Domino 5 : Stéphanie, employée de banque

Le 08/05/2006
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par Lapinchien
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Dossiers / Domino
Lapinchien reprend la main sur le concept qu'il a lancé, en incarnant l'employée de banque énervée par Josianne dans Domino 4. On était dans le domaine de la petite colère quotidienne, là on tombe carrément dans le pétage de plombs psychopatho déjanté.
« Salope de cliente de merde… Elle m’a grave gavé l’autre grosse avec ses chèques de mon cul… Quel boulot de merde ! Non mais quel boulot de merde ! Passer sa journée derrière un guichet à la con, à voir passer des connards qui profitent de leur position de client pour pousser leurs gueulantes à deux balles sur moi, la petite employée forcement docile, si çà c’est pas le boulot le plus merdique de la terre ! Quelle bande de cons ! Jamais une thune, ces blaireaux de prolos à la mords-moi le nœud, et dès que çà met 1000 euros de coté sur un livret A, çà se prend pour Rockefeller ! çà vient défendre ses petites économies comme si l’avenir d’un empire en dépendait, çà vous donne des ordres, çà vous envoie chier… J’te les alignerais tous autrement dans la file d’attente, moi, que çà ferait moins le mariole… tous en ligne face au guichet et j’te les arroserais de balles de kalachnikov…»
C’est le vendredi soir, et comme toutes les fins de semaines, faut que j’aille faire mes putains de courses… Je profite chaque fois des bouchons aux abords de mon super U préféré, comme çà roule lentement et que j’ai pas à garder mon attention sur la route, pour faire un petit point constructif avec ma conscience professionnelle… J’ai mis mon poste à donf ! Dans ma bulle, j’écoute Eddy Mitchell… J’ai tous ses CD dans le chargeur…

« Sur la route de Memphis…
Sur la route de Memphis… »

« çà ils y tiennent à leur bénéfs d’une dizaine d’euros annuels, faut prier pour que l’ordinateur ait pas oublié une retenue en faisant le calcul, sinon ils te pètent un plomb et déboulent tout colère dans l’agence, prêts à démonter et la devanture et le guichet et ta gueule avec… çà, faut pas les faire chier ! Toute la sainte semaine à bosser comme des bœufs de labour, à accumuler les brimades de leur petit supérieur hiérarchique et c’est bibi qui se tape leur petite crise d’hystérie hebdomadaire à coup sûr… Bande de petites merdes, moi aussi j’en ai un de supérieur hiérarchique et je fais pas chier le monde ! »

« Connasse ! » Tût ! Tût ! Tût ! « Et la priorité à droite, tu connais çà, salope ? » Une petite truie vient de me griller ma place de parking… Je me résigne à faire 35 nouveaux tours dans le souterrain avant de pouvoir me garer, mais dans le prolongement d’un bras d’honneur, je n’oublie pas de saluer sportivement la donzelle : « T’as dû en sucer des queues d’inspecteurs avant d’empocher ton permis, petite morue ! » Non mais regardez moi son déguisement de poufiasse ! « Dis-moi, ton compteur kilométrique à bites il doit croûter de loin celui de ta Twingo toute neuve, salope de newbie de la route ! »

Ils me gavent grave tous ces clients de la banque, y’ en a pas un pour rattraper l’autre… Dès fois çà me ferais plaisir d’avoir le rôle de conseiller financier et de tordre un peu les couilles des petits merdeux qui respectent pas les échéances du paiement de leurs crédits ou agios… C’est les même clