Haine maternelle : descendance

Le 21/09/2004
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par Nagash
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Dossiers / Haine maternelle
On dirait un remake de 'Damien, la malédiction' version trav, ce qui n'est pas une critique en soi. Effets cheaps et intrigue de film d'horreur des années 70. Qui m'a piqué mon pop-corn ? Le texte a été modifié par rapport à sa version originelle, rendue moins débilement gore, mais le fond reste le même. Bon y a des efforts d'agressivité et des bonnes idées, mais les années 70, ça reste le mal absolu quand même.
Ces yeux.. les mêmes que Lui .Gris, froids. Ceux d’un prédateur guettant sa proie. Sonia avait senti leur pupille glaciale fixer son dos. Elle n’osait se retourner, de peur de le voir là ,face à elle, revenu d’outre tombe pour achever son œuvre destructrice. « Sois pas idiote, en ce moment même il est en train de pourrir deux mètres sous terre»Se disait elle pour se réconforter. Et pourtant à travers ces yeux , il la poursuivait, rendant les sombres souvenirs immortels.
Mais elle ne fuira pas, elle l’avait trop fait de son vivant.. non elle ne fuira plus.
Elle se retourna …
Lucie se tenait debout face à sa mère .Immobile.
Du haut de ses sept ans elle toisait sa mère avec silence. Lucie n’était pas comme les petites filles de son âge. Observatrice, détachée et silencieuse, l’insouciance enfantine semblait ne jamais l’avoir habitée. Elle s’était munie d’une carapace qui ne laissait échapper aucunes pensées, ni verbalement ni physiquement.
Lorsqu’elle n’était encore que bébé, Sonia avait tout fait pour se persuader que c’était un enfant comme un autre, faire semblant d’ignorer la malédiction qui pesait sur cette naissance. Elle y était presque parvenue mais plus sa fille grandissait et plus elle lui faisait penser à Lui, le temps qui passait ramenait les effluves nauséabondes du passé. Elle aurait voulu l’aimer , mais elle ne parvenait qu’à la détester, pour ce qu’elle était, pour ce qu’elle représentait, pour sa seule présence en ce monde. Elle avait commencé à la haïr alors qu’elle était encore dans son ventre. Elle avait plusieurs fois songé à rouer de coups son ventre rond, pour détruire et cracher l’ignominie qui grandissait alors en elle, mais Il avait étroitement veillé à ce que la graine empoisonnée qu’il avait semé en elle survive et soit à l’abri de tout avortement. Car c’était là l’œuvre ultime de son emprise sur elle. Le sceau de sa perversité gravé en ses entrailles.
Et maintenant Sonia en était persuadée, sa propre enfant était l’émissaire de cet homme qu’elle haïssait plus que tout. Un messager qui par sa seule présence portait une macabre missive. « Je suis toujours là ».

Sonia écarta sa fille pour se précipiter dans la salle de bain, fermant la porte derrière elle . Elle sentait sa présence derrière ce rempart fragile, dans le noir elle voyait l’ombre de Lucie au milieu du trait de lumière qui glissait sous la porte. Sonia avait peur.. la même peur qu’elle avait si souvent ressenti durant son enfance et son adolescence. Cette angoisse qui lui montait dans les tripes lorsqu’arrivait l’heure de se coucher.. et lorsque, frémissante, elle scrutait durant des heures la ligne de lumière qui s’échappait de sa porte entrouverte, guettant le moment où l’Ombre apparaîtrait dans le faisceau lumineux.
Sonia ferma les yeux pour ne plus voir l’ombre de sa fille.. mais des souvenirs vinrent s’immiscer sous le voile de ses paupières…
La porte qui s’ouvre. L’ombre, gigantesque, qui se tient dans l’encadrement de la porte. Le bruit de ses pas sur le plancher , qui se rapprochent d’elle pour s’arrêter au bord de son lit. Elle, tremblante sous sa couverture, les yeux mi clos faisant semblant de dormir . Son poids sur le bord du lit. Son souffle brûlant sur son visage. Ses mains glissant sous ses draps vers son corps pas encore formé…ses mots chuchotés au creux de l’oreille. « Viens faire un câlin à papa ».
Des années et des années de nuits interrompues et de silence. Il voulait toujours aller plus loin dans son désir de possession et de destruction.. jusqu’à ce que la haine porte son fruit, au plus profond de son cœur.. et de son corps. La condamnant à ne jamais oublier…
Et le résultat de cet union était maintenant là, derrière cette porte, fidèle reproduction de son géniteur.

