L'amer constat et la résignation d'Héraklès Navet à son destin sordide

Le 17/11/2005
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par Nounourz
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Dossiers / Herakles Navet
Au niveau participation, le dossier Herakles Navet est clairement un succès, au niveau qualité, ça reste à démontrer. Si cet épisode est impeccablement écrit, il est surtout totalement non-humoristique, pas une seule vanne à se mettre sous la dent, et ça, ça fait mal au cul.
« - Une dernière chose… puis-je connaître votre nom, inspecteur ?
- Navet. Héraklès Navet.
- Je vous remercie. »
Je quittai la cellule puante dans laquelle j’avais fait incarcérer, au terme d’une longue enquête, cet individu coupable de sept meurtres avec préméditation. Le gardien referma la porte derrière moi, et je partis pour le commissariat où je devais me rendre afin d'assumer les formalités d’usage. Inspecteur de police, un métier qui comporte comme tant d’autres son lot de paperasses à remplir. Je m’acquittai rapidement de ma tâche, et quittai mon bureau pour me rendre en hâte à mon appartement. Une heure d’embouteillages dans la capitale, une foule énervée, agacée par tous les tracas du quotidien. Un quart d’heure de plus avant de trouver une place pour stationner la voiture. Et puis, la délivrance, enfin.

Je me servis un cognac, allumai la radio, et m’affalai dans le canapé. Fatigué. Las de courir après la lie de l’humanité, de traquer jour après jour des détraqués. Et surtout, de savoir que tout cela était inutile, que ceux attrapés ne représentaient qu’une infime partie de la masse des dégénérés meurtriers, violents qui profitaient des travers de notre société moderne pour assouvir librement leurs instincts bestiaux. J’avais envie de tout plaquer, d’arrêter de me confronter sans cesse à ce que le genre humain possède de pire. Mais que pouvais-je faire d’autre ? J’étais un bon flic. Je n’avais rien d’autre.

Comme les autres soirs, je n’eus aucun appétit. J’avalai un somnifère et m’allongeai sur mon lit, encore habillé. Des crimes sanglants, des viols, des actes de tortures ; des esprits malades à pister, débusquer, enfermer. Les enfants perdus d’un pays perdu. Ma vie. Je fermai les yeux, tentai de faire le silence dans mes pensées. Par la fenêtre, la rue charriait son cortège de bruits, ses battements désordonnés, ses cris. La vie urbaine me parvenait par saccades, comme des rafales sonores déferlant dans la pièce à intervalles irréguliers. Il m’était impossible de quitter cet univers, celui de la folie ambiante qui transforme le désespoir des hommes en pulsions agressives. Impossible de changer de vie, je ne le savais que trop bien. Je fis cet amer constat, comme chaque soir, et comme chaque soir la résignation finit par l’emporter.

Je m’endormis sans avoir quitté mes vêtements. Malgré sa longueur, le sommeil fut peu réparateur, et j’émergeai non sans difficulté le lendemain matin, avant le lever du soleil. Douche, café, informations télévisées. Ensuite, je sortis dans la rue encore silencieuse, montai dans ma voiture et me rendis au commissariat. Mon boulot est toujours le même, une nouvelle affaire ne tarderait pas à montrer le bout de son nez. Toujours plus sordide, toujours plus inhumaine. Assis devant mon bureau, je soupirai longuement, puis commençai à éplucher les différents dossiers qui traînaient devant moi. Une journée de merde s’annonçait, qui ne serait certainement pas la dernière.