n3rDz : introduction

Le 14/08/2005
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par Lapinchien, Nounourz, nihil, Glaüx-le-Chouette
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Rubriques / n3rDz
Voici l'introduction de notre nouvelle saga intergalactique, n3rDz, en exclusivité sur la Zone. Pour l'heure, il ne s'agit que d'une présentation des héros de la série, à savoir quatre bons cyber-addicts de base, plantés en permanence devant leur PC. Un prêcheur nihiliste virtuel, un chef-compta aigri et hypocondriaque, un bisounours névrotique et un frustré qui se la pète.
Présentation des personnages
PREACHER

"J’ai toujours eu conscience de n’être qu’une pauvre merde, mais je viens de me rendre compte à l’instant qu’il ne me restait plus qu’une marche pour atteindre le niveau zéro. Y a tellement de types cool sur le réseau, des mecs qu’ont réussi leur vie, des beaux gosses qui emballent toutes les meufs qu’ils veulent, de grands orateurs en plus, des gars qu’ont arpenté le globe en long, en large et en travers. Rien de tout çà pour moi, j’ai pas tiré les bonnes cartes, ni quoique ce soit d’autre de plus en chair d’ailleurs. Voila que je me réveille encore incommodé par un mal de crâne du feu de dieu. J’ai même pas picolé. Çà aurait été la super classe, si çà avait été le cas, j’aurais eu plein de trucs vrais à raconter sur les chats. Non, j’ai tout simplement encore passé la nuit la tronche enfoncée dans mon clavier. M’effondrer de fatigue, (c’est devenu monnaie courante, mon lit ne me sert plus depuis une éternité), telle est ma façon originale de rejoindre les bras de Morphée tous les soirs.

Çà n’est pas ma plus grande honte. Si seulement çà pouvait l’être ! J’émerge vraiment complètement écoeuré ce matin. Slip à moitié sur les tibias, je tiens ma queue toute enflammée dans la paume de ma main. J’écarte mes doigts tout gluants et je découvre que je me suis encore éjaculé dessus. Va falloir que j’nettoie la moquette. Bordel ! Y’en a partout sous le bureau, même sur la multiprise. J’ai frôlé l’électrocution cette fois. Je fais basculer mon fauteuil à roulettes, mais j’hésite encore : peut-être vaudrait-il mieux me vautrer par terre tout simplement et passer la journée à déprimer dans mon foutre ? La gravité m’appelle… Elle m’invite à laisser tomber. Quel est le con qu’a établi que pour toute action, il y avait une réaction ? J’aurais sûrement dû céder à la proposition de cette salope de force d’attraction universelle, en relevant la tête, je découvre avec effrois, qu’en plein écran, mon navigateur est ouvert sur la photo d’un petit canard en plastique jaune. C’est pitoyable… C’est cette image sur laquelle j’ai lâché la purée ? comment ce machin a-t-il pu susciter la moindre émotion en moi ? Fallait vraiment que je sois crevé, très très crevé… On va mettre çà sur le compte de la fatigue et l’occulter… Faut oublier sinon je vais battre un nouveau record en apnée d’estime, le seul sport que je pratique d’ailleurs."

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BIGCHIEF

"Putain, un matin de plus. A croire que ces connards de matins n’ont que ça à foutre, de venir me faire chier au réveil. Dire qu’il y en a encore qui espèrent des lendemains qui chantent ! Bon. Quel jour sommes-nous ? Lundi. Bordel de merde, je hais les lundis. Je sens que ça va être une semaine de merde. J’ai comme un sixième sens pour détecter les plans foireux, et là le sixième sens a actionné toutes les alarmes. Une intuition me prévient qu’il serait préférable que je me suicide. OK, message reçu. On va commencer par la branlette matinale, j’aurai mieux les idées en place ensuite. Je n'en ai qu'à moitié envie, mais tant pis : ça ne pourra pas me faire de mal . Quelle est la vidéo porno du jour ? Hmm, une double anale. On dirait la foire à la charcuterie, je ne comprends pas comment des types arrivent à se branler la-dessus. C’est pathétique, autant se branler sur un canard en plastique. Je vais reprendre la vidéo de jeudi dernier avec la pipe en gros plan.