« Sale fils de pute.. tu veux me détruire c’est ça ?Mais t’oublie que t’es mort pauvre connard! Tu m’as forcé à porter ton enfant, mais t’es plus là pour m’obliger à le supporter, t’es plus là pour protéger ton parasite»
Comme pour chasser ses démons, Sonia alluma la lumière. Elle s’approcha du miroir pour scruter son visage, Son regard voyagea sur le chemin sinueux de ses traits. Elle ne savait plus à quand remontait la dernière fois où elle avait observé son reflet de cette façon, elle ne savait même pas si un jour elle l’avait déjà fait. Elle avait toujours fui sa propre image, de peur de retrouver ses traits dans les siens. Mais là au contraire elle les chercha, pour s’en rassasier, pour les vomir avec toute la colère qui fermentait en elle depuis des années.
Elle débusqua un sourire dans le miroir. Ses yeux embués de larmes ne purent cacher l’étincelle qui se mit à briller dans les profondeurs de sa pupille. Les remous humides de son regard se transformèrent en torche. « Mon putain de sourire est le tien »Cracha t- elle devant le miroir entre un hoquet hilare et un sanglot dissonant. Il était devant elle, là, dans cette glace.
Elle frappa de toutes ses forces sur son alter ego .. Jusqu’à ce que le miroir, barbouillé de rouge, se fissure. Elle imaginait le visage de son père se distordre sous ses coups, se couvrir de sang sous sa fureur.. elle frappa encore et encore, jusqu’à ce que les sa haine ne soit plus qu’un tas de verre brisé à ses pieds.
L’angoisse semblait s’être évaporée, remplacée par une exaltation qui lui avait été jusqu’alors inconnue. Cette nuit ne sera pas comme les autres…

Elle ouvrit la porte à grande volée.. mais la petite n’était pas derrière.
Elle la chercha dans le salon. Elle n’était pas non plus là. Alors Sonia se dirigea droit vers la chambre de Lucie. Elle avançait sans bruit dans le couloir, comme une voleuse venu dérober quelque pépite d’innocence égarée.
La petite était assise en tailleur au milieu de la pièce, occupée à dessiner. Sentant une présence elle leva la tête pour voir sa mère qui se tenait dans l’encadrement de la porte , le visage inhabituellement doux. Lucie comprit que quelque chose n’était pas normal lorsqu’elle vit les gouttes de sang perler de la main de sa mère.
« Maman qu’estce qu’… »
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase que Sonia l’avait déjà empoignée par le bras, la traînant par terre jusquà la cuisine.
Sonia l’agrippa par les cheveux d’une main et la gifla de toutes ses forces à plusieurs reprises. Jusqu’à ce que les cris deviennent pleurs. Alors tout en la gardant fermement immobile par la chevelure d’une main elle fouilla de l’autre dans le placard, le vidant littéralement pour s’emparer d’un rouleau de ruban adhésif. Elle traîna Lucie jusqu’à une chaise, enroulant autour d’elle le ruban pour la maintenir immobilisée au dossier.
Les larmes coulaient sur les joues de Lucie. .elle regardait Sonia mais plus de la même façon. Son regard embué de larmes n’avait plus rien d’implacable, il était juste devenu incompréhension et tristesse d’une petite fille..
Sonia fût saisie d’une brutale envie de la prendre dans ses bras.. de la réconforter, de la protéger de ses propres démons. C’était sa petite fille après tout. Elle n’avait rien à voir la dedans..
Elle s’approcha d’elle et l’enlaça avec la tendresse de la mère qu’elle n’avait jamais vraiment été. Les années de mépris s’éclipsèrent face à cette tendresse. Le visage de sa fille au creux de son cou, ses larmes qui lui caressaient la peau. Elle l’enlaçait comme pour la protéger des lémures tapis dans les coins sombres de sa psyché.
La vague de souvenirs revint…son père, sa tendresse pervertie. Ce père aimant qui se réfugiait toujours derrière le prétexte de l’affection paternelle pour assouvir ses vices, pour la culpabiliser .Jouant avec sa sensibilité lorsqu’il sentait qu’elle lui échappait…Et sa fille utilisait les mêmes armes que son père.. Les pleurs de sa fille lui parurent plus saccadés et graves. Non ce n’était plus des pleurs. Des rires. Les rires de ce père détesté… Sonia fit un bon en arrière.

