prime de cinquante pièces m'avait inspiré un chargement volumineux, du minerai, ou précieux aux yeux du commanditaire, des animaux exotiques, des armes de grande facture ou quelque objet dangereux exigeant un transport délicat, et que je devrais éventuellement soustraire à la curiosité ou à l'avidité de quelques-uns.
Ce n'était rien de moins, en réalité, qu'une caisse de fer de deux pieds de côté aux épaisses parois ouvragées, verrouillée d'un imposant cadenas, vierge de toute inscription quant à l'expéditeur ou au contenu. L'intermédiaire local qui me l'avait confiée dut me prêter main forte pour la monter sur Troubadour : cette saloperie pesait bien cent livres. J'avais néanmoins prévu le coup avec un harnais de charge qui permettait d'équilibrer le poids à l'aide de deux plateaux horizontaux et donnait à la bête une fois sanglée des allures d'éléphant de guerre.
Naturellement, notre cadence en pâtirait.


*


Je n'étais pas d'humeur. Troubadour non plus. Il brinquebalait sans cesse en reniflant, et marquait l'arrêt devant chaque roc émergeant du chemin, qu'il fixait alors comme pour lui reprocher sa présence. Ce qui eut tôt fait de m'exaspérer tant j'apprécie de voyager en silence et de pas être interrompu dans mes rêveries. Inlassablement, je mettais pied à terre, l’exhortant à faire un effort.
« Avance, pute borgne, un sabot devant l'autre. Sinon je ne te gratte plus le dos. »
Comme tout un chacun, le sanglier de trait a son propre caractère et entretient des goûts personnels qui diffèrent d'un individu à l'autre. Troubadour avait toujours été pénible et exigeant, ce qui me l'avait rendu attachant depuis son acquisition, même si je me gardais bien de le lui montrer afin qu'il n'en profite pas davantage. Et bien qu'il fît de son mieux pour rendre la traversée du pays moltois insupportable en se mettant à errer autour des chênes et à s'avachir dans les fossés en maltraitant les vivres, je tins bon.
Des soldats à pied ou montés, arborant diverses couleurs, des négociants en convoi et des chariots de ferme nous croisèrent ou nous dépassèrent, à chaque fois ou presque sans un mot à notre encontre mais jetant le plus souvent un œil suspicieux, voire inquiet, à notre attelage dépareillé.
Nous arrivâmes hargneux et lessivés, mais sans autres incidents, aux Trois-Tours, étape incontournable ouvrant sur la grand-route de Flax.

Je me dirigeai vers l'écurie et n'adressai la parole à quiconque, le lieu étant connu défavorablement des voyageurs. Un an plus tôt, cousin Bertignol avait failli nous faire tuer dans l'une de ces tavernes en suscitant une rixe de soûlards qui avait alors précipité notre fuite de la ville. Heureusement j'étais seul cette fois-ci et ma seule inquiétude concernait Troubadour qui allait pourtant se tenir à carreau pendant la nuit, probablement décidé à reprendre ses forces pour me persécuter dès le lendemain.
Ne pouvant me permettre ni de laisser le coffre sans surveillance, ni de l'offrir aux regards cupides des énergumènes locaux, je dormis en effet à-même la paille dans le box.
Couché tôt et levé avant l'aurore, je payai mon dû et réveillai mon bestiau. Un écuyer étrangement aimable me porta assistance avec le matériel et, dans la pénombre, se contenta de me souhaiter bonne fortune sur la route.
Quand les premières lueurs pointèrent derrière les champs, nous faisions résonner les pavés depuis une bonne heure déjà. Aucun malandrin ne semblait nous avoir remarqués.

C'est à moins d'un mille des remparts de la tonitruante citadelle de Flax, pris dans la circulation, que nous fûmes interceptés par la patrouille des gardes ducaux, sans doute alertée par le spectacle d'un sanglier de trait dispersant chevaux et carrioles sous les jurons. Il nous fut demandé de rentrer dans le rang dans les meilleurs délais, et j'obtempérai après avoir payé les choux-rave que cet animal infernal avait subtilisés à un maraîcher.
Montelarme Blanc-Bec, je l'appris rapidement dès notre arrivée dans le quartier du temple, était stoïque d'effroi. Vis-à-vis des autres communautés de l'ordre, ceux de ce rang se prévalent d'une ascendance spécifique. Ils sont les représentants modernes de ce que l'on appelait autrefois les brise-sorts, ou conjurateurs, avant l'établissement du culte. Leur éducation réputée implacable tend à optimiser leur don inné de résilience aux effets de la magie et au contrôle de l'esprit ; de fait, ils ont pour rôle de nullifier tout invocateur hostile à Flax ou à l'Église stoïque.