Han… hrahh.. humpff… rhaa je viens… je viens.. je rhaaOUIIIiiii !!!

Hum. Bon. J’ai bien éjaculé dans la quadruple épaisseur de mouchoirs, rien n'a débordé, parfait. J'aime quand les choses se déroulent comme prévu. Direction les chiottes, chasse d'eau…Zou, et bon vent. Une bonne chose de faite. Ah, mon café est prêt. Combien de gateaux secs ce matin ? Hmm, six. Y’a du mieux, ils ont du comprendre qu’avec une ration de deux gateaux par matin, il était difficile d’être réellement productif. Il me reste une heure avant de devoir me mettre à éplucher les rapports hebdomadaires de comptabilité, je vais me connecter un peu au réseau Delta en attendant. Je suis channel-op sur le canal #compta, c’est la classe. J’aime cette sensation de puissance, ce pouvoir qui m’est conféré par les mystérieux DeltAdmins. Je suis d’humeur joueuse, je vais kicker du boulet ce matin. Tiens, voyons voir cet ahuri… « Nihil », a-t-on idée de prendre un pseudo aussi ridicule. Allez, kickban parce que j’aime pas ta gueule, et bon vent connard. Putain qu’est-ce que j’aime ça, qu’est-ce que c’est bon !! Si bon !! Si.. raahOUIIiiiiiet meeerde putain. Bon, j’ai encore des vêtements de rechange. Décidément, à chaque fois je me fais avoir. Sinon, elle ne commence pas si mal cette semaine… Foutu sixième sens qui se détraque, ça doit être a cause de la bouffe génétiquement modifiée."

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KIKOOLOL84

"C’est un doux matin de printemps qui m’accueille dans ses bras chaleureux, et je m’étire avec un bonheur non dissimulé, dans mon immense lit recouvert de tous mes amis en peluche. Je me lève sans difficulté et rôde dans mon petit nid d’amour tout chaud, savourant la tiédeur de la moquette, l'air frais du ventilateur. Le monde est merveilleux. J’envoie négligemment la boîte de Lexocalm rouler sous le lit, d’un coup de pied.
Encore en pyjama, je saisis ma peluche préférée et je me love dans mon fauteuil, devant l’ordinateur. L’écran, encore brûlant des joutes verbales endiablées de la veille, m’attire de sa paisible lumière. Il clignote encore de tous les messages d’amour de tous mes amis qui m’ont souhaité une bonne et heureuse nuit. J’aimerais les voir attachés à un poteau et leur foutre des grands coups de hallebarde dans le bide.
Je lis les messages qui m’emplissent de joie. Leur convivialité, leur douceur m’enivre, et je file à la salle de bains me coller deux doigts dans la gorge pour dégueuler ma boyasse puante, puis je tape dessus et m’en fous partout.
Sur notre petit server de chat convivial, les gens sont disponibles, toujours à l’écoute, ils sont là pour moi, et me dispensent toute leur amitié sans rien attendre en retour. Ces gens, dont je ne connais pas même le visage sont mes frères et mes soeurs, ma vraie famille. Ils rient avec moi, me consolent lorsque je suis triste et que j’essaie de m’arracher les yeux de l’intérieur. Nous parlons des heures et des heures de toutes les composantes merveilleuses de notre vie sublime. C’est une marée de chaleur humaine, de fraîcheur et d’humour léger, c’est l’Amour avec un grand A, je briserai tous ces putains de hippies merdiques. J’ai envie de crever.
Je suis si heureux : hier Titounette21 m’a avoué qu’elle avait des sentiments pour moi. C’est ce que j’espérais depuis tant de temps. Une vague d’euphorie a parcouru mon échine, et je me suis follement touché la zigounette en relisant encore et encore sa déclaration, et en imaginant la poire pourrie de cette salope écrasée sous ma botte. J’ai hurlé comme un loup et fait des bisoux à mon écran, puis je me suis jeté dix-sept fois contre le mur et j’ai bouffé les bras et la tête de Dolly, la poupée qui dit « Oui ». Cette grosse pute à la con.
Jusqu’à ce que mon ami Loverboy635 m’avoue que Titounette21 est en fait un bot. Je ne me souviens plus la suite, mais j’ai des putains de cernes ce matin, ainsi que des marques de doigts violettes autour de ma gorge. C’est vraiment trop génial, nous sommes tous entourés d’une aura magique d’amour et de bonheur au sein de tous les champs de fleurs que sont nos vies. Argh."

