Surfaces deuxième partie (1/2)

Le 07/11/2005
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par Konsstrukt
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Rubriques / Surfaces
Cette deuxième partie de la grande rubrique Surfaces ressemble à un grand fracas désespéré, affligeant et insupportable. L'incohérence de la pensée fait du texte une expérience assez pénible, un manège écoeurant de platitude et d'auto-dépréciation. Et quand on croit que ça ne nous mène nulle part on s'enfonce encore un peu plus dans la souffrance. Pénible et assez vain, mais intéressant.
JOUR
Je me lève pour aller travailler même si je n'en ai pas envie. Je suis encore un peu embrumé encore mal réveillé. Je repense sans joie particulière aux loisirs de la veille.
Je pense aussi aux autres aux autres gens. Nous sommes deux cent cinquante millions dans cette ville à faire la même chose presque aux même horaires et à écouter cette putain de radio qui émet en permanance. Ils font quoi eux tous ces gens comme moi ? Est-ce qu'ils pensent à ces conneries comme moi ou quoi ? Non je parie que non. Eux ils comptent et moi aussi d'ailleurs je devrais compter.
Compter lister c'est facile si facile les jours de vacances les jours qui restent jusqu'à la mort les heures de travail les salaires tout tout peut être listé.
On prends.
On classe
On compte.
On regarde.
Et après on a envie d'autre chose et à la fin on meurt.
NUIT
Jai eu trente-deux ans à un moment. Et puis un jour de plus et un autre. Et un autre. Maintenant je me laisse pousser la barbe et je possède une voiture. C'est à ça que je pense le soir le soir le n'accumule plus je soustrait. C'est assez logique en y réfléchissant je soustrait toutes ces listes tous ces actes tous ces remords j'enlève une couleur après l'autre jusqu'à obtenir enfin le noir et là je dors.
Je m'approche du lit de la fin de la mort.
Oui mais est-ce qu'on meurt vraiment ? J'en sais rien moi bon des gens se tuens des gens sont morts parce que je les ai tués aussi mais je veux dire la mort la vraie mort la mort normale ?
Quand on arrive à cinquante ans est-ce qu'on meurt vraiment ou bien est-ce qu'il se passe quelque chose ? Ils font quoi les gardiens ?
JOUR
Mon appartement est trop petit. Je ne peux pas en posséder un autre. Il faudrait que je change de travail mais je ne veux pas faire autre chose. Au moins je n'ai pas à quitter cette appartement pour aller travailler.
Je n'ai ni servante ni esclave. Je n'ai même pas pu acheter d'enfant pourtant ils ne sont pas cher.
Je pourrai produire plus de dessins mais la demande est limitée et on est nombreux.
Je suis penché sur ma table à dessin ma main court tout seul sur le papier mon dos est tendu j'agite mécaniquement les orteils. Je sais qu'en cet instant je suis bien sans besoin de rien d'autre. Ca ne va pas durer alors le savoure. Le plaisir de sentir son corps tout entier donné à l'effort de la main et de l'esprit.
Je dois finir ce storyboard pour la fin du mois. Je dois me dépêcher. C'est pour un film de sexe. J'aimerai bien en tourner un mais pas jouer dedans ça non.
Mon poignet commence à devenir plus raide et mon dos se couvre de courabatures. Il est temps de faire une pause. Je secoue la tête je me dis que c'est comme si je voulais faire partir le travail et c'est vrai que je ne me sens bien en pause que quand j'ai secoué la tête.
Je me demande si j'ai vraiment envie de fumer ou si je fume par habitude.
Il faut que je fasse un effort conscient pour ne pas penser au travail, un effort aussi conscient que l'effort que je fais pour penser au travail lorsque justement je travaille. Ca veut dire que je suis tout le temps dans l'effort, jamais dans la spontanéité.
Le calcul. Rajouter des trucs soustraire des trucs. On en sort pas.
Finalement je vais fumer même si j'ai pas envie. Une pause sans cigarette ça n'existe pas. Je vais fumer à la fenêtre et regarder ma fumée se désagréger dans le vent. Je m'en réjouis à l'avance.
NUIT
Je bois du whisky de qualité médiocre en regardant mon reflet dans la fenêtre. Je n'ai pas l'air heureux mais je m'en fous je serai bientôt bourré et bientôt je n'aurais plus aucun remords.
Pas de remords de ne pas être heureux
Pas de remords de ne pas sortir.
Pas de remords de ne pas avoir envie de sexe de violence ou de me répandre en confessions à la radio.
Là pour l'instant des remords j'en ai j'en ai pour tout ça mais hein rien à foutre puisque dans dix minutes envolés.
La nuit n'est pas belle dehors ma gueule non plus pas trop. Est-ce que je ferai quelque chose de plus j'avais un esclave est-ce que je le torturerai ? Bof même pas non j'ai juste envie de boire et de regarder mon reflet et de me rendre compte que mon regard est de moins en moins précis et mes paupières de plus en plus lourdes.
Mes doigts se déserrent le verre m'échappe. Il ne casse pas. Il est temps d'aller se coucher.
En me déshabillant je bande. Trop tard.
NUIT
Je l'encule en pensant à autre chose. En fait je me demande si c'est un type ou une nana et je me rends compte que je n'ai aucune envie de le savoir et que ça pourrait bien être un pot d'échappement que je m'en foutrais autant. Je ne comprends même pas comment je peux bander j'imagine qu'il y a un produit dans la nourriture et la boisson pour nous rendre tout le temps en état de bander.
En tout cas je bande je ne sais même si il/elle apprécie j'entends rien la radio fait trop de bruit les dialogues stupides les confessions idiotes. Allez du nerfs. Je plaque les mains sur les épaules et j'y vais plus fort. Ah ce sont des épaules de filles. Elles sont belles les lumières. C'est un grande maison. A la radio quelqu'un parle de meurtre.
Putain concentre-toi. Revient au réel connard au réel. Je pense à un poisson. Va savoir pourquoi. Je ferme les paupières et je pense à un gros poisson qui se débat tout visqueux et froid contre mon corps. Il faut ouvrir les yeux. Bien grands. Et jouir. Je suis là pour ça j'ai payé très cher et plein de gens sont là pour jouir aussi. Je n'ai même pas envie de tuer la fille pourtant maintenant je me rends bien compte aux mouvements de son corps qu'elle a envie qu'elle veut ça. Elle n'a pas de chance. Je suis probablement le seul être humain inoffensif de la soirée.