Le clergé ne faisait toutefois pas l'unanimité, comme j'avais pu le constater dans les rues de la cité. Des agitateurs y singeaient la liturgie en gesticulant dans des draps blancs rapiécés au col.
« Fatalis fatalium, et omnia fatalis ! »
Quelques badauds ricanaient.
Je finis par me retrouver à proximité de l'amphithéâtre où j'avais assisté à la flambée ainsi qu'au naufrage de cousin Bertignol. L'édifice noirci à sa base par les fumigations commençait à luire comme un bout de charbon ; l'odeur restait supportable, bien que marquée. Un prostitué sec au torse nu m'interpella aux abords et, après m'avoir identifié comme provincial à sanglier, entrepris de me mettre au goût du jour : Flax était une cité pavée de merde, malgré tout il m'assurait que ses orifices étaient multiculturels, sur quoi nous prîmes congé à travers les ruelles encadrées de maisons à colombages et de galeries. Troubadour fulminait.
On me fit savoir en rentrant que j'allais être reçu par le stoïque d'effroi le soir-même. Je demandai donc au personnel du Bouffon moqueur de monter mes bagages et regagnai ma chambre.

Devant les trois cent trente-trois marches du temple du culte stoïque m'attendait Montelarme, et il y avait peu de doutes à ce sujet. L'homme, ou plutôt l'incarnation, faisait près de sept pieds de taille et déploya à ma rencontre l'envergure d'un très grand albatros dans sa toge nacrée couvrant jusqu'à ses pieds.
Il ne prit pas de gants avec moi.
« La suite ne va pas vous plaire, Muscadet. Le marché se durcit. »
Je me doutais bien, et je le lui dis. L'ascension s'annonçait laborieuse, bien qu'il fisse doux.
« Notre épreuve est celle de la défiance.. la foi déserteuse.. les intrigants et leurs cohortes païennes susurrent déjà notre fin.. Flax l'apathique refuse le combat.. »
Le mystique semblait s'adresser à lui-même ou à quelque entité, j'acquiesçai en m'efforçant de rester à sa hauteur. Après quelques secondes durant lesquelles il semblait m'avoir oublié, Montelarme Blanc-Bec mit un terme à ma perplexité, et il le fit sans détours.
« La Sainte relique. Oui. »
J'en profitai pour reprendre mon souffle et m'éponger le visage et les mains avec mon mouchoir. Le voyage avait été difficile, je craignais pour ce type de marchandise.


*


La salle dans laquelle je fus introduit, de plus de cent pieds de côté, était surplombée d'un dôme de vitraux en rosace qui projetait une avalanche de couleurs hypnotisantes sur le visiteur, tandis que le sol était décoré d'une mosaïque qui me fit également grande impression. Des quatre coins de l’œuvre surgissaient en rangs serrés d'innombrables soldats en armures cuivrées brandissant boucliers à l'effigie de reptiles, lances et guisarmes étincelantes pointées loin devant eux, en formation d'assaut vers le centre de la pièce. Semblant haranguer l'armée qui le cernait, un jeune garçon vêtu d'une tunique bleu pâle se tenait au milieu, ses deux mains serrant un long bâton noueux. Le travail des yeux et de l'expression du visage avait été particulièrement soigné afin d'évoquer une conviction inébranlable. Les artistes avaient parfaitement réussi la mise en perspective à plat de l'ensemble de la scène, rendant le spectacle saisissant de profondeur. Le culte du stoïque de mort, apparition de Flax, grandeur nature.

Le reliquaire que j'avais considéré comme un coffre avait été pris en charge par l'intendance du temple et je m'étais bien gardé de demander à voir ; Montelarme me fit signe de progresser avec lui vers le fond de la salle où prenaient place sur des fauteuils de pierre les sages de l'ordre.
On me scruta en silence durant un long moment. En d'autres circonstances je me serais inquiété, mais ici j'avais accompli ce qui m'avait été demandé et j'étais prêt à décliner toute responsabilité quant à l'état des restes sacrés dont j'ignorais tout jusque-là. Il n'en fut pourtant jamais question ni lors de cette entrevue ni plus tard et je ne revis l'objet qu'une seule fois, à l'occasion des furieux affrontements auxquels l’Église stoïque prendrait part.

« Homme de Pouif. »
A l'évidence, on avait enquêté sur moi. Le seul à me parler fut le sage central, si je puis dire.
« La Sainte relique, tel qu'annoncé, est de retour dans son enceinte historique. Qu'en ce jour attendu nos yeux soient préservés de l'aveuglement, nos cœurs des errements de la corruption, nos esprits du doute qui apathise, et laissons les écritures se rappeler à nous par ces mots : 'Que l'homme ingénu de modeste extraction qui restaurera l'exaltation dans la cité de Flax marche de nuit aux côtés des derniers vaillants / Ainsi vous saurez d'où il vient malgré lui et reconnaîtrez ce par quoi il est porté.'»
Ce fut tout. Je fis mine d'avoir entendu de travers et demandai poliment à être excusé. Je traversai la pièce en évitant au dernier moment un cheval cabré hennissant, au caparaçon armorié et dont l’œil trahissait l'affolement, surgissant de la grande fresque au sol et que je n'avais pas remarqué en entrant. Je commençais à être à cran.

