Petit conte apocalyptique

Le 27/05/2005
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par nihil
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Thèmes / Polémique / Semaine 'textes de merde' 02
Présenter un texte d’adolescence, c’est un peu un coup bas, mais le résultat reste probant. Ca se veut de la poésie en prose un peu floue, garantie ultime pour obtenir une bonne daube. Ca croule sous les adjectifs qualificatifs qui en font un texte outrancier, ampoulé et fatigant au plus haut point. Notons l’incongruité de la présence d’un ourson blanc comme personnage d’un texte qui se voudrait sérieux.
Dans les fonds brumeux et sourds, sur les territoires sous-marins des abysses, entre les ruines décalées et bleuâtres, la pieuvre Amork et Negana l’ourson blanc chassaient ensemble.
Amork flottait dans les vents obscurs des abîmes, agitant ses longs tentacules fibreux, indistincts, les laissant onduler jusqu’à ce qu’il atteignent les dimensions spiralantes d’un vortex océanique. Ou bien il rampait sur les épaves d’un monde oublié, fluide sculpture déformée par les lames de fond. Ses yeux étaient grands et emplis d’ombre, aussi noirs que l’encre qui coulait de sa bouche hurlante, ses bras se repliaient rythmiquement devant ses crocs brûlants et bleus.
L’ourson blanc, à la férocité ancrée dans les pupilles, courrait dans la vase décharnée, et ses griffes osseuses lacéraient le varech. L’eau courant dans sa fourrure étrange lui donnait l’aspect d’une ténébreuse torpille. Il lévitait parfois comme une momie repliée sur elle-même, perçant les voiles rouillées de l’obscurité bleue.
Et les sillons que les chasseurs traçaient dans ses limbes infernales calcinées par les statues des requins bleus dressées vers la Surface comme des dieux inconnus, ces sillons affectaient l’étrange géométrie des nuages qui se collaient aux parois des abysses.
Et des blocs titanesques de basalte effondrés en amas chaotiques surgissaient les tentacules squameux de la bête honnie, et au fond des gouffres aux motifs tortueux apparaissait la silhouette maudite, l’embryonnaire forme de l’ours-déité. Et la déité écartait ses bras serrés sur sa poitrine creuse, et la déité se redressait de toute sa hauteur monstrueuse, et ses yeux glacés quittaient ses griffes pour glisser vers la Surface.
La déité tentaculaire dansait, des appendices au déploiement démentiel déchirait l’eau sans couleur, soleil de chair tourbillonnant. Car en vérité la déité avait deux têtes, deux corps - et deux noms. Et son langage absurde se perdait dans les brumes lymphatiques qui vibraient dans le lointain.
Dans une prière inaboutie aux dieux déments et malades qui l’avaient engendrée, la déité double paralysait la proie pseudo-vivante. Alors l’ours calcifié, à tête de mort, l’ourson blanc Negana à la silhouette squelettique, alors Amork le dieu céphalopode aux cornes de bélier sanguinaire fondaient sur la proie, ils fondaient sur elle et l’écartelaient de leurs crocs flous, et le sang, écarlate vortex, violent, tranchant, se répandait sur le fond sous-marin, sans même l’espoir de se diluer un jour dans le courant des fosses.
Et la déité délivrait la proie, creusant les chairs à l’existence énigmatique, étouffant la rumeur des giclées de sang broyé en plaquant sa bouche double sur les artères brisées.
Dans le vent subocéanique ne demeuraient plus que de fins os épars, reposant à jamais dans les hauteurs calmes de ce cimetière en lévitation.
Amork et Negana n’étaient pas amis, simplement leur trajectoire s’était croisée, et ils hurlaient ensemble sous la pluie colérique, entre les fonds calcinés d’épaves disloquées. Et la peau froide de la pieuvre se ridait et s’agglomérait dans les vagues déferlantes, pour mieux se répandre en toile tridimensionnelle. Et la peau glabre et obscure de l’ours allait et venait dans le flux et le reflux des abysses foudroyées.
Et la mort et le sang n’égalaient même plus la terreur que la déité traçait dans les grands fonds par ses sillons entrecroisés.
Un jour, la déité s’attaquait au Leviathan ultime et le défaisait, faisant de sa chair une brume fibreuse qui se désagrégeait dans le lointain.
Un jour, la déité faisait tomber les statues des dieux-requins qui contemplaient l’abîme de leurs yeux éteints, et dévoraient leur viande fossilisée.
Un jour, Amork éclatait le crâne de l’ourson blanc, l’entourant de ses longs tentacules et le déchirant. Puis il regardait le sang ruisseler entre les décombres étranges et bleus, et les derniers spasmes agiter le corps de Negana. Il sentait les traces des griffes de l’ourson blanc se refermer déjà et cicatriser, même si le sang ruisselait toujours.
Et il gouttait obscurément la chair de Negana, la mâchait entre ses crocs sauvages, l’avalait, puis sans plus poursuivre de dévorer son frère, s’en allait dans le lointain, baudruche informe aux traits mouvants, sous la Surface maudite.
Et restait là le cadavre crispé, ensanglanté, aux os éventrés, aux yeux brûlants, de la déité, sous la Surface maudite.