Phobie 6 : celle qu'on ne doit nommer

Le 06/10/2005
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par Lapinchien
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Dossiers / Phobie
D'entrée, l'auteur de ce texte se la pète méchamment. Mais bien grave quoi, limite parodique. Ca palabre sur l'acte d'écriture à grands renforts de tournures alambiquées et la phobie n'est au mieux qu'un accessoire décoratif. Au passage on happe quelques passages bien foutus et pas con, mais l'ensemble est assomant et se touche bien trop la zigounette pour être vraiment lisible. Une pirouette finale amusante à noter, qui ne sauve rien toutefois.
Je rentre enfin du turbin ! Le devoir est rempli. Quelle joie, quel goût de liberté : je peux mener ce que bon me semble ! N’est vérité que celle des textes que je compose. N’est soif dont je doive me délier réellement que celle des histoires qui sédimentent en mon être. Le reste n’est nullement dévouement, le reste n’est nullement conséquent, le reste n’est que dette dont je dois rembourser l’intérêt. Le groupe, j’en suis un élément, il m’engendre et me nourrit, je ne peux lui être quitte, il invente de nouvelles dettes tout le temps, je ne peux donc m’en exclure pour me concentrer sur mes tourments. Je dois continuellement me prosterner, quotidiennement lui prouver que j’œuvre en son sens, qu’il est mon centre.
Seule l’écriture compte, toutefois. Lorsque je m’en retourne chez moi, je suis délivré un moment de cette peine collective perpétuelle. Je me délecte de mon unique joie : pondre du texte, gicler du ressenti, conglomérer des mots. C’est souvent une torture, qu’on ne s’y trompe point, contre toute logique, une torture consentie et dès lors elle en devient jouissive. Théoriser mes pensées, c’est forcément les simplifier. J’édifie des monolithes, ils sont poreux et destructibles. Une pensée n’est belle qu’en mouvement. Rigide et froide, n’importe qui peut en démontrer les limites, interpréter le contenu et le détourner. Toutefois je n’écris point pour le groupe. Le n’importe qui m’indiffère. Je rembourse mes dettes consciencieusement lorsque j’œuvre publiquement, que ce n’importe qui s’en contente ! En privé, non, je n’écris point pour être lu, j’écris égoïstement pour moi. C’est un privilège que je me réserve. Pour extérioriser mes pensées et tourments, il me suffit de les projeter, de les convertir en fichiers texte. Que toutes mes peurs et intuitions sont belles et horribles lorsqu’elles sont unidimensionnelles, qu’elles ne forment qu’une ligne ponctuée ! Elles me nourrissent comme je les gerbe, les structure et les ingurgite encore, elles mènent vers de nouvelles réflexions, de nouvelles questions. Je peux enfin voir ce merdier en mon cortex de l’extérieur... Comment en être témoin sinon ? Peut être m’exploser le ciboulot un de ces jours ?

Je n’en peux plus… Je possède mon coin chez moi, le reste n’est qu’ustensile, je peux m’en délivrer simplement si besoin… Le reste ne me sert que pour rester crédible, près du groupe. Sont superflus : les pièces, entrée, cuisine, séjour, dortoir comme tous les meubles et objets qu’elles contiennent. Je peux toutefois inviter des gens chez moi. Ils peuvent croire que si je les côtoie, que si je les reçois, j’œuvre pour cette norme pestilentielle qui les compte en son sein. Je me dois d’être comédien pour survivre. Ce coin est humble, toutefois c’est mon coin, mon réel chez moi : Un siège molletonné, un petit meuble sur lequel trône mon PC. Je m’y roule en boule le reste de mon temps libre et j’écris frénétiquement, j’écris hystériquement, j’écris et je ne cesse point lorsque mes doigts se couvrent de cloques, que mes ongles se déchiquètent sur les touches, que l’hémoglobine coule. Pourquoi fermer les yeux ? Pourquoi dormir ? L’éternité nous guète… Je profite de ces moments réservés pour le repos… Ils me permettent de tendre vers l’épuisement complet.