La pression s'intensifia dans les jours qui suivirent.
On m'expliqua que j'étais l'homme de Pouif après tout, et qu'il me revenait de participer, à tout le moins par ma présence. Je finis par céder, craignant d'exporter la situation si je rentrais subitement, et m'installais donc quelques temps à Flax. Selon moi, l'effervescence allait se révéler de courte durée, et mes cinquante pièces d'argent de gages me permettaient de mener grand train au Bouffon moqueur en attendant une actualité favorable, ou qu'on finisse simplement par m'oublier.
Je revoyais Montelarme Blanc-Bec régulièrement durant cette période, dans la salle du temple un peu à l'écart où j'étais parfois convoqué, et nous échangions sur l'avancement des choses. Je lui faisais part de mon incrédulité pour la prophétie douteuse que j'étais censé incarner et soulignais avec relativisme mon inexpérience des affaires politiques et religieuses. Il ne répondait généralement pas, ou de manière cryptique, et évoquait la conjoncture, notamment à propos des seigneurs marchands de la cité qui, selon lui, manœuvraient à renverser son ordre.
Peu enclin à endosser une responsabilité qui me plaçait au centre d'éventuelles émeutes, je recourais des semaines durant à des trésors de rhétorique pour passer la main. Je finis par comprendre que mon discours avait peu de prises sur l'implacable foi de Montelarme et de ses frères stoïques, d'autant plus que mon ignorance, comme citée dans leurs textes, garantissait en quelque sorte ma légitimité. Un cercle infernal dont on ne sortit plus dès lors.

Les seigneurs marchands s'étaient donc apparemment lassés de coexister avec le culte, et ambitionnaient désormais à découvert de prendre les rênes. J'en étais rendu à un point où je commençais à les comprendre : les stoïques étant seuls détenteurs de la voie à suivre par-delà la vie et la mort, ils exerçaient, ou plutôt avaient exercé jusqu'à récemment dans l'histoire de Flax, la police des mœurs tout en finançant l'Eglise par la taxation des échanges, en étroite collusion avec le pouvoir ducal qui s'arrangeait plutôt bien du système.
A en juger par les fréquents incidents autour de la Flambée annuelle et à la démocratisation du blasphème, on comprenait aussi que l'oppression dénoncée avait fait son temps, et que ce moment de faiblesse représentait l'occasion idéale pour une passation de l'autorité qui reléguerait les stoïques à un statut honorifique dans le meilleur des cas. Des moines illuminés parqués dans leur temple, bons pour le tourisme.


*


On vint me chercher de nuit.
La garde ducale avait escorté Montelarme jusqu'à ma porte.
« Il est temps, Muscadet »
La consigne fut de faire vite et de rester groupé, les soldats affrontaient désormais quotidiennement la vindicte populaire, tentant avec peu de résultats d'étouffer l'insurrection qui flottait dans l'air depuis trop longtemps pour espérer une issue sans heurts. Certains d'entre eux, m'avait-on dit, avaient été retrouvés émasculés et pendus par les pieds dans des échoppes abandonnées ; en ville, on ne se cachait plus pour évoquer des trahisons, et le Duc en personne avait été rançonné suite à la séquestration de sa propre sœur, vraisemblablement par des hommes de main, que l'on avait ensuite retrouvée dans un état misérable.
Je n'en menais pas large, conscient d'être pris entre deux feux. Mon séjour à l'auberge n'était pas passé inaperçu et je gardai la tête baissée au milieu des gardes en armures lourdes, de peur d'être reconnu malgré l'heure au détour des places marchandes. Il ne faisait aucun doute que notre progression avait été repérée et dûment signalée, nous apercevions du monde à certaines fenêtres et entendions des bruits de pas, ou de course, dans les jonctions environnantes.
Montelarme resta fidèle à sa doctrine et ne dit mot jusqu'au palais où un second corps de sentinelles semblait nous attendre. A peine avions-nous rejoint le périmètre que je vis le Duc et sa protection rapprochée, en débat avec plusieurs stoïques dont quelques-uns étaient armés et portaient des heaumes argentés. Très vite, on fit sonner le beffroi, par je ne sais qui, preuve que l'on ne se souciait plus de discrétion à ce stade.

Le mouvement de rébellion qui avait été pressenti ne se fit pas attendre. Je fus saisi d'angoisse devant le spectacle de citoyens et mercenaires dévalant des artères périphériques en troupes serrées dans notre direction, la cité entière vomissait un flot continu de métal et de cris jusqu'à circonscrire le palais. Près de cent cinquante gardes et une poignée de stoïques étaient présents ce soir là.
Il n'y eut aucun pourparler et la fronde menée par des spadassins engagea le combat directement sur les marches, on entendait davantage le grondement, les ordres et les voix mêlées des uns et des autres, et le bruit des corps écrasés, que la cacophonie des armes elles-mêmes. Le chaos devint tel que je n'avais aucune idée, suivant Montelarme comme son ombre terrestre, de qui allait être en passe de l'emporter. Pourtant, ce fut rapidement réglé. On referma les portes pendant qu'une partie de l'élite des gardes ducaux sacrifiait sa vie.