-Petite garce t’as failli m’avoir .


Prise de fureur elle tira un des tiroirs de la cuisine qui tomba par terre. Le raffut des couverts s’écrasant sur le carrelage résonna dans la maison. Elle s’empara de la première chose qui lui passait sous la main. Sa colère redoubla lorsqu’elle vit l’instrument que lui avait offert le hasard moqueur. Une cuillère, une vulgaire cuillère.. Elle la jeta avec rage par terre. Elle se mit à tourner dans la pièce comme un fauve en cage sans même savoir ce qu’elle cherchait exactement. Les ustensiles de cuisine tournoyaient autour d’elle, eux aussi ils se moquaient d’elle.. Il lui fallait trouver l’issue, celle qui lui permettrait de s’enfuir de ce manège macabre.
Elle s’arrêta net. Du coin de l’œil elle avait cru voir quelque chose briller dans le couloir. Oui il y avait bien quelque chose là bas. D’un pas somnambule elle se dirigea vers cette lueur. Incrédule, Lucie suivit du regard la silhouette de sa mère disparaître dans l’obscurité du couloir.
Une perle dans le noir. Un reflet d’espoir. Elle était maintenant assez proche pour voir ce qui était à l’origine de ce scintillement. Un morceau de verre, l’un de ceux de la glace qu’elle avait brisée dans la salle de bain. Comment était il arrivé ici ?Peu importe, elle ne cherchait plus à comprendre. Effilé et brillant, il ressemblait à un poignard . Elle s’en empara, il vibrait dans sa paume, traversant son épiderme d’échos meurtriers. Elle le laissa la guider à travers le couloir vers la lumière jaune de la cuisine…

Sonia s’attendait à retrouver une chaise vide, peut être s’était elle enfuie. Mais non elle était toujours là, attachée, les yeux écarquillés de terreur.
Ces yeux.. elle se perdait dans leur gris, se noyant dans les tourbillons de flashs qui lui martelaient le crâne. Cette gamine portait dans son iris toutes ces nuits de cauchemars réels.. Regard subtilement pervers, suffisamment subtil pour passer pour de la tendresse aux yeux des aveugles de l’extérieur. Pupille qui se dilate, sperme qui gicle au fond d’elle. Pupille qui se contracte, iris parcouru de spectres courroucés... Toujours ce froid, toujours ce gris ,cet horrible gris du quotidien ,celui de l’éternel recommencement et de la fatalité…Ces yeux étaient là devant elle, le visage avait changé, mais c’était les mêmes yeux. Juste un autre masque pour mieux l’apprivoiser, une expression de désarroi et d’innocence pour mieux la piéger… Elle ne voyait plus que ces yeux gris, ceux de l’homme qui lui avait donné la vie et qui lui avait brisé. Celui qui avait pourvu cet enfant de ses yeux pour continuer à l’épier et à la persécuter. Boursouflures impures sur un visage d’ange. Deux portes vers la résurrection pour le monstre. Dans sa main, la clef qui lui permettrait de les verrouiller et de l’empêcher de revenir. Mais avant elle voulait le voir se tordre de douleur, lui faire subir à travers son suppôt une infime partie de la douleur qu’il lui avait fait endurer .Elle appuya le morceau de verre contre la joue de sa fille, et le fit lentement glisser sans même entendre les hurlements.. Chaque goutte de sang qui s’écrasait sur le carrelage nourrissait l’ivresse qui grandissait en elle, ce sentiment de toute puissance..
Elle immobilisa la tête de sa fille en la tenant fermement par les cheveux. Elle approcha son arme des yeux trempés de la petite.. La pointe n’était plus qu’à quelques millimètres de la cornée lorsque le bout de miroir fit parvenir à Sonia quelque chose qu’elle ne s’attendait pas à voir..
Un sourire. Le fragment de miroir reflétait son sourire.Ses propres lèvres tendues en un rictus béat de perversité.. exactement le même sourire que Lui…
Lâchant son poignard de fortune elle tomba à genoux aux pieds du petit corps sanglotant. Abattue.. elle aurait souhaité que ce ne soit qu’un cauchemar, pour se réveiller et dire à sa fille qu’elle l’aimait, qu’elle la protégerait, mais ce n’était pas un rêve…
Il l’avait eu. Il l’avait rendu comme lui, Il était parvenu à enfanter le mal en elle. Son successeur dans l’horreur n’avait jamais été Lucie , mais elle même…
Il avait gagné.