Al shahid

Le 12/12/2005
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par Lapinchien
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Thèmes / Obscur / Nouvelles noires
Il fallait bien que les attentats islamistes finissent par servir de support à un texte. Lapinchien s'y colle avec une rare finesse, se plaçant dans la peau d'un kamikaze moins fanatique que ce qu'on pourrait croire. Evident prétexte pour quelques digressions sociales et religieuses, sans excès de jugements de valeurs lourdauds. C'est avant tout un putain de bon texte effrayant et jouissif. L'ambiance est mystique et prenante, l'intrigue bien gaulée. A lire.
« Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Louange à Allah, Seigneur de l'univers.
Le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux,
Maître du Jour de la rétribution.
C'est Toi Seul que nous adorons, et c'est Toi Seul dont nous implorons secours.
Guide-nous dans le droit chemin,
le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés. »
Khalid récite continuellement Al-Fatiha, les sept premiers versets de la première sourate du Coran. Pour lui, ils symbolisent le renouveau. Le jeune homme a besoin des paroles de Mohamad, elles seules renferment la vérité. Elles seules le réconfortent. « Ça n’est pas ma supplique, Allah, c’est celle de millions de frères de part le monde, de part les âges… », Khalid doute de la mission que lui ont confié de prétendus chefs, eux même l’ayant reçu de prétendus hommes saints, car il en est à peu près sûr maintenant, s’il est convoqué ce matin, c’est que sonne l’heure du sacrifice. Il aurait aimé que la peur ne l’habite pas, mais ces jambes flagellent malgré toute la conviction qui guide chacun de ses gestes. Pas à pas, au fur et à mesure qu’il arpente les couloirs glauques et humides de ces caves de HLM qu’il ne connaît que trop bien, il s’approche du lieu où le rendez-vous à été convenu, il approche de son ordre de mission, de son funeste destin.

Un toxico est sur sa route, affalé de tout son long sur le sol froid et poisseux. Khalid ne souhaite même pas regarder son visage, il a peur de reconnaître un de ses anciens amis. « Trop nombreux sont ceux qui sont morts par overdose dans ces lieux maudits, trop nombreux sont ceux dont on a découvert le corps dévoré par les cafards plusieurs jours après qu’ils se soient injectés le poison mortel, plusieurs jours pendant lesquels, personne ne s’est plaint de leur absence, ni de l’odeur pestilentielle envahissant le rez-de-chaussée… Il y a quelque chose de pourri au royaume de Babylone. Toxico, un jour ton amertume ne pourra pas t’empêcher de t’injecter quelques grammes de trop, des enfants en jouant découvriront ton corps putréfiant allègrement dans les bas fonds et les officiels ne trouveront rien de mieux à faire après avoir débarrassé ta dépouille, que de murer l’accès aux sous-sols… C’est leur méthode… Le colmatage…» Khalid enjambe le camé qui ne semble même pas avoir remarqué sa présence et se dirige au bout d’un couloir mal éclairé, recouvert de tags et de pisse. « Une porte blindée imposante donnant sur un ancien débarras, c’est là… » Il frappe trois coups secs… pas un bruit et comme convenu il entame à haute voix la quatre-vingt-dix-septième sourate :

« Nous l'avons certes, fait descendre pendant la nuit d'Al-Qadr. » Il répète sa phrase plusieurs fois comme seul l’écho lui répond.

« Et qui te dira ce qu'est la nuit d'Al-Qadr ? », Finit par relancer un souffle rauque derrière la porte.

« La nuit d'Al-Qadr est meilleure que mille mois. Durant celle-ci descendent les Anges ainsi que l’Esprit, par permission de leur Seigneur pour tout ordre. Elle est paix et salut jusqu'à l'apparition de l'aube. », répond Khalid pour conclure le code de reconnaissance. La porte s’ouvre alors dans un long grincement et dévoile un homme rachitique, torse nu. De grosses goûtes perlent sur son front livide et finissent par plonger dans sa barbe foisonnante. Il tourne le dos au jeune homme, lui faisant signe d’entrer de la main, et se dirige péniblement jusqu’à un matelas troué posé à même le sol sur lequel il s’affale brusquement.