Les hurlements durèrent jusqu'à l'aurore et bien que les impacts de bélier restèrent improductifs contre les battants de fonte, je ne fermai pas l’œil depuis ma couche improvisée à même le marbre du palais. Soldats, stoïques et ce qui restait des troupes personnelles du Duc concertaient entre chaque éclat de voix ou raclement sourd venu de l'extérieur. L'essentiel des forces loyalistes était absent, les casernes de la région n'ayant pas été mobilisées à temps et se trouvant à présent confrontées à une cité défendue par des révolutionnaires retranchés. Quant aux combattants stoïques, nombre d'entre eux étaient en mission à travers le pays.
Après un décompte approximatif, chacun prit conscience du montant des pertes, et la préparation d'une contre-offensive fut débattue entre représentants du culte et l'état-major. Je décidai de ne pas y prendre part, en ayant assez vu, sans oser le faire savoir. Montelarme, à qui cela n'avait pas échappé, s'approcha alors de moi comme pour m'englober de son aura d'albatros serein, et me fit comprendre de son expression madrée que je prenais des libertés regrettables dans un moment crucial. Je me ravisai donc, et m'efforçai de ne plus penser dans les environs.

Le plan convenu devait consister à délocaliser les combats en champ ouvert pour laisser une chance aux stoïques de seconder les renforts à pied comme la cavalerie. Pour ce faire, une porte dérobée menant aux tunnels de sécurité palatins pouvait nous permettre de rejoindre le siège.
A la suite des éclaireurs, je m'y engageai avec les autres, pensant à Troubadour qui devait encore se trouver à l'étable du Bouffon moqueur et que je n'avais aucun moyen de récupérer. Le souvenir de nos péripéties me permit d'occulter en partie l'horreur de la situation, entrevoyant au-delà de ses reniflements baveux la perspective des paysages de Pouif.
Je fis part sans honte de mon désarroi et un soldat finit par me garantir qu'on me procurerait un autre sanglier en temps voulu si je voulais bien continuer à progresser vers la sortie. Naturellement, je ne voulais pas d'un autre sanglier.

La galerie courrait sous les champs sur un bon mille ou deux, j'avais de la poussière et de la terre collée aux paupières avec pour tout horizon le dos d'un homme d'armes, et des racines traversantes, encadrés par la prolifération de champignons blanchâtres. Il y faisait moite et si nous nous y étions retrouvés piégés, c'eut été sans doute une mort particulièrement ignoble.
Je fus de très mauvaise compagnie durant le temps infini que nous passâmes à lutter pour respirer et avancer à une allure raisonnable. A plusieurs reprises, on me demanda de la boucler pour ne pas compromettre la sécurité de tous.
Des chuchotements parcoururent le tunnel comme une traînée de poudre depuis la tête de cortège lorsque les éclaireurs donnèrent le signal de la surface.


*


À travers bois, puis au couvert de la moindre végétation et au pas de course, notre groupe atteignit la plaine où le campement militaire le plus proche devait se tenir. Je ne voyais rien dans la direction indiquée mais on m'assura que c'était bien le cas. Et derrière quelques collines en effet, les poumons brûlants, j'aperçus un regroupement important d'hommes et de matériel qui émergeait. Je n'avais jamais été aussi heureux de voir des tentes. Un détachement monté s'avança à grande vitesse à notre rencontre, les visages se décrispèrent dès que le Duc et les stoïques furent identifiés et la tension se relâcha dans nos rangs.
Toujours au contact de Montelarme, personne ne s'enquit de mon identité bien que je dépareillasse dans cet amalgame de guerriers arborant les couleurs de Flax mais aussi de maisons diverses qui m'étaient inconnues.
Des sages du culte rescapés et leur suite, ainsi que les généraux de l'armée venus reprendre la ville des mains des insurgés prirent la tête des opérations.

