Mon fils

Le 25/01/2006
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par Abbé Pierre
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Thèmes / Débile / Absurde
Bière, tondeuses à gazon, inceste et tête de perruche arrachée avec les dents. Ce texte ne tient pas debout et n'a aucun sens, il est pourtant hilaratif. C'est tout bien rempli d'humour drôle et absurde.
Hier, au bureau, j’ai reçu un mail de mon père.
Ca faisait déjà plusieurs années qu’il était parti de la maison, comme ça, sans un au revoir. Moi, en rentrant, j’ai fait comme si de rien n’était. Je suis allé regarder un match à la télé, j’ai fumé un paquet de cigarettes puis j’ai arraché la tête de ma perruche avec les dents. Mais là, hier, alors que je travaillais, quelle ne fut pas ma surprise lorsque l’icône de ma messagerie clignota. L’auteur, « ton père », le sujet « FW :re :re :re :re :re :re :DTCS ». Ca, je me suis dit, c’était bien le style à papa, il n’y avait aucun doute possible.
Papa, c’était le genre d’homme obnubilé par les choses simples, sa tondeuse à gazon et la bière. Le genre d’homme admirable, à qui on aimerait bien ressembler. Un soir, je me souviens, il est revenu à la maison alors que je couchais avec maman. Il m’a viré du lit puis est parti s’affaler sur le canapé et a ouvert une Kro. Il a allumé la radio pour écouter les infos mais elle a cramé, on saura jamais comment. Et mon père, l’homme sage vous voyez, il a répliqué : « C’est vraiment pas mon soir, aujourd’hui ». Enfin, comme je disais, j’ai ouvert le mail :

« Mon fils,

Voilà déjà plusieurs années que je suis parti sans donner de mes nouvelles et j’aurais aimé t’énoncer ma situation. Je suis au actuellement au Japon et je fais des affaires sur le nouveau modèle de tondeuse à gazon de Mercedes que je vend à ces connards. Quand je suis arrivé, ils coupaient encore leur herbe à la faucille, tu m’étonnes que j’arrive à les enfler moi, ces enflures de druides. Ah et tu te rappelles, le chien, je l’ai emmené aussi. Et bien, en sortant la tondeuse du garage, je ne l’avais pas vu et elle lui a roulé sur la tête. Ca a été immense. Moi, pour me remettre, je suis allé m’enfiler un pack de bières mais le pire, quand je suis revenu, c’était que tous les chats du quartier lui léchaient le crâne, t’imagines ?
A part ça, j’ai une nouvelle femme, un peu comme la première, enfin, celle que tu as connu, c'est-à-dire qu’elle ressemble étrangement à l’autoroute A6. Mais je ne m’en plains pas, elle cuisine terriblement bien.
Oh et puis, j’ai failli me faire virer du boulot. Je suis allé visiter un chantier et y’a une poutre qui est tombée sur un ouvrier. J’ai explosé de rire. Pas vraiment que ça soit drôle, non, mais assez inattendu et par réflexe, tu me connais, je n’ai pas pu m’en empêcher. Le patron s’est précipité vers lui, je l’ai suivi en me tenant les côtes. Ils ont dû me faire sortir de là en me portant. Pourtant là bas, ils souffrent de surpopulation. Je sais pas si tu vois ce que c'est mais il parait que c’est pire que le sida.
Il y’a ton frère aussi, enfin tu ne le connais pas encore, mais je vous présenterai dès mon retour, il m’a foutu dans la merde l’autre soir. Vraiment le type qui ne sait faire que ça. Il s’est fait passer pour l’huissier et il m’a dit : demain, je reviens, je vire tous les meubles de la baraque. Je l’ai assommé et je l’ai attaché à l’extincteur du coin, celui où tous les chiens viennent pisser. Mais j’ai eu la trouille en le voyant comme ça. Bon allez je te laisse, vu que tu as toujours eu d’aussi bonnes idées que moi, tu dois être en train de te taper une queue sur ta victoire à ta dernière partie de solitaire et, tu as bien raison, moi non plus je n’aimerais pas être emmerdé.
Salut. »

Vous pensez bien que je n’ai pu rester de marbre. Je me suis tellement marré qu’ils ont dû me faire sortir de là en me portant.
Et pourtant, je n’avais jamais imaginé avoir payé assez pour que mon père ait une urne funéraire en zone dégroupée.