Menu surprise

Le 13/04/2006
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par DirtyDog
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Thèmes / Polémique / 2006
Le personnage principal est un nouveau riche, qui a obtenu ses biens à la sueur de son front. Le genre obsédé par le fric et uniquement ça, un winner, un battant. Tout à fait gerbant, quoi. C'est au restau avec ses potes qu'il rencontre le con idéal... DirtyDog écrit toujours aussi bien, sa nouvelle est un régal. Le con est savoureux et la crémation héroïque. Ne boudons pas notre plaisir.
« Ca fait rêver une bagnole comme la mienne, je sais… »

Jadis je ne me lassais pas de croiser des regards envieux quand je roulais en ville dans ma superbe voiture décapotable. Ca me faisait rigoler - « Ouais je suis riche, et pas toi mon vieux, c’est comme ça. Ah ! Ah ! »

Maintenant ce genre de regards me laisse plutôt indifférent. Dans l’absolu, il est insensé d’être fier d’une belle voiture et d’un portefeuille bien rempli. J’ai compris ça.

Ce dont je peux être fier, en revanche, c’est d’avoir réussi en partant de presque rien, d’avoir travaillé dur et d’avoir mérité chaque putain de centime d’euro que j’ai gagné. Ceux qui sont nés riches n’ont aucun mérite. Moi, mesdames et messieurs, j’ai connu la misère, je connais la valeur de l’argent. Alors vous pouvez admirer ma décapotable si ça vous chante, mais c’est juste une voiture, et n’importe quel connard né dans une famille de bourges à la con pourrait la posséder. C’est moi que vous devriez admirer, pas ma superbe voiture ou mon portefeuille, juste moi.
C’est une belle fin de journée. Mon service a conclu une affaire extrêmement lucrative aujourd’hui, et je suis en route pour fêter ça avec mes collègues dans un des meilleurs restaurants de la ville. Le soleil se couche, la température est idéale, je suis beau et riche : tout va bien. Virage à gauche, et je m’engage dans le parking du restaurant.

Ici ma décapotable passe inaperçue, elle devient ordinaire au milieu des autres merveilles. Je me gare, et marche quelques mètres pour rejoindre l’accueil. Là, un jeune homme en costard me fait un grand sourire et me demande :

_ « Puis-je vous aider monsieur ? »

_ « Oui, pourriez-vous m’indiquer la table réservée au nom de Rimbert s’il vous plaît ? »

_ « Mais bien entendu monsieur. »

Il regarde dans le carnet de réservations du restaurant puis :

_ « Si vous voulez bien me suivre... »

Je marche donc derrière le serveur, et pour arriver à ma table je dois passer devant tout un tas de vieux cons riches et cravatés. Ils sont quelques fois accompagnés de leurs femmes, des connasses essayant de paraître plus belles et plus jeunes qu’elles ne sont, sans grand succès d’ailleurs. Je connais le genre… Ces personnes ne sont pas intéressantes. Pour la plupart, elles ont vécu toute leur vie dans l’opulence et la connerie. Je ne me sens pas vraiment comme elles, pour moi c’était pas gagné d’avance, j’ai du travailler dur pour m’en sortir. Je suis différent, je vaux mieux que ces putains de bourgeois qui vont voter à droite la tête haute.

J’arrive enfin à ma table, sur laquelle est posée une bouteille de Champagne aux trois quarts vide. Mes joyeux collègues sont déjà là, et ils m’ont pas attendu pour boire.

_ « Salut Jim ! »

C’est Charles qui me salue, un de mes meilleurs amis. On est entré la même année dans la boite, il a commencé au bas de l’échelle avec moi. C’est pas un de ces salauds de bourgeois pourris, lui aussi il sait ce que c’est que la pauvreté. D’ailleurs, tout comme moi, il n’est jamais parvenu à perdre complètement le vocabulaire quelque peu trivial de ses origines modestes. On prends nos repas ensemble le midi et des cuites le soir depuis des années.

_ « Salut man ! »

Là c’est Vincent qui me salue. C’est pas encore un vrai pote comme Charles, lui je le connais un peu moins. Il a pas tout à fait connu la misère comme nous, mais on l’aime bien quand même. Il est complètement dingue et c’est pas le dernier pour la piccole. Après une période de méfiance réciproque, on a finit par s’apprécier. En sortant du bureau ce soir, moi et Charles avons tout naturellement décidé de l’inviter à fêter le succès de l’affaire avec nous, surtout que son aide dans le dossier fêté nous a été très précieuse.