Par ailleurs, des escadrons avaient été envoyés sur les routes afin de signaler tout mouvement hostile depuis ou vers la citadelle : certains capitaines avaient exprimé des craintes selon lesquelles cette révolte orchestrée pouvait être soutenue de l'extérieur, et il était impératif d'isoler le conflit par tous les moyens.
Flax ayant les ressources de mettre en échec une stratégie d'attrition, la décision fut prise de lancer l'offensive dès la nuit suivante, à la raison que les défenseurs auraient davantage de difficultés à tenir leur position tout en repérant les assaillants. La question des inévitables incendies fut longuement abordée, puis tranchée par l'intermédiaire du même cultiste qui s'était adressé à moi dans le temple.
« L'apparition reconnaîtra les siens. »

On m'autorisa à prendre du repos et à me restaurer, évidemment libre mais toujours surveillé, notamment par Montelarme qui ne cessait de me chaperonner, ressentant de son flair inhumain la moindre de mes défaillances. Je ne parvenais pas à m'empêcher de penser à Troubadour et au retour à Pouif, et j'avais vu la mort de près. Cela aussi, Montelarme devait le lire dans mon esprit.
Je me réveillai en sueur toutes les heures environ, incapable d'abandonner ma veille alors qu'à tout instant l'horreur pouvait survenir. La lumière de midi et le bruit de roulement des trébuchets ne me permettaient de toute façon pas de reprendre des forces, j'étais vaseux et en alerte, et j'allais le rester jusqu'à la fin de cet engagement sous les murailles.
Les soldats s'affairaient autour des tentes, chaque bataillon répétait sa manœuvre pour synchroniser son offensive avec les autres, et prenant en considération l'angle des tours de guet et des mâchicoulis que quelques archers repéraient pour eux. Les sangliers de guerre étaient attachés à l'écart de l'agitation pour ne pas susciter de mouvement de panique, dont certains dotés d'ergots et de plaques d'armure. Ils seraient les derniers à rejoindre les combats si l'on en arrivait à devoir charger dans les rues.

Un silence relatif et pesant gagna le campement au fur et à mesure que le crépuscule s'annonçait.
Chacun se rendait compte de ce qui l'attendait, à commencer par ceux qui avaient assisté au massacre des marches du palais, pour autant je n'eus vent d'aucune désertion. Militaires et stoïques entretenaient sans faillir détermination pour les uns et fatalisme mystique pour les autres, dans une entente confraternelle qui pouvait étonner, mais surtout inquiéter.
Les stoïques du feu prêtaient main forte aux unités de l'avant-garde, afin de débiliter les défenseurs en entretenant des incendies le long des murs de la ville et d'aveugler les archers à l'aide de colonnes de fumée. Montelarme et ses stoïques d'effroi se porteraient au cœur du siège pour galvaniser les troupes et les préserver des incantations. Les cultistes du froid restaient quant à eux sous les tentes jusqu'à la dernière minute, rompus au combat à corps à corps, ils se joindraient à l'assaut dès que l'infanterie et les engins de siège auraient ouvert une brèche.

Aux dernières lueurs, le reliquaire de l'apparition sauvé par les membres du temple fut apporté sur son autel par trois stoïques de part et d'autre, et acheminé jusqu'aux premières lignes qui étaient d'ores et déjà en place, prêtes à en découdre.
L'armée entière s'attroupa avec discipline et recueillement à la vue des sages de l'ordre, en robes cérémonielles d'argent et de pourpre, coiffés de mitres, qui se présentèrent par-devant l'objet sacré, chacun brandissant l'encensoir et le bâton, symbole stoïque de Flax. Le doyen prit la parole.
« Chassez les hommes de peu de foi, les hommes de peur et de vilenie de vos demeures, les apostats mercantiles qui terrorisent les croyants par leurs mensonges et leurs complots, ceux qui souillent votre Fatalité de leur compromission. Ouvrez les yeux et voyez. Voyez l'apparition qui s'est dressée jadis contre les ennemis de Flax, envoyée par le commandement de toute vie et de toute mort. Et dans son sillage, révélez-vous à vous-mêmes, et par sa mémoire, vainquez le néant.»

Les unités reprirent leurs positions tactiques dès que l'office prit fin. J'étais soufflé par l'appréhension et transpirais abondamment des paumes et du front. Montelarme me regarda avec une condescendance qui tendait cette fois vers une forme de tendresse, comme s'il était ému par ma réaction. Les seules paroles qui s'élevaient, sèchement aboyées entre deux intervalles de silence feutré, ordonnaient aux soldats de se mettre en formation d'assaut. Les tambours battirent la cadence et des porte-drapeaux s'engagèrent entre les lignes. Dans la plaine, en lisière de forêt, les lapins de garenne détalaient à oreilles rabattues.
Pour détendre l'atmosphère alors que mes battements de cœur résonnaient dans ma tête, je glissai une taquinerie en écho à notre première rencontre.
« La suite ne va pas vous plaire, Montelarme. »
Sa réponse emporta ma conviction ce jour là.
« Qu'en sais-tu, homme de Pouif ? »
Je n'en savais pas grand-chose évidemment, et me trouvais un peu penaud face à l'évidence. Il était impressionnant. Des batailles plus improbables et moins avantageuses avaient été remportées par la seule force de la foi et en cet instant, j'étais effectivement prêt à le croire.