JOUR
Le crayon va vite je travaille bien.
JOUR
J'ouvre les yeux. Encore une journée. Je ne suis pas étonné. C'est comme ça depuis le début. Pas de raison que ça change.

NUIT
Je m'endors en picolant. Je deviens très bon quand il s'agit d'utiliser mes dernières forces à empêcher la bouteille de tomber sur le lit en se vidant du peu de liquide qu'elle contient encore. C'est mon dernier geste de poser la bouteille. Je l'amorce encore un peu conscient et je l'achève totalement endormi.

JOUR
J'aime ce storyboard. J'aime dessiner.

NUIT
Je le sais maintenant. Je préfère l'alcool au sexe. Plus rien ne m'oblige à sortir ni le travail ni le loisir. C'est bien. Peut-être que je pourrais saboter la radio et essayer le silence ?
JOUR / NUIT
D'une main je dessine de l'autre je bois. C'est comme ça depuis ce matin je ne sais pas quelle heure il est maintenant. J'aimerai bien faire ça toute la nuit.
Un violent coup à la porte me fait sursauter. Un deuxième coup encore plus fort fait s'abattre la porte. Je fais tomber la bouteille par terre trois type déboulent en hurlant je les charge. Je donne des coups de poings deux types me maîtrisent en rigolant. Je saigne de la bouche et du nez. J'ai peur et j'ai mal. Le troisième type me brise la tibia d'un coup de barre de fer bien appuyé. Je pousse un hurlement interrompu par un coup de boule qui me brise le nez et la voix. J'ai des larmes dans les yeux et du sang plein la bouche et la gorge. Ils me lanchent ma jambe plie je tombe j'ai l'impression que la douleur ne cessera jamais qu'il ne peut pas y avoir de pire douleur.
Pour la deuxième impression j'ai tort.
Pendant que les deux me foutent des coups de pied et des coups de barre de fer le troisième met tout à sac pour chercher mon fric.
Il trouve les dessins. Il les montre en rigolant aux autres. Alors ils y pensent comme ça et ils le font. Il me détruisent les mains à coups de barre de fer. Au premier coup ça fait comme un frisson qui chasse tout toute douleur toute pensée toute sensation et tout revient d'un coup comme une marée haute et les coups continuent ça projette des gouttes de sang mes doigts sont écrabouillés je vois les os en miette qui sortent de partout j'ai la bouche ouverte rien qui sort que du sang et puis un coup de barre de fer dans la tête je suis mort ?
JOUR / NUIT
Hôpital.
J'entends encore leurs rires.
Je suis défoncé à la drogue.
Des gens me font bouffer boire pisser.
Souvent je suis dans les vapes.
J'ai plus de voiture ni d'appart. Faut payer les frais médicaux. J'ai plus de travail.
J'ai plus de main. C'est terminé les mains. C'est fini. J'en ai plus.