J’ai répondu à leurs salutations en souriant :

_ « Salut bande de bourges. Alors, je vois que vous m’avez pas attendu hein, déjà en train de piccoler, bravo… »

Vincent a rétorqué :

_ « Charles était en manque, man, il avait les mains qui tremblaient, tu comprends bien que je pouvais pas le laisser comme ça le pauvre… »

_ « Ok, ça va, j’ai compris. » j’ai dit, toujours souriant.

Puis, me tournant vers un serveur :

_ « Garçon, apportez-nous deux autres bouteilles de champagne ! »

_ « Tout de suite monsieur. »

On avait l’habitude de se bourrer la gueule depuis toujours, même sans raisons particulières. Alors maintenant qu’on avait quelque chose à fêter, on allait pas se priver !

_ « On a vraiment assuré les gars. Je suis soulagé que tout se termine si bien, j’ai tellement passé de temps sur ce dossier... Putain, je mériterais de monter encore en grade, c’est génial.» j’ai dit.

_ « Oh oui, c’est sûr. Président minimum moi je dis.» s’est moqué Charles.

_ « Président je sais pas, mais vice président du département des ventes ou un truc comme ça, c’est pas exclu sans déconner. »

_ « Alors là, ça m’étonnerait, de tels postes sont réservés aux amis du patron, ça a toujours fonctionné comme ça. », a dit Vincent en souriant vaguement.

Les bouteilles de champagne sont arrivées, et j’ai enfin pu trinquer avec mes chers collègues.

Tout en enchaînant les verres, on a étudié le menu. Personnellement j’étais assez attiré par le menu surprise. Seulement, il était indiqué que ce menu ne pouvait être commandé qu’à la condition d’être pris par tous les convives d’une même table. Il me fallait donc l’accord des deux autres.

_ « Ca vous dit le menu surprise? » j’ai demandé.

Charles semblait partant. Par contre, Vincent semblait plutôt réticent, il m’a répondu :

_« Non mais attends, le menu surprise, on peut pas savoir ce que c’est, ça risque d’être le pire, oh, man ! »

Charles a répondu pour moi :

_ « Ca va, t’enflammes pas, au prix qu’il coûte le menu, ils peuvent pas se permettre de faire un truc trop bidon ! »

Alors Charles et Vincent se sont gentiment disputés pour savoir si on prenait le menu surprise ou pas. Je les ai écouté. Ils me faisaient rigoler quand ils se battaient pour des conneries comme ça, de vrais gamins…

J’ai allumé une cigarette avec mon zippo, je me suis resservi un verre de champagne et j’ai regardé autour de moi, dans le restaurant. J’étais encore en train de râler intérieurement contre ces putains de bourgeois imbéciles quand j’ai remarqué, à quelques tables de nous, une grande figure médiatique et politique. Nicolas Sarkozy, en chair et en os, était en train de s’installer à une table !

J’ai donné des petits coups de coude dans le ventre de Charles, coupant sa discussion avec Vincent. Il m’a regardé, les sourcils relevés, interrogatif, comme pour me dire : « Quoi, qu’est-ce que tu veux, qu’est-ce qui t’arrive? » Alors, sans dire un mot, j’ai fais un signe de tête en direction de Sarkozy. Il a tourné la tête vers l’endroit que j’indiquais, et la réaction ne s’est pas faite attendre :

_ « Bordel de merde, c’est pas croyable. Hé, Vincent, regardes un peu qui est là ! »

Vincent, intrigué, s’est tourné pour observer à son tour et il a dit :

_ « Oh putain! Sarkozy ! Ca doit vraiment pas être un restaurant de merde ici. Excellent, quand je raconterais à ma femme que j’ai mangé à quelques mètres de Sarkozy ! »

La surprise passée, Charles et Vincent ont poursuivi leur discussion sur l’adoption ou non du menu surprise. Finalement ils se sont rangés de mon côté, d’accord pour le menu surprise.

Je suis resté bloqué sur Sarkozy, je n’arrivais pas à détourner mon regard de lui. J’étais en train de me dire que cet enfoiré pourrait bien devenir le nouveau Président de la République, et qu’alors ce serait une catastrophe pour la France : les pauvres encore plus pauvres, des caméras et des flics partout, une aggravation considérable des inégalités, de moins en moins de services publics… Je visualisais ça très bien. Sarkozy Président, ce serait sans doute aussi la fin, à plus ou moins long terme, de l’université gratuite et des aides financières aux plus démunis. Sans les bourses et les universités gratuites je serai resté pauvre toute ma vie moi, je n’aurai eu aucune échappatoire. Bordel, Sarkozy Président, ce serait un gros putain de drame.