*


La nuit était presque complète mais des centaines de brasiers avaient été installés pour assister les manœuvres de terrain ; le feu qui devait lécher les fortifications prenait de toutes parts, escaladant les murs, embrasant le bois et la pierre et, depuis l'arrière-garde, nous assistions à la charge de l'infanterie sur les portes nord et ouest de la cité qui rencontrait des difficultés. Les artilleurs aux trébuchets peinaient également à affiner la précision des tirs à cause de la fumée et tiraient parfois au jugé, dans un vrombissement qui déchirait l'atmosphère, répandant une onde de choc dans tous les environs.
Pourtant à un demi-mille de distance, nous entendions les heurts métalliques et les cornes de brume utilisées depuis les remparts. Les seigneurs marchands avaient probablement anticipé une attaque nocturne et avaient ordonné de faire sonner les cloches qui surpassaient le vacarme en résonnant dans toute la citadelle. Plus ou moins protégés par les régiments qui se pressaient en direction d'une porte ou d'une autre, nous avançâmes parmi les soldats équipés de boucliers et de haches et les stoïques de chaque secte qui venaient assister la première vague.
Des meurtrières s'échappaient toutes sortes de projectiles, des rocs bruts étaient balancés par-dessus les créneaux à l'aide de poulies et les trappes à huile fonctionnaient à plein régime, le moindre geste se faisait plus net dans la lumière et la chaleur, et une terreur nouvelle s'emparait de moi à chaque découverte macabre dans le concert de vociférations des blessés.
À l'appel d'un sage, les stoïques du feu rentrèrent dans la bataille, rayonnant d'une lueur qui oblitérait toute vision au-delà de leur progression. Ils prenaient littéralement feu. Montelarme me quitta à cet instant sans aucun préambule.
« Fatalité, marcheur de nuit. »

La porte nord ne cédait pas et les morts devaient être très nombreux, pendant qu'à l'ouest on ordonnait d'escorter les béliers eux aussi en flammes. L'odeur des corps et du sang, des excréments et du métal chauffé dans les miasmes de combustion me procurait des vomissements de bile et je restai presque à genoux à essayer de reprendre le contrôle. Des flèches et des carreaux sifflants se fichaient dans le sol ou fendaient l'air au-dessus des têtes, mais on ne les entendait véritablement qu'au dernier moment. Un pan de muraille et de créneaux juste en dessous de la tour de guet nord-ouest éclata sous un tir de trébuchet et je la vis s'effondrer sur le chemin de ronde, projetant des pierres de taille à l'extérieur de la cité. Il y eut des cris mais plutôt brefs, et couverts par les combats urbains dont je me rapprochais.
Puis la charge de cavalerie fut sonnée. Les sangliers couinèrent et les lanciers lourds firent trembler la terre en s'échappant par grappes des forêts alentour vers la porte ouest, rejoignant les épéistes et les stoïques du froid qui en étaient venus à bout. Montelarme était parti au nord et je n'étais pas en mesure de faire quoi que ce soit. Je me mis à tituber, le plus vite possible cependant, vers un petit monticule non loin d'un brasier et m'emparai d'un grand pavois d'arbalétrier laissé là. Je gardais mes distances tout en me rapprochant de la brèche, à demi accroupi et courbé derrière ma protection.
La nuit était noire à présent, elle salissait tout, les vivants et les morts.

Proche de la porte ouest, j'aperçus une dizaine de combattants dont un stoïque du froid parfaitement nu aux cheveux longs, et me lançai à leur suite. Je n'avais aucune intention de tuer qui que ce soit, malgré tout j'étais prêt à encourir quelques risques pour m'en sortir avec Troubadour. J'étais un des derniers dehors de ce côté-ci de Flax, la plupart des loyalistes avaient pénétré dans la ville et se dispersaient vers le nord, pour ouvrir les portes à leurs frères d'armes. Je me précipitai, hagard et traumatisé, vers le battant défoncé. Encore des cris résonnants, des aboiements, et contournant les premières bâtisses sur ma droite pour échapper aux archers sous le mur d'enceinte, je lâchai le pavois que mes bras ne supportaient plus, et qui fit un boucan de tous les diables sur les pavés bien entendu.
Hors d'haleine et affalé dans un renfoncement, je me rendis compte que j'avais été apeuré par l'écho de mes propres foulées dans la ruelle alors que j'hésitais à me retourner. Je me trouvais dans une condition mentale catastrophique.