***

AKAIÔ

"Mal de crâne. Saleté. Les yeux qui tirent vers l’extérieur, du mal à fermer les paupières, du mal aussi à regarder la lumière. La petite lumière crasseuse, comme un trou du cul de mineure malpropre, qui fuit à travers les volets métalliques. Que j’ai oublié d’ouvrir, hier, tiens. Encore passé une journée de merde, donc. Vie de glaviot.

Je déteste me réveiller. M’endormir, aussi. Je déteste perdre ce temps, et surtout, le contact avec ma vie. Déconnecter. Mais ce matin - matin... il est 16 heures passées... - c’est pire que jamais. Comme tous les matins. Une espèce de tension, entre l’excitation et le désir que causent, dans mes tripes, mon écran encore froid et éteint, et le dégoût que je m’inspire, moi, la larve, l’addict.

Tu sais ce que je vais faire ? Mais merde. A qui je parle. Je recommence à parler tout seul. Bref. Je vais retarder. Comme quand j’étais gosse et que je me retenais de chier le plus longtemps possible. Le vieux truc freudien. Oh. Allez. Comme aujourd’hui encore. D’ailleurs j’ai oublié mon enfance. Aucun souvenir. Pour me faire patienter, je passe à la salle de bains. Belle gueule, le play boy, le héros, tiens. Des muscles en yaourt. Des mois que je n’ai rien fait, à part être assis. Oh. Des années, même. Je crois. Teint de cire et de cendre, dents jaunâtres. Pourtant, j’ai une brosse ; mais à cinq mètres de l’ordinateur. Au bas mot. Yeux chassieux. Pleins d’assez de matière pour m’entourer l’index d’un spaghetti de crème verdâtre. Un coup de flotte sur le visage, et à l’ordi.

Putain, à chaque fois, c’est pareil. Je m’assieds, et j’ai la gaule. L’ordi charge : qu’est-ce qu’il va m’afficher, comme salope, en desktop, aujourd’hui ? Je me prends la bite et j’attends, avec des tremblements de la poitrine. J’ai modifié l’autoexe moi-même, pour ralentir ma machine au démarrage, chaque matin. Pour prolonger le plaisir. Et quand je suis prêt à jouir... La pute du jour apparaît.

Blarf blarf blarf blarf blarf. Prends ça dans ta bouche, pétasse, tiens.

Bon. Je fais ce qu’il faut faire, et ça y est, je suis prêt. Jean Delesquif, la merde réelle, le nerd, le glauque, s’endort dans la giclée d’hormones qui lui parcourt les artères, s’enfonce dans l’inconscience.
Et à mesure que j’ouvre les fenêtres de mes six forums et de mes quatre messageries, l’autre renaît : Akaiô, le fort, le noble, l’homme aux mots qui claquent. Une réputation de tueur, d’avocat du diable imbattable dans les débats, de séducteur implacable, de salaud idolâtré. Le cador. Je pars dans mes trips. Jeux de rôle : administration et modération. Forums littéraires et philosophiques : maître et mentor, boule dense de mépris. Messageries : trou noir de fascination brute, centre de gravité abhorré et adulé à la fois, machine à détruire les faibles et les sensibles. Je me reprends la queue. Tous ces messages. Tous ces zéros qui se sont encore inquiétés de mon absence. La semaine dernière, une pisseuse de quatorze ans s’est tuée pendant mon sommeil : j’étais déconnecté, elle s’est suicidée. J’en ai tellement crié de jouissance, au réveil, que ça m’a fait vomir contre le verre de l’écran.

Utilité sociale ?
Zéro.
Je suis Akaiô, et je les encule tous."