J’étais dans mes pensées, rêveur et lointain… Charles m’a fait sursauter lorsqu’il m’a adressé la parole :

_ « Non mais vas-y, arrêtes de le dévisager comme ça un peu, fous-lui la paix merde. »

_ « J’ai envie de me le faire cet enfoiré. » j’ai dit, le plus sérieusement du monde.

_ « Dis pas de conneries. », a répondu Charles.

Lorsque le serveur est repassé, on a passé commande des menus surprise, d’une nouvelle bouteille de champagne pour patienter jusqu’à ce qu’ils arrivent, et nous avons indiqué nos préférences concernant les vins. Ensuite nous avons continué à boire et à discuter. C’était plutôt agréable comme atmosphère, mais j’étais ailleurs, je n’arrivais pas à penser à autre chose que Sarkozy, Sarkozy l’enfoiré, Sarkozy l’ultra-libéral à quelques mètres de nous. Ca me bouffait la tête.

Alors que nous commencions les viandes - délicieuses d’ailleurs -, j’ai vu Nicolas Sarkozy se lever pour aller aux toilettes.

J’ai interrompu la discussion de Charles et Vincent :

_ « Ecoutez, au moment où je vous parle, Sarkozy est aux chiottes, sans défense, et si on veut lui expliquer notre façon de penser, c’est maintenant ou jamais. Si on fait rien, je le regretterai peut-être toute ma vie. Faut vraiment que j’aille emmerder ce petit fils de pute, et j’ai besoin de vous pour ça. Vous pouvez m’aider, je vous demande de m’aider. Dites-moi que vous êtes partants. »

_ « Je suis partant ! » a dit Charles tout de suite.

Nous nous sommes tournés vers Vincent. Il avait l’air plus hésitant. En fait, je crois bien qu’il n’avait rien de spécial contre Sarkozy lui. Sarkozy Président, à la limite, ça l’aurait arrangé. Ca aurait conduit à la diminution de l’impôt sur les grosses fortunes et à la diminution de l’impôt sur le revenu, et lui, il avait une sacrée grosse fortune et de sacrés gros revenus. Je me suis dit qu’il voyait pas beaucoup plus loin que son propre intérêt et qu’il n’imaginait pas, à la différence de moi et Charles, l’ampleur de la catastrophe que donnerait un Sarkozy Président pour l’immense majorité des français.

Moi et Charles avons donc été quelque peu surpris lorsque, après avoir vidé son verre, s’être resservi, et avoir vidé un autre verre, il nous a déclaré d’un ton solennel :

_ « Quand il y a une connerie à faire, je suis toujours là moi de toutes façons. Partant aussi. »

Super. Bon, c’est moi qui avais initié la chose, c’était donc à moi de donner l’impulsion pour la suite :

_« Parfait messieurs, puisque nous sommes d’accord, dirigeons-nous sans plus attendre vers les toilettes et donnons une petite correction à Nicolas Sarkozy. »

Nous nous sommes donc levés de table et nous sommes dirigés vers les toilettes, d’un pas décidé. L’alcool commençait à nous monter à la tête, il nous donnait de l’assurance.

Si l’un de nous avait renoncé à ce moment-là, je suppose que tout le monde serait retourné s’asseoir et qu’on aurait bien rigolé tous ensemble de notre connerie, mais personne ne s’est dégonflé, et nous sommes arrivé jusqu’aux luxueuses chiottes sans ralentir.

Sarkozy était enfermé dans une cabine, et nous attendions qu’il se décide à sortir. J’ai cru entendre un reniflement ostentatoire.

_ « Il semblerait que notre cher présidentiable soit un train de prendre un rail de coke », j’ai dit.

_ « Un toxico… Voilà qui explique bien des choses… » a dit Charles, et nous avons tous rigolé comme des cons, probablement plus pour détendre nos nerfs qu’en raison de la qualité humoristique de sa remarque.