Le feu se propageait de maison en maison depuis le nord, le son et la chaleur l'indiquaient clairement. Il y avait eu des combats dans les tours de garde et dans les ruelles, des affaires et des casques légers traînaient ci et là, des arcs, des chausses, des gourdins. Je m'étais débarrassé du mien depuis les premiers assauts, il ne m'aurait pas sauvé. Au bout de plusieurs minutes, je n'avais pas encore recouvré mon souffle, pas plus que je ne savais modérer mes tremblements. Il me fallait pourtant rester mobile et je repartis dans la direction qui me semblait la plus juste, vers l'est.
Des petits groupes patrouillaient à une rue de moi, certains en silence et d'autres bruyamment, souvent armés, sans que je puisse identifier leur faction. Et alors que je restais immobile dans l'encadrure d'une porte, comme je le faisais à chaque carrefour par précaution, j'assistai à une exécution sommaire. Les gardes ducaux, reconnaissables à leurs heaumes effilés, ne s'embarrassaient pas de prisonniers, et malgré le dégoût, je compris que les troupes rebelles défendant les portes nord étaient désormais prises en étau.
Je longeai une vitrine marchande et m'engouffrai sous une tonnelle, vaguement là où je pensais retrouver un repère, une rue déjà traversée, un puits ou une enseigne qui m'orienterait vers l'auberge dans l'obscurité. On manque toujours de torches, je le savais pourtant.

Quand je finis par trouver ce que je cherchais -les étals du marché aux poissons, proche du temple-, je me mis à courir moins prudemment, excentré que j'étais des combats. Des portes claquaient parfois, des pas rapprochés dans les escaliers intérieurs se faisaient entendre et une femme cria à travers une fenêtre à l'étage d'une habitation.
« LAISSEZ-NOUS »
Le siège tournait court, mais avait laissé la moitié de Flax à la merci des hors-la-loi. On verrait bientôt des scènes de pillage, je m'y attendais, comptant déguerpir entre-temps.
En approche du Bouffon moqueur, je pris le parti de contourner l'établissement pour me rendre à l'étable et j'y trouvai Troubadour en étouffant à demi une exclamation de joie. Parlant à voix basse, pour me calmer, je rassemblai quelques affaires de sellerie à la volée, puis dans un compartiment adjacent, et le poussait au dehors. J'avais entendu des bris de verre et ne pris pas le risque de remonter dans ma chambre, il me restait encore quelques-unes des pièces d'argent de ma rémunération de coursier.

Nous avons fui comme des voleurs, et à la fois comme dans un rêve. Je ne me préoccupais plus du bruit, et Troubadour suivait mon rythme que je ponctuais de petites motivations.
« Allez mon gros, un sabot devant l'autre. Encore par là, et nous y sommes. Sortons de cet enfer. »
Ce réveil brutal combiné à l'odeur tenace de fumée réveillait ses sens, et il grondait férocement lorsque nous approchions d'une quelconque activité humaine. La citadelle était effectivement à feu et à sang, cela dit les flaxois attendait sûrement le matin pour mettre le nez dehors, en tout cas pour ceux qui s'étaient résolus à rester et, éventuellement, à défendre leur propriété. Le quartier était plutôt épargné, hors de portée des armes de siège, c'était une chance.
Une fois parvenus à la porte ouest, je fis trotter Troubadour énergiquement, décidé à en finir. Il ne portait aucune armure, aucune couleur, et selon toute vraisemblance ne pouvait représenter une menace militaire. Les hommes qui surveillaient désormais l'entrée, des archers qu'il me semblait avoir aperçus au campement dans la plaine, nous observèrent mais ne nous arrêtèrent pas.
Après un mille à peine, je ne tenais plus debout et nous fîmes halte. Je n'avais pas dormi depuis deux jours et m'assoupis sous un arbre, déterminé à y rester aussi longtemps que nécessaire.

Sur la route, j'ai repensé au reliquaire, il pouvait bien sûr être vide. Aujourd'hui, je suis à peu près certain que c'était le cas, comme je sais que les stoïques de Montelarme sont entrés dans l'histoire.

= commentaires =

Lapinchien

tw
Pute : 7
à mort
    le 01/09/2016 à 17:55:31
http://i.giphy.com/Y78MMpIVyBFRK.gif
Lapinchien

tw
Pute : 7
à mort
    le 01/09/2016 à 18:27:08
donc après AirBnB traité par Ocus dans le texte précédent, Muscadet s'attaque à la mythologie de Clash of Clans
Muscadet

site blog fb
Pute : 0
    le 01/09/2016 à 22:05:49
On sent une recherche sur l'illustration, c'est clairement pas le premier sanglier de Google Images.

Concernant le texte, j'aurais peut-être dû le couper en deux pour éviter l'effet TrumpWallofAmerica, mais c'eût été se compromettre et fléchir du genou face aux hordes impies qui harcèlent les hommes d'honneur et de droiture.
Donc tant pis, TrumpWallofText. Et ce sont les lecteurs qui le payeront.
Lapinchien

