Le cocktail

Le 28/12/2005
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par Nobodiz
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Thèmes / Obscur / Autres
Le personnage du clown triste ou hargneux, c'est pas ce qui se fait de plus original. D'ailleurs même parmi les quelques textes de Nobodiz on y a déjà eu droit. Mais faut reconnaître que là c'est traité correctement. Texte à demi-farfelu, à demi-désabusé, mais toujours bien maitrisé et pas chiant.
1 … 2 … 3 … Voilà, fini.
Un cocktail de capsules, cachetons et autres bonbecs pour adultes, colorés et vicelards m’attend dans le verre à pied. Tiens, ça pourrait donner une chouette sculpture d’art contemporain : le verre du citoyen normalement équilibré.
Y’en a des bleus, des rouges, toutes les couleurs presque. Un vrai feu d’artifice d’espoir glacial. Une bonbonnière qui attendrait ceux qu’elle pourrait piéger.
Je plonge la main dans le verre, faisant rouler les pilules entre mes doigts, puis s’écouler comme du sable. Pas très appétissant tout de même. Je trouve que même colorées, on devrait se douter que ça cache quelque chose de mauvais.
Je fixe ma montre quelques secondes, juste le temps de voir qu’il n’est pas encore l’heure.
Je repasse la main dans les drogues et cachets, Valium, Topalgic, Stilnox, et autres médicaments fort. Mon imagination vogue lentement dans les couleurs sous plastiques, couleurs décolorées. Amusant. Cette fois, ça devrait être l’heure.

Je me lève, sors mon costume de son sac. Etrange mélange d’habit de clown et d’arlequin. Genre de vêtement joyeux, en somme. Je l’enfile, sans arrière-pensée, quasi mécaniquement.
Je me lève, en chancelant un peu, et passe dans ma salle de bain. Néon, glace zébrée et fêlée, carreau d’un bleu clair délavé. Je m’accoude au lavabo, et saisis la trousse de maquillage, d’où je tire de longs bâtons de coloration. Je choisis d’abord le fond de teint blanc, et commence lentement à me pâlir, à me rendre d’une froideur mortelle. Je passe au rouge à lèvre couleur sang. Je trace un sourire énorme, dément presque. Le rouge et le blanc mariés me rappellent mes pilules. Je fais quelques grimaces, réfléchies avec un petit temps de décalage par le miroir fatigué. J’ai l’air d’un vieux clown.
Ai-je aussi oublié mes cabrioles ?

Je vide le cocktail de pilules dans le sac à bonbons proche du costume. Je remonte la zipette, enfile les grandes savates de clown, et cherche les clefs dans la poche de mon pantalon. Je sors, ferme ma porte, et descends une à une les marches qui séparent mon appartement de la rue. La rue. J’y suis. Je me mets à trottiner joyeusement, chantonnant une mélodie tout aussi gaie. Les enfants arrivent de partout, curieux. Je suis abominable, sous ce costume. Abominable encore alors que je jette des poignées de bonbons aux gosses, poignées où se trouve quelques Valium, Ecstasy, et tout ces miettes hallucinogènes. Abominable toujours alors que je lance des sourires aux enfants.
Je vous distribue de la Folie mes jeunes amis, sachez en profiter.