Après une poignée de secondes, Sarko est sortit de sa cabine et s’est dirigé vers le lavabo pour se laver les mains. Il avait l’air plus petit qu’à la télé. Nous le dévisagions tous sans rien dire. Sarkozy, en regardant dans le reflet du miroir, nous a remarqué en train de l’observer. Il a dit, d’un ton plutôt condescendant :

_ « Bonjour messieurs. »

Puis il s’est essuyé les mains et s’est dirigé vers la sortie. Il était vraiment sur le point de sortir, et si je n’avais rien fait à ce moment-là, personne n’aurait rien fait et l’histoire se serait terminée comme ça. C’était une occasion unique, il fallait absolument que je fasse quelque chose !

Alors, sans perdre plus de temps, je me suis jeté sur lui. Nous sommes tous les deux tombés par terre, sur le carrelage, et je lui ai donné un grand coup de poing dans la tempe, sans chercher à retenir ma force.

Ce n’est qu’à partir de ce moment précis, je crois, que j’ai vraiment commencé à prendre mon rôle de justicier au sérieux. A toute vitesse, j’ai élaboré une petite stratégie pour tirer un maximum de profit de la situation , et j’ai crié à Charles :

_ « Passes-moi une serviette ! »

Il ne s’agissait pas de vulgaires serviettes en papier. Le restaurant proposait de véritables serviettes qui, coup de bol, avaient l’air suffisamment longues, fines et résistantes pour l’usage que je comptais en faire.

Charles m’en a lancé une, donc, et j’ai bâillonné Nicolas avec de telle sorte qu’il ne puisse pas appeler de l’aide en hurlant.

Ensuite, j’ai détaché ma jolie ceinture en cuir et m’en suis servi pour lui attacher les mains derrière le dos, bien serrées.

Toujours à terre, Sarkozy ne se débattait même pas. Peut-être que j’y étais allé un peu fort avec mon coup de poing et qu’il était un peu sonné, ou peut-être qu’il faisait simplement preuve de résignation. Après tout, on était trois, il était évident qu’il ne pourrait pas s’en sortir comme ça...

Nicolas maintenant hors d’état de nuire, je pouvais m’écarter du corps et me relever sans danger. J’ai marché lentement autour de lui quelques secondes avant de lui donner soudainement un grand coup de pied dans les côtes.

_ « Alors monsieur Sarkozy, vous croyiez vraiment que j’accepterais un président ultra-libéral comme vous ? Je dis non, je m’y refuse ! » j’ai dit en imitant sa voix, que j’imitais plutôt bien d’ailleurs.

Charles a explosé de rire, puis il a dit à Nicolas :

_ « Alors, tu fais moins le beau que devant les caméras là hein ? ».

J’ai distribué au bonhomme encore quelques violents coups de pied, surtout dans le ventre. C’était assez jouissif. Une fois relativement calmé, j’ai ouvert la grande fenêtre des chiottes, qui donnait sur le parking, et j’ai inspiré une grande bouffée d’air.

_ « Putain, ça fait du bien ! » j’ai dit, comme pour moi-même. Puis j’ai donné des instructions à mes chers collègues :

_ « Vincent, mets-toi devant la porte des chiottes et veilles à ce que personne ne rentre. Si un client veut rentrer, tu essayes de lui expliquer que les chiottes sont hors service, ou qu’on est en train de les réparer, ou qu’on est en train de les laver… Tu dis ce que tu veux mais t’empêches quiconque de rentrer à tout prix, vu ? On en a pas pour longtemps, je te demande juste de tenir quelques minutes. Tu peux faire ça pour moi, tu crois que tu peux y arriver ?»

Vincent a accepté, et il est sorti prendre son poste devant la porte.

J’ai ensuite dis à Charles :

_ « Surveilles-le deux minutes, je reviens. »

_ « Pourquoi, qu’est-ce que tu fais, tu vas où ? »

_ « Chercher un truc dans la voiture, je reviens tout de suite. »

_ « Bon… Ok, mais grouilles toi. »

Alors je suis sorti du restaurant en enjambant le rebord de la fenêtre des chiottes et je suis retourné dans le parking. Là, j’ai rejoint ma voiture, j’ai ouvert le coffre et j’ai pris un bidon d’essence que je conservais pour m’en sortir facilement en cas de panne sèche. Puis je suis revenu sur mes pas, j’ai fait passer le bidon d’essence par la fenêtre des chiottes et je suis revenu à l’intérieur.

Charles s’est approché de moi et m’a murmuré à l’oreille :

_ « Jim… Ca va un peu trop loin là non ? »

_ « T’inquiètes, c’est juste pour lui faire peur. » j’ai répondu doucement.

Je savais que tôt ou tard nous allions probablement payer très cher notre petite blague, mais maintenant qu’on en était là, je voulais en profiter. J’avais l’impression d’accomplir quelque chose de grand, de fort, de merveilleux, l’impression de réaliser le rêve de tout un tas de français - ceux qui ont compris la monstruosité que l’homme politique cache derrière des discours démagogiques et des sourires.

Je me suis accroupi pour regarder Sarkozy en face. J’ai vu de la terreur dans ses yeux, lui a du voir de la haine dans les miens.

Je me suis relevé, et sans plus attendre j’ai vidé le bidon d’essence sur lui en sifflotant. Sadique ? Oui, c’est possible.

A la dernière goutte du bidon versée, l’odeur d’essence dans la pièce était devenue puissante et très désagréable. Ca commençait à devenir irrespirable par ici. Sarko, avec son bâillon, ne pouvait respirer que par le nez, et il était visible que c’était difficile.

C’était plutôt marrant de le voir comme ça, dans ce contexte. En tout cas, moi je trouvais ça assez marrant.

J’ai allumé mon zippo et j’ai tendu le bras pour le maintenir juste au-dessus de Sarko. Il s’est mis à pleurer. J’ai dit, sentencieux :

_ « Petit roquet ultra-libéral, maintenant tu vas payer ! »

Le présidentiable s’est mis à remuer la tête et à se tortiller dans tous les sens.

Je suis resté à le regarder, tenant toujours le zippo au-dessus de lui, et je me suis mis à rire bêtement. Puis j’ai dit à Charles :

_ « Bon, je crois qu’on va pouvoir s’arrêter là… »

Charles était devenu assez pale, il avait maintenant l’air plus inquiet qu’amusé. Il m’a répondu en acquiescant de la tête :

_ « Oui, vaut mieux oui… »

La fête était finie. J’étais pleinement satisfait : Nicolas Sarkozy avait eu peur et n’oublierait jamais ce moment. Ca me suffisait, mission accomplie. J’allais remettre mon zippo dans ma poche maintenant…

A ce moment précis, quelqu’un a donné un grand coup dans la porte. De surprise, j’ai sursauté et j’ai fait tomber le zippo toujours allumé par terre. Oh non ! Waf, Sarkozy s’est enflammé instantanément. Horreur totale. J’ai regardé instinctivement vers la porte, et j’ai compris ce qu’il venait de se passer : un serveur assez costaud avait réussi à rentrer de force malgré les efforts de Vincent pour l’en empêcher. Ils étaient tous les deux sur le sol, l’un sur l’autre, et Vincent tenait le serveur par le col. Tous deux regardaient Nicolas avec de grands yeux. De toute évidence, ils avaient voulu se battre mais la vision du corps humain en flammes les avait stoppé net.

J’ai regardé Sarkozy en train de cramer, comme hypnotisé. Il a comme essayé de se lever, brièvement, mais est retombé, allongé sur le ventre, vaincu pour toujours. J’étais sous le choc, jamais, jamais je n’avais voulu ça.

Les cheveux de Nicolas Sarkozy étaient en train de flamber, sa peau noircissait. Il se transformait en cendres sous mon regard médusé. Un véritable barbecue humain. Dégueulasse... Je me suis mis à pleurer.

Le feu a commencé à prendre de l’ampleur, j’ai eu peur que le restaurant brûle tout entier. Je suis sortit des chiottes en courant, j’ai sauté par-dessus Vincent et le serveur, j’ai poussé la porte, je suis allé au milieu des tables et j’ai hurlé : « Il y a le feu ! Il y a le feu ! Tout le monde dehors ! » Je pleurais toujours.

Je m’en suis sorti physiquement indemne, mais de toute évidence ma vie était maintenant foutue. Après avoir vécu cette histoire, je savais que je ne pourrais plus jamais être heureux comme avant, et que chaque fois que je fermerai les yeux je verrai le regard terrifié de Nicolas Sarkozy au milieu des flammes.

Mais hé, au fond de ma prison, dans ma cellule, il m’arrive de penser que je suis le sauveur de la France, que je suis un héro. De temps en temps je reçois de sympathiques courriers, des remerciements pour ce que j’ai eu le courage de faire. J’aime bien lire ce genre de courrier, ça me remonte le moral et ça me fait passer le temps… Je… Je ne suis pas cinglé… C’était un accident… Je… J’ai sauvé la France… Je suis un mec bien… Je sais que je suis un mec bien…