tw
Pute : 7
à mort
    le 02/09/2016 à 09:58:07
J'avoue que je préfère quand tu mets ton talent littéraire indéniable au service de genres moins éculés que l'héroïc fantasy. Cependant tout comme dans la SF, il y a toujours moyen dans une histoire fantastique d'en parler autrement que de manière endémique juste pour l'amour des mondes parallèles éloignés, ici je m'attendais à une critique, en filigrane ou en sous-texte, de notre contemporanéité absurde à bien des égards, ou à une invitation à observer notre réalité au travers d'un prisme novateur. Je ne sais pas, par exemple s'interroger sur la lutte des classes, pourquoi suis-je le seul à voir dans les traits de Najat Vallaud Belkacem, ceux de Judy Foster jeune, la loi travail, Macron en t-shirt, l'usage de la religion par les puissants pour diviser les masses et les pousser au conflit pour, seuls, en tirer parti (truc bien éculé dans la fantasy cela dit), une critique de l'innovation et du progrès à tout prix, d'autres trucs fallacieux qu'on nous fait gober tous les jours. C'est dommage de se servir du genre pour démontrer par l'exemple que la vie n'est qu'une succession d’errances in fine même si on se fixe des objectifs, que l'entropie globale finit par les dissoudre dans le chaos qui est une finalité de priorité plus grande. Après je suis peut être passé à coté quelque chose d'essentiel mais il me semble bien que tu ne mets ton histoire au service de rien du tout ou peut être que c'est une microagression de notre conscience et qu'il y a de grands appels subliminaux cryptés à voter pour un vieux chauve aux prochaines élections présidentielles (le duc) face à ces fourbes seigneurs marchands de salades qui investissent la cité (probablement une critique des primaires de les républicains)
Muscadet

site blog fb
Pute : 0
    le 02/09/2016 à 11:42:14
Ton activisme politique larvé est omniprésent dans tes contributions comme dans tes commentaires, depuis aussi longtemps que je m'en souvienne, et je ne m'en plains pas, sauf quand il dépasse un peu les bornes de l'entendement, et même alors, je m'en accommode généralement comme tout un chacun.

Cela dit, cette critique est plutôt justifiée ici, je n'ai pas cherché à développer un sous-texte politisé subtil, l'opposition qu'on peut y lire est assez réductrice, on dira même convenue et sans grandes prises de risques, bien que je ne sois pas tout à fait d'accord.
Il faut garder à l'esprit que le premier volet n'avait rien d'un brûlot saint-conien non plus, et que j'avais entamé la rédaction de cette suite pour l'édition 2016, tentative soldée d'un forfait, puis reprise récemment.
Pour autant, je reconnais regretter la déliquescence de la foi au sens large, et la dérision qui s'applique désormais à toute forme de mythologie et aux symboles associés. Quant à mon positionnement politique en lui-même, mon profil économique, mon statut social et ce que je crois être mes convictions, présentent les uns dans les autres des contradictions irréconciliables qui font de moi un électeur isolé absolument non-représentatif d'une ligne claire, ou même existante dans l'offre actuelle. C'est toi qui as demandé.

Tu devrais davantage trouver ton compte en matière polémique, mais pas forcément sur le parti pris, dans mon prochain méfait.

Commentaire édité par Muscadet le 2016-09-02 12:34:11.
Lapinchien

tw
Pute : 7
à mort
    le 02/09/2016 à 12:48:47
la foi, moins on croit en avoir et plus elle obscurcit nos quotidiens
https://www.youtube.com/watch?v=q-JIfjNnnMA
Muscadet

site blog fb
Pute : 0
    le 02/09/2016 à 13:12:31
Soit.

Commentaire édité par Muscadet le 2016-09-02 13:52:59.
LePouiIleux
    le 02/09/2016 à 21:16:33
Ça fait plaisir après le texte à l'ancienne d'Ocus, enfin un texte non-aléatoire sur la zone avec des personnages, une intrigue et un vrai univers.
Lapinchien

tw
Pute : 7
à mort
    le 03/09/2016 à 12:14:58
si t'as bien aimé celui-ci, Lanzarote, le dernier texte en date de Muscadet va te combler.

Dommage que Muscadet ait édité son dernier commentaire concernant la disparition de la foi et du peu d'importance accordé aux symboles, ça éclairait bien sur la finalité du texte. D'ailleurs ça a failli être un sérieux concurrent pour la Saint Con 2016. Reste à savoir quel est le con ou la conne brûlé(e) dans cette histoire : la foi ? les symboles ? sacrilège !
Muscadet

site blog fb
Pute : 0
    le 04/09/2016 à 01:28:23
Je disais donc avant de me raviser pour cause de spoil sauvage, qu'on pouvait éventuellement s'accorder à dire que la spiritualité n'est pas l'ennemi ou un complot nuisible, quand elle est libre à l'évidence.
De là, sa prėservation s'avèrerait être un enjeu d'actualitė, même et surtout si les reliquaires sont vides.

Politiquement, c'est un dėbat complexe entre laïcs et laïcistes, qui implique les sujets brûlants du consentement aux moeurs et du partage de la représentativité dans l'espace public.
    le 01/09/2017 à 08:09:36
Dépoussiérage pour sa première bougie.
Muscadet

site blog fb
Pute : 0
    le 01/09/2017 à 08:52:34
Nous étions en double campagne à l'époque, au mur et au filin.

= ajouter un commentaire =