Serial edit hors-série : Quelle vie de merde

Le 09/03/2006
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par M. Goret
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Rubriques / Serial Edit
M. Goret ne comprends jamais rien : en l'occurrence il n'a pas compris que la rubrique Serial edit n'était pas ouverte au public et a édité 'le grand soir' par Glaüx. Bizarrement, son texte est pas ignoble bien que vérolé par les vannes pourries dont l'auteur est fan. Le style pourri de Goret s'adapte pas mal à celui de son personnage clodo. C'est pas hyper-bien mais un peu meilleur que la moyenne goretienne.
Texte édité :

- - Le grand soir par Glaüx

[texte hors-série non pris en compte au cours de la rubrique]
Premier tremblement.

Voir tout ces gens, à dandiner comme des cons, tous dans le même sens, sans prendre la peine de regarder plus loin que le bout de leurs pompes, tout ça pour quoi ? Pour faire comme tout le monde, pardi ! Des moutons, tous des moutons… L’un regarde sa montre dernier cri, dans son costume 3 pièces tiré à quatre épingles, version bobo pédé pour faire « in » (comme dit si bien la baronne Du Moulin de La Figuière) comme si sa vie en dépendait. Un autre est affalé devant la vitrine éclairée de néons étincelants d’une parfumerie hors de prix, à lire son journal économique en se tenant au courant des derniers cours de telle ou telle devise Londonienne, tandis que son index droit se fait l’explorateur de 20 000 lieux sous ses glaires. Une blondinette qui parait tout juste sortie de ses 20 printemps mais qui en a au moins 10 de plus à la manière dont elle se tient, cambrure parfaite, pas de relâchement dans sa posture (pas comme ces midinettes de mes deux qui se tiennent comme si elles avaient toujours un braquenard entre les cuisses et une enclume sur les épaules) et qui se tape les 90% de pubs que contient un hebdomadaire de mode pour bourgeoises bohêmes tout en sirotant la dernière boisson énergisante à la mode actuellement. Puis arrive à ma hauteur un gamin, accroché aux jupons de sa mère qui apparemment n’en a rien à foutre de voir son gosse se mettre la main dans le slip en mâtant la blondinette de 20-30 ans. Mais par contre, cette mégère de mes deux arrive à dire à son si jeune et déjà si sadique rejeton : « t’approche pas de lui ! Tu vois pas que c’est un éclopé, un boiteux, un mendiant…t’approche pas de lui il a des maladies ! »

Deuxième tremblement.

Moi un mendiant ? Pauvre conne vas ! J’ai certainement plus de thune dans la poche que tu n’en gagnes en une année ! Tu me prends pour qui ? Un mendiant, un clodo sans fierté, une pauvre merde humaine qui boitille d’une rue à l’autre, sans but… pauvre conne. Pendant que je vocifère ces paroles dans ma tête, n’ayant pas la force de le lui dire, ne méritant que le mépris qui lui est dû, je m’éloigne de ces pouilleux qui ne me remarquent pas, sauf quand je franchi les limites acceptables de la barrière imaginaire de protection individuelle où les gens se sentent en sécurité. Pendant que j’ère sur les quais de cette rivière sans âme, j’entends un « Dégage ! ». C’est à moi qu’on parle ? Est-ce encore une de ces énièmes altercations dont je suis souvent le témoin ? « Dégages ! » Ah maintenant il corrige sa grammaire le bougre ! « Dégages connard ! » Ah cette fois-ci c’est pour moi le message. C’est un de ces clodos qui pue l’alcool et à qui je franchi ses limites de territoire…un territoire de 2 mètres sur 2, rempli de cannettes vides, de prospectus divers, de bouts de cartons et quelques taches anciennes de vomissures. Gardes-le ton territoire ! Ce n’est pas parce que je suis boiteux que je suis de ton monde. Je continu mon chemin et passe devant le restaurant L’Agneau Aux 7 Sceaux où j’avais déjà mangé avant mon accident. J’étais même un client VIP, où ma table était toujours réservée. Mais depuis… « Dégage ! Dégages d’ici l’éclopé! » me dit le portier. Encore un nouveau qui me traite comme un malpropre alors que j’y ai claqué certains soir sa paye plus tous les pourboires d’un mois ! M’en branle…

Troisième tremblement.

