Surfaces (15)

Le 18/06/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
Les phrases de quatre mots débitées à la mitrailleuse, ça fait mal au crâne mais ça reflète bien l'état d'anéantissement moral dans lequel se trouve le personnage. Mais ça fait mal au crâne.
J’ouvre les yeux. J’éteins le réveil. J’ai mal à la tête. A cause du réveil. Dans ma tête il résonne.
Mon ventre gargouille. Mes couilles me démangent. J’ai mal aux dents. Je me lève. Mes habits sont sales. Je m’habille. Je marche jusqu’à la salle de bain. Je retrousse mes babines devant le miroir. Mes dents sont sales. Je les brosse. Je pisse dans le lavabo. Mon sexe pue. Je remonte ma braguette. Je retourne à la chambre. Je fouille dans un placard. Il reste des corn-flakes. J’inonde les corn-flakes de lait reconstitué. Je mange. Ca n’a pas de goût. Je sors. Les rues sont pleines. Je marche lentement. J’ai pas envie de bosser. De bosser pour cet enculé. Ca me paie mes plaisirs du soir. Mais rien d’autre. C’est pas assez. Mais j’ai pas le choix. C’était mieux à l’école. Mais c’est fini. C’est con que ça s’arrête. Je marche dans les rues pleines. Je travaille loin de chez moi. Je marche une heure tous les matins. Je préfère ça. Aux transports en commun. Je vois le jour se lever. Je vois les lampadaires s’éteindre. Et j’ai le temps de penser. A ma propre disparition. J’ai vingt-et-un ans. Encore vingt-neuf. J’en ai déjà marre. J’ai encore mal aux dents. J’aurais du les brosser après les corn-flakes. Ils ne sont pas bons ces corn-flakes. Je ne peux pas en acheter de meilleurs. Il me faudrait un meilleur boulot. Mais je ne sais faire que ça. Et ça tout le monde sait le faire. Mais tout le monde ne veut pas le faire. Ils pensent c’est sale. Ils ont raison. Mais le soir je me défoule. Au moins ça ça va. Il fait froid aujourd’hui. Je n’ai pas d’habits chauds. Je remonte le col de mon manteau. Mais ça sert à rien. Encore dix minutes de marche. Encore vingt-neuf ans. Je pourrais tout arrêter. Avant l’échéance. C’est pas les moyens qui manquent. C’est pas dur. Mais y’a encore de bons moments. Le soir. Vivement ce soir. J’arrive au supermarché où je travaille. J’entre. Il fait encore plus froid que dehors. Je vais à l’entrepot. Je crache de la buée blanche. J’enfile ma tenue de travail. Elle sent le poisson. J’ai un haut le cœur. Je commence à travailler.