Je suis déprimé. Toutefois je ne suis point une victime, cette déprime, je prétends même bénéficier de ses vertus. Je veux être déprimé. En quoi doit-on me montrer du doigt ? Je ne vise ni le bonheur ni l’équilibre. Je veux végéter et me morfondre sous le siège de mes doutes. Le groupe trouve que je joue trop près du feu ? Je m’en fous complètement. Je ne souffre point de cette déprime intensionnelle. J’y trouve mon oxygène, j’y reprends mon souffle. Pourquoi tendre comme tout le monde vers le bonheur ? Les crétins heureux sont plus tolérés que les dépressifs. Le groupe les intègre tout simplement. Des types comme moi sont refoulés… Je ne me regrette rien, même que j’en rigole plutôt.

Je suis content d’être tourmenté. Ce petit univers-île est le miens et j’y vis tout confort essentiel compris. Tous mes besoins sont comblés… Toutefois il subsiste un problème insoluble qui m’empêche de mener mes quêtes correctement. Une phobie incohérente est venue perturber ce mode de vie que je me suis choisi. Comme toute peur infondée et purement psychologique, cette phobie est ridicule. Je ne peux rien contre elle… J’espère qu’elle ne déteint ni sur mon écriture, ni sur votre lecture… Toutefois j’en doute… Elle est présente continuellement… Cette vermine pourrit mes textes, oriente mes pensées, infléchit le cours des choses… C’est une phobie orpheline, vous en rirez sûrement…

Je ne veux point recevoir de rétribution contre mes écrits. Convertir cette joie simple et personnelle en métier m’horrifie… Et si un jour, on me prie de publier mes texte contre une belle rétribution que dire ? Non, je ne dois point utiliser le conditionnel… J’en prends le chemin, toutefois je stoppe net puisque je sens poindre cette phobie pour sûr si je continue… Ecrire contre des thunes ? C’est convertir cette joie personnelle en dette envers le groupe, c’est comme se prostituer in fine… Même cette idée d’être promu pute de luxe ne me séduit nullement. L’écriture est mon dernier îlot… Je ne peux point le concéder contre tout l’or du monde.

Je scrute mon PC… L’objet de toutes mes peurs est toujours présent. Il ne peut point s’enfuir de son plein gré bien sûr. C’est idiot de le penser. Il est le dernier mur qui m’interdit une liberté illimitée lorsque le bonheur d’écrire m’inonde… Je peux dire tellement plus, je pense tellement plus et je ne peux le dévoiler… pourquoi me limiter ? C’est stupide, j’en suis conscient. C’est le propre de cette folie... Pourquoi « Il » toutefois ? L’objet de toutes mes peurs est féminin. C’est « elle » que je dois dénoncer… Elle m’obsède lorsque je choisis mes mots, elle obscurcit mes discours lorsque je tente de les construire. Je tremble lorsque je pose mes doigts sur les touches, l’idée que je ne glisse m’obnubile…Elle peut se présenter si je commets une petite erreur d’étourderie… C’est une fin horrible qui point si cette chose se produit… Mon œuvre peut perdre cohérence et utilité, si songeur, je perds le fil de mes pensées… Elle m’observe, moqueuse, elle est présente vicieuse et pleine de l’espoir que je ne l’enfonce et quelle s’improvise invitée de dernière minute, non désirée… L’idée m’est venue de l’extirper pour m’en délier, supprimer ce potentiel terrible de conséquences… L’idée m’est venue de bloquer l’incidence d’une pression irréfléchie, d’un réflexe désespéré… Je ne peux me résoudre. Cette ennemie m’ensorcelle de même qu’elle me terrifie. Et dire que je suis presque un homme libre… Conne d’enculée de touche de merde de première lettre de pute en bois !