Phobie 7 : flash-back

Le 07/10/2005
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par Doc Jabuse
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Dossiers / Phobie
La peur des serpents, expliquée par un traumatisme d'enfance assez pourri. Ennuyeux, pas très original, pas du tout intense et très pauvre psychologiquement.
Je me souviens. J’étais toute petite, alors. Dans la chaleur des étés Méditerranéens, l’arrosage, qui se faisait alors en laissant courir l’eau sur la terre craquelée par la chaleur du jour, c’était l’événement. Chacun avait sa plage horaire. Chacun son tour avait le droit de barrer le canal, avec une vanne que l’on glissait entre deux rails métalliques. J’aimais voir l’eau envahir le bassin de l’ancien lavoir en tourbillonnant. Puis, elle se répandait dans le jardin, le long des vieilles rigoles de briques, vieilles
de plus de 150 ans, mais entretenues méticuleusement. Puis l’eau disparaissait les long des arbres, des fusains, des rosiers…. Une magie qui me ravissait.
Ce que j’aimais par dessus tout, c’était m’asseoir sur la large pierre du lavoir, les jambes dans l’eau jusqu’au genoux, et sentir la fraîcheur m’envahir….

Ce soir là, je devais avoir 5 ans, et comme à mon habitude, je rêvassais, les pieds dans l’eau fraîche, me laissant envahir par l’odeur des Belles de Nuit, toutes proches, qui commençaient à s’ouvrir. Soudain, un étrange frôlement le long de mes mollets. Je baissai les yeux, et poussai un hurlement de terreur. Une immense couleuvre -elle faisait presque un mètre de long- s’était laissée piéger dans le lavoir. Bondissant de ma pierre, je partis, toujours en hurlant, nu pieds sur les graviers de l’allée, en direction de la maison. Avant que j’aie eu le temps d’y parvenir, Papa était à mes côtés. En bredouillant, je finis par lui raconter la couleuvre, pendant que Maman essayait de me calmer. Il saisit une pelle bêche, et partit régler le compte de la couleuvre. Bien qu’ils m’aient expliqué que les couleuvres n’étaient pas dangereuses et qu’elle se nourrissaient de petits rongeurs néfastes dans les jardins, j’ai toujours gardé une sainte terreur de ces bestioles. Plus tard, lorsque j’allais me promener en vélo dans les vignes et que j’apercevais une mue sur le chemin, je faisais un grand détour pour ne pas rouler dessus, et quand je voyais un serpent traverser la route, je m’enfuyais, et pédalais à toutes jambes, en regardant derrière moi, de peur de le voir dressé sur le porte bagage, prêt à me mordre.

Aujourd’hui, j’ai 17 ans. Depuis 5 ans déjà, Papa a été muté en Afrique. A Brazzaville, exactement. Il est ingénieur en recherche pétrolière. Nous habitons une grande et belle maison en périphérie de la ville.

Je ne perds pas une occasion, lorsque c’est possible, de l’accompagner lorsqu’il part en forêt. Tous ces bruissements étranges me faisaient peur au début. Mais Papa m’a expliqué, puis il a fini par se moquer de moi. Et un jour, il m’a dit que si je continuais, il ne m’amènerait plus avec lui. Que je n’étais plus une petite fille. Et c’est vrai que maintenant, je n’ai plus peur. J’aime tellement aller en forêt avec Papa.

Mais là, je n’ai pas pu l’accompagner. Le bac de Français est dans quelques semaines, et je dois réviser. J’ai super bien travaillé aujourd’hui, alors Maman m’a autorisée à aller faire un tour de vélo le long du fleuve. C’est un endroit tranquille et sans danger. La promenade préférée des « Blancs » de la ville, en fait, le dimanche. Une longue allée de sable, ombragée par les flamboyants et les fromagers. Tout du long, le fleuve. Immense. On a peine à croire qu’il y a une rive opposée. En cette saison, il ne charrie
pas de gros troncs, comme au plus fort de la saison des pluies. Les pneus de ma bicyclette font un froissement soyeux sur le sable. Il me semble que tout l’univers m’appartient. A moi seule.

Un énorme poids sur mes épaules. Je tombe. J’essaie de me relever, mais en vain. Une étreinte. Devant mon visage, je reconnais sa tête. J’ai peur. Mais, non…. Je n’ai pas peur. Papa me dirait que je suis ridicule. Il commence à me serrer fort. Tu vois, Papa, comme il m’aime…. Il me serre fort, comme toi dans tes bras quand j’ai du chagrin. La roue avant du vélo, qui continue à tourner près de moi fait un cliquetis qui me semble venir de loin. Je ne peux plus respirer. Des petits craquements dans ma poitrine.
J’ai mal, mais je n’ai pas peur, Papa. Tu peux être fier de moi, Papa. Un rideau rouge envahit mes yeux. Les craquements sont plus forts. Papa !!!!! Je n’ai pas peur. Pas peur. Pas……

Le python, ne sentant plus sa proie bouger, commença à l’entraîner dans le sous bois tout proche. Le cliquetis de la roue cessa.