Surfaces (19)

Le 26/07/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
Les premiers jours en prison d'un condamné à perpétuité, c'est une bonne idée. Bonne ambiance, c'est pas très poussé au niveau psychologique et c'est un peu dommage, mais bonne ambiance.
La sirène sonne ininterrompue pendant trente secondes. Je trouve ça très long. Après ce n’est pas le silence. C’est le bruit de tous les autres types.
Les parois de ma cellule laissent passer tous leurs bruits. Et tous les miens vont vers eux. C’est mon quatrième soir ici. Tant que je les compte ça veut dire que je suis nouveau. Ma vie je vais la passer ici. Pour l’instant penser à ça n’est ni drole ni effrayant. On verra dans quelques mois. Je pisse. Les pissotières sont alignées par dizaines contre un mur. On est deux cent cinquante de tous âges à pisser ensemble à cracher à se brosser les dents à se laver. On se parle pas ou alors le minimum où est la serviette et même ça c’est pas bien vu. On traine des pieds jusqu’au réfectoire. Je m’assieds et je mange. Tout est servi. Ca veut dire qu’il y a des gens encore plus bas que nous. Des larbins qui nous servent nous. Je les ai pas encore vu. Les pauvres types. Pourtant nous on fait les boulots les plus nuls. Moi je suis cobaye pour des médicaments. Là ça va j’ai pas encore commencé. Je parle tout seul faut que je me surveille. Est-ce qu’il me regarde salement non il ne me regarde pas du tout bon tant mieux moi je regarde ma soupe.
Des types traversent le réfectoire. Je m’arrête de bouffer pour les regarder passer je regarde vite fait autour de moi y’en a d’autres qui font pareil ça me rassure. Les types on dirait des fossoyeurs. Ils sont vachement grands et ils ont un bizarre uniforme noir qui leur couvre tout des pieds au cou même les mains sont là-dedans et leur tête est rasée. Ils ont l’air vieux et méchants je sais pas ils me foutent la trouille. Leurs yeux petits et vicieux c’est bizarre. Ils sont quate ah non y’en a un cinquième qui marche derrière il trimballe un grand sac et tous les cinq ils traversent le réfectoire et passent une porte et je les vois plus. Les autres se remettent à bouffer et moi aussi. J’espère qu’ils repasseront.
Je me lève. Les fossoyeurs repassent. Je souris. Merde on m’a vu. Tant pis. Ils trimballent un type allongé sur un brancard. Le type est mort. Il est vieux. Il y a de la mousse qui sort de sa bouche. Ses yeux sont remplis de sang. Il pue le nettoyant pour chiottes. Les fossoyeurs sortent du réfectoire. Voilà. C’est mon premier mort.