« Les pires bêtes, auprès d'Allah, sont ceux qui ont été infidèles et qui ne croient donc point,
ceux-là mêmes avec lesquels tu as fait un pacte et qui chaque fois le rompent, sans aucune crainte. Donc, si tu les maîtrises à la guerre, inflige-leur un châtiment exemplaire de telle sorte que ceux qui sont derrière eux soient effarouchés. Afin qu'ils se souviennent… », L’homme tousse ces paroles habilement empruntées au Coran, et se tourne alors vers son convive emplit d’un tremblement qu’il n’arrive pas à contenir.

Khalid sans sourciller complète les versets détournés par le vieillard malade : « Et si jamais tu crains vraiment une trahison de la part d'un peuple, dénonce le alors d'une façon franche et loyale car Allah n'aime pas les traîtres. »

Revigoré par une rage violente, l’inconnu se relève soudain et empoigne Khalid par le cou : « Qui t’a envoyé ? Tu n’es pas fait pour cette mission ! Tu dois écouter les aïeux, tu dois respecter les paroles des sages, pas les remettre en cause, pas les réprouver par l’effronterie… », Puis lui envoyant une grande claque sur la joue : « Je n’ai plus confiance en toi… Va-t-en, traître ! »

Khalid baisse les yeux. Il n’a pas fait tout ce chemin pour faillir aussi près de sa destinée. Il ne sera pas celui qui stoppera une révolution en marche, il ne sera pas celui qui remet sa parole en cause alors que sonne l’heure des responsabilités… Il s’en retourne aider le vieil homme qui s’époumone dans une longue toux caverneuse. Il décide de regagner sa confiance en exprimant son engagement, et lui tendant un verre d’eau :

« Je fais mes classes dans la rue, cité du Luth à Gennevilliers… Enfance chaotique, petits délits, délinquance, échec scolaire mais à la puberté mon père décide qu’il faut que çà change et m’inscrit à des cours de religion. », Khalid regagne l’attention du vieil homme, « Je suis de suite fasciné par la mosquée, une vie structurée, sur le chemin d’Allah, et je m’investis beaucoup pour ne pas gâcher cette seconde et dernière chance sûrement, que le Tout Puissant m’accorde dans sa grande mansuétude. », Ne pas montrer que le doute l’habite, sa crédibilité est en jeu, son honneur aussi, « L’imam de mon quartier remarquant à quel point je suis studieux et appliqué dans mon apprentissage de l’Islam, me conseille fortement de poursuivre mes classes à l’université théologique de la ville sainte de Qom en Iran, sa ville d’origine. », Le vieillard apparemment un étranger de confession chiite n’est pas insensible à l’argument, « L’imam me recommande donc auprès d’un de ses amis, professeur dans la dite université. Mes parents sont honorés par cette opportunité et se sacrifient financièrement pour que je puisse partir à l’étranger. Bénis soient-ils ! Par conviction je me mêle alors à des élèves activistes qui m’orientent vers une école plus stricte à l’Est dans les montagnes, une madrasa située à la frontière avec l’Afghanistan. », le vieillard n’est pas en forme, il a du tenir la planque bien trop longtemps, l’endroit est trop humide, trop froid et il se meurt, les propos de Khalid semblent lui redonner des forces, « La discipline et la rigueur, c’est vraiment ce qu’il me fallait. L’Islam donne un sens à ma vie. Alors que je suis de retour, pendant les vacances scolaires, j’assiste en direct à la télévision à la victoire du 11 Septembre. De suite je comprends que cette bataille marque le début d’une guerre ouverte contre l’occident, que rien ne sera plus comme avant et en m’empressant de regagner le moyen orient, je suis de suite volontaire au sein du groupe d’activistes pour rejoindre un camp d’entraînement près de Zaranj. Le 7 Octobre 2001, je fais mes premières armes auprès des Talibans. C’est un honneur… S’en suit une courte période d’errements. La foi dicte le moindre de mes mouvements, elle me sauve à plusieurs reprises d’une mort certaine. Peu après, je suis présent lors du siège de Qali Jangi, la garnison près de Mazar-e Sharif. J’assiste aux assauts des moudjahiddins, une bande de pillards sans scrupules, et aux bourdes de leurs alliés croisés, c’est un carnage mais je m’en sors par la volonté d’Allah le Miséricordieux. On m’aide à revenir en France, et on finance mon existence. Je deviens officieusement une cellule dormante en attente de missives.