Tandis que je reste là à me creuser la tête, la cloche d’une quelconque église sonne ses sales coups de Trafalgare. C’est à se demander comment un gouvernement qui se dit laïque autorise cette mascarade païenne. Mais bordel ! On a droit à la tranquillité ici ! Qu’est-ce que j’en ai a foutre de savoir qu’il est telle ou telle heure ? J’ai une montre, punaise ! Virez-moi ces sons de cloches pour cloches ! Il faut abattre la dictature divine, brûler le faux Dieu et nous foutre la paix !
Je m’arrête au coin de la ruelle qui mène à la place de la cathédrale pour voir si personne alentour. Faut que j’aille taguer un gros « Fucking God is a Good Fucking » sur le mur de l’entrée de cette cathédrale. Il n’y a personne dans les rues, je peux y aller. Tandis que je m’affère à balancer mes sarcasmes sur la pierre, je ne vois pas arriver le curé. « Dégages sacripant, suppôt de Satan ». Et aller ! Encore un « Dégages ». Fuck toi aussi et je lui refais un lavage faciale avec mon bidon de peinture vert fluo. Rouge de colère qu’il est le prêcheur. Tellement rouge qu’on dirait le diable réincarné. Et vla ti pas que ce bon monsieur me balance des insultes que je ne savais pas qu’elles étaient enseignées au diocèse. Décidément cette religion sert souvent de façade aux cas sociaux en tout genre. J’vais te foutre un coup dans la nuque avec mon portable et tu vas t’effondrer net. Et toi qui sais si bien me dire ce que je dois faire, ben tu vas choisir quelle est la meilleur façon d’être éviscéré en place publique comme au temps des Wisigoth. Laissons le donc à ses errements, j ne vais pas taper un vioc quand même.

Quatrième tremblement.

« Halte là ! » Ah tiens ? On me dit plus dégage. C’est un policier qui traînait par là qui m’interpelle. Ouais Monsieur l’agent, on est un peu de la même Maison vous et moi. Ce qui s’est passé ? Oh vous savez…moi et les vieux curés j’peux pas les blairer. Voilà à quoi ça amène de dire ce qu’on pense : en zonzon. Mais pas en zonzon de la Santé, ça non ; mais bel et bien dans ce trou à rats où ces pédés de poulets frits nous entassent comme dans une boite de sardines. A voir la tronche des compagnons de cellule, les sardines sont mortes depuis belles lurettes. Tous ces rebus de la société sont ici. Mais bordel qu’est-ce que je fou là ? Libérez-moi tas de merde ! Me laisser pas avec ces enflures qui puent leurs vomissures ! Salopes de fonctionnaires ! Ca passe ses journées dans les bistrots à se bourrer la gueule. Me dit pas que ça bosse ça. Putains d’agents assermentés de l’Etat de non droit. Pendant que ces Môssieurs s’affèrent à trouver l’historique de ma vie, je me dis que cette vie est vraiment une vie de merde. Soudain un son familier : « Dégages ! Aller dégages le boiteux on t’appellera pour une comparution devant le juge ». Bin tiens ! Le juge c’est Celui qui siège sur le trône pour mieux chier sur les autres. On leur donna à chacun une robe blanche en leur disant qu’ils seront l’épée vengeresse de l’Etat. Mon cul oui ! Aller hop, me casse de cette caserne à deux balles.

Cinquième tremblement.

C’est que ça devient de plus en plus fréquents ces tremblements. Serais-je le seul à les ressentir ? Suis-je fou ? Seraisse mes pensées qui deviennent incohérentes ou bien c’est le sol qui tremble. Je commence à avoir chaud, j’ai du mal a trouver l’oxygène. Je suis obligé de m’arrêter pour respirer. Mais qu’est-ce qui m’arrive bordel ? Le battement de mon cœur se fait plus vrombissant, mon ventre se creuse et une impérieuse faiblesse m‘envahit tout entier. Putain que ça fait mal. Je sens plus mes jambes, le sol se dérobe sous mon poids. Qu’est-ce que c’est que ce truc encore. Putain mais DEGAGES saloperie de douleur. J’ai un dernier sursaut de révolte. Ridicule et inutile. Et maintenant le sang coule en goutte-à-goutte de mes narines. Vite, de la morphine. J’ai trop mal, la douleur est insupportable. Ma vision se couvre d’un voile blanc. Ca y est, j’ai plus mal. Je me sens plus léger qu’un vent léger. Je ne sens plus mon corps, mes 5 sens sont envolés…je me sens bien… A présent je vois ce fameux tunnel blanc et moelleux. Obnubilé par cette vision dont je me délecte, j’oublie tout le reste. Je m’évade, m’envole, m’eclipse, me transporte, m’éloigne…

Sixième tremblement…rupture d’anévrisme.