Monsieur, je respecte mes aïeux, j’ai l’air jeune mais croyez moi, j’ai de l’expérience. Je ne sais que trop que les infidèles ont rompu le pacte auquel le Coran fait allusion. Nos frères souffrent, des terres de l’Islam ont été souillées par l’occupation d’impies, des siècles de colonisations insidieuses, de régimes totalitaires à la tête desquels ils placent leurs hommes de paille pour nous occidentaliser et dérober nos ressources…»

Le vieillard pris de panique suite à ce qu’il avait pris pour une volte-face, retrouve une paix intérieure toute relative eu égard au mal qui le ronge. Il se tourne vers le jeune homme et proclame : « La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s'efforcent de semer la corruption sur la terre, c'est qu'ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu'ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l'ignominie ici-bas; et dans l'au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment… »

Khalid comprenant alors que le moment est venu : « Quelle est la mission que je dois accomplir ? »

Le vieillard gagné d’un rire sadique entrecoupé de spasmes récite alors le cinquième verset de l’At-Tawbah, celui-là même qui introduit la notion de Djihad : « Après que les mois sacrés expirent, tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade… » et désignant alors un sac à dos près de la porte : « Il y a un téléphone portable dans ce sac. Va t’en. Nous te tiendrons informé de la cible en temps et en heure. Qu’Allah guide tes pas, tu entreras d’ici peu dans Son royaume en Martyr ! »

Khalid passe rapidement les sangles du sac et s’harnache solidement à lui comme s’ils ne devaient plus faire qu’un pour l’éternité. Il quitte le vieillard sans un regard, ni un mot, en récitant l’Al-Fatiha plusieurs fois dans sa tête, il sait qu’il ne le reverra pas. Le soldat en mission, le djihadiste qu’il est devenu, referme la porte blindée derrière lui. Il arpente de nouveau, anxieux, les couloirs de la cave, insulte le toxicomane qu’il avait pris en pitié à l’allée et émerge des dédales puants au bout d’un quart d’heure de marche. Le voila à Gennevilliers, en plein milieu de la cité du Luth, son ancien quartier, celui d’une vie antérieure… Il parcourt rapidement les barres d’immeubles du regard et certains souvenirs nostalgiques l’envahissent. C’est une époque lointaine, où les filles ne portaient pas le hidjab, où les HLM fraîchement construits ne portaient pas en eux les stigmates de la détresse sociale qui n’allaient pas tarder à les scarifier inexorablement… Les paraboles étaient textuelles, elles ne garnissaient pas les fenêtres, toutes orientées en direction de la nouvelle Mecque, ces satellites occidentaux se faisant le relais de discours radicaux en provenance du Moyen Orient exacerbant la haine, distillant des peurs, poussant au repli communautaire… Un repli communautaire que l’on ressentait déjà du fait de la ghettoïsation, du parcage. « Comment pouvaient-ils oser nous donner l’objectif de l’intégration sans nous en donner les moyens ? » C’est fou comme on peut avoir un dernier sursaut critique alors qu’on se sait vivre les derniers moments d’une vie.

Quelque chose vibre dans le sac, et pris de panique, Khalid se jette à terre. Puis il se souvient du portable, il est dans une des poches en position vibreur. Quelqu’un l’appelle donc il l’empoigne et décroche. « Saint Denis, rue de la République… » Juste ces quelques mots rapidement énoncés avec un accent apparemment pas du coin, puis un cliquetis et des beeps stridents et froids. Un frisson traverse le corps de Khalid. Cette fois-ci, tout est programmé, mission, cible, compte à rebours… Il est le missile à tête chercheuse qui vient de quitter le pas de tir, plus rien ne peut l’arrêter, ne lui reste plus que le choix de la trajectoire. Çà sera celle du bus 178 évidement, comme si le choix était permis…

C’est l’heure de pointe et le bus est noir de monde. Khalid se faufile au milieu de tous ces gens qui en fin compte lui ressemblent, dont l’histoire n’est pas si différente de la sienne, à deux ou trois choix près, et qui dans quelques instants seront des martyrs tout autant que lui. « Les commanditaires auraient pu m’envoyer à l’Elysée, j’y serais allé volontiers ! Pourquoi faut-il toujours que çà soit les petites gens qui paient ? »

Ecartelé entre réminiscences critiques liées à son éducation française et automatismes intellectuels acquis dans les Madrasas, Khalid se retrouve en plein milieu d’un bombardement de paradoxes… Il se réfugie dans la prière pour dissiper le moindre doute.

« Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
Par le ciel aux constellations !
et par le jour promis !
et par le témoin et ce dont on témoigne !
Périssent les gens de l’Ukhdoud,
par le feu plein de combustible,
cependant qu'ils étaient assis tout autour,
ils étaient ainsi témoins de ce qu'ils faisaient des croyants,
à qui ils ne leur reprochaient que d'avoir cru en Allah, le Puissant, le Digne de louange,
Auquel appartient la royauté des cieux et de la terre. Allah est témoin de toute chose. »

Il balance la tête de l’avant vers l’arrière puis de l’arrière vers l’avant de manière frénétique. Perdu dans ses luttes internes, dans l’incohérence des étais poreux de sa pensée, il ne voit pas que les usagers le figent du regard. Lorsqu’il s’en aperçoit, il change d’attitude aussitôt pour ne pas éveiller les soupçons. Mais le voilà déjà à la gare de RER de Saint Denis. Il descend du bus emporté par le flot humain.

Il marche à présent en direction de la rue de la République. Il ne prendra pas le tramway. Et durant ce sursis qu’il s’accorde, en laissant vagabonder son regard sur les affiches pour les élections à venir voilà qu’il se remet à penser à l’Iran, à l’Afghanistan… qu’il revoit ces foules s’arrachant les photos des mollahs et de Ben Laden dans les souks alors que la représentation est interdite par l’Islam pour éviter l’idolâtrie. « Il n’y a pas d’icône devant laquelle tu te prosterneras… Allah n’en a pas… Ces meneurs de troupes ne sont que des usurpateurs, des manipulateurs ! Ils utilisent le Coran pour étancher leur soif de pouvoir, pour arriver à leurs fins… Maudits soient-ils !»

Une masse compacte stagne sur la voie piétonne et commerçante de la rue de la République. C’est la période des fêtes et après le boulot, tout le monde se rue pour acheter des cadeaux. Khalid traverse la foule des inconnus en empoignant les sangles de son sac, à l’affût du moindre signe. Les gens le bousculent, il les bouscule. La politesse n’est pas de rigueur dans ce magma de vie que le chaos d’une explosion pourrait embraser. Khalid imagine la foule hystérique, les plus faibles piétinés. Il ne défend à présent aucun discours, il œuvre pour ses idéaux… La sonnerie du portable résonne alors : « Prends le métro, ligne 13 de la Basilique jusqu’à Clemenceau, puis ligne 1 jusque la Défense… », la même voix étrangère et froide que lors de l’appel précédant. Le jeune homme hésite, il ne sait plus s’il doit suivre les ordres ou s’enfuir en courrant. Mais il ne peut plus reculer, son entourage essuierait les conséquences de son désaveu. Il s’exécute donc.

« Et tuez-les, où que vous les rencontriez; et chassez-les d'où ils vous ont chassés : l'association est plus grave que le meurtre. Mais ne les combattez pas près de la Mosquée sacrée avant qu'ils ne vous y aient combattus. S'ils vous y combattent, tuez-les donc. Telle est la rétribution des mécréants. S'ils cessent, Allah est, certes, Pardonneur et Miséricordieux. Et combattez-les jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'association et que la religion soit entièrement à Allah seul… », Khalid récite quelques versets extraits d’Al-Baqarah, le seconde Sourate pour se donner du courage, éliminer le doute mais çà n’y change pas grand-chose, il a froid et transpire à grosses goûtes, un mal de crâne terrible le pénètre. « Allah, pourquoi permets tu le doute en moi ? Dans tes préceptes rapportés par Mohamad, il est clair que Tu es seul à choisir les martyrs... Pourquoi tant d’intermédiaires entre Toi et moi, Allah, le Tout Puissant, le Très Miséricordieux ? Personne ne peut mourir que par Ta permission et au moment prédéterminé… Pourquoi déléguer ce rôle à des conspirateurs qui en ton nom convoitent les richesses de ce bas monde ? »

Les rames du métro sont bondées, des centaines de destins si différents s’unissent pendant quelques instants pour ne former qu’une seule âme gigantesque lancée à cent à l’heure entre deux stations. « Un homme n’est rien sans ses racines. On a longtemps voulu me faire croire que mes ancêtres étaient Gaulois… C’est çà l’intégration ? Le mensonge, la colonisation intra-muros ? Le sens de la laïcité à l’école a été détourné, à la base le jeudi était un jour libre réservé à ce que les enfants puissent suivre une éducation religieuse… Qui sont les missionnaires ? Qui fait du prosélytisme ? De quel coté sont les signes ostentatoires ? Qui veut convertir qui ? Un homme n’est rien sans histoire, sans continuité… Où croyaient-ils que j’allais trouver mes repères ? Mes parents humiliés ? Le Gangsta Rap Américain ? L’intégration c’est des conneries, le pacte avec les immigrants était caduc à la base, ils avaient besoin de main d’œuvre pas de nouveaux dévots… La contrepartie dans ce contrat n’était vraiment pas à la hauteur du sacrifice implicitement demandé.»

La fièvre emporte Khalid sur des chemins qu’il n’a jamais arpenté, sa réflexion se nourrit des limons qui sédimentaient pourtant dans sa tête depuis toujours, inspirés par ses deux cultures et occultés par les discours de manipulateurs de quelques bords qu’ils soient. Le voilà qui avance, hagard, dans les méandres du centre commercial des Quatre Temps. La foule est compacte, les pas de chacun sont pressés. Khalid lui est à la traîne. Le plan vigie pirate est en phase orange depuis les attentats à l’ambassade de France au Caire de la semaine précédente, deux militaires ont remarqué l’anxiété du jeune homme et se dirigent vers lui : « Bonjour Monsieur, vos papiers s’il vous plait… » Khalid ne réponds pas, il grelotte livide, perdu dans des délires de réformes et de schismes religieux, de discours de rupture… Le militaire répète sa phrase en se montrant plus insistant : « C’est un contrôle de routine, Monsieur… Je peux jeter un coup d’œil au contenu de votre sac, s’il vous plait ? » Le portable du jeune homme sonne soudain, cela suffit à extirper Khalid de ses songes… Il remarque les militaires et ne répond pas, il lève les mains en l’air en gardant le cellulaire fermement dans sa paume. Le second militaire pointe son fusil mitrailleur en direction de l’homme perturbé l’invitant vivement à lâcher son portable. Khalid met un genou à terre alors qu’il est pris d’une forte toux. Il vomit du sang. Le premier militaire l’appréhende alors que le second crée un périmètre de sécurité en repoussant une foule qui ne demande pas son reste. « Il n’y a rien dans son sac… Appelle police secours, Maurice. », Balbutie le premier soldat qui a du mal à maîtriser le récalcitrant en réalité pris de violents spasmes. L’hystérie des badauds est contenue, pas de mouvement de panique à signaler, il y a même des passants qui s’agglutinent autour de la scène pour avidement s’en délecter. « Incident sous contrôle ! Vous êtes priés de circuler… », Ordonnent les militaires rejoins rapidement par deux ambulanciers.

« ô vous qui croyez ! Répondez à Allah et au Messager lorsqu'il vous appelle à ce qui vous donne la vie, et sachez qu'Allah s'interpose entre l'homme et son cœur, et que c'est vers Lui que vous serez rassemblés. Et craignez une calamité qui n'affligera pas exclusivement les injustes d'entre vous. Et sachez qu'Allah est dur en punition. »
                                                         (Coran, Al-Anfal 8 ;24,35)

***

Je m’adresse à vous, miraculés de l’horrible pandémie qui s’en est suivi. Voici l’histoire probable d’un des huit kamikazes incubant le virus hybride de la grippe aviaire à son insu et ayant arpenté les couloirs du métropolitain parisien des heures durant, exposant la population à un mal incurable et foudroyant, extrêmement contagieux… Je m’adresse aux chanceux et en même temps aux maudits ayant surmonté l’épreuve et qui se calfeutrent chez eux jusqu’à ce que ne cesse l’horrible ballet de ses corps qu’on mène par centaines aux incinérateurs, l’enfer sur l’Eden… Que nos millions de morts connaissent la paix et qu’il en soit de même pour nos survivants…

(O______O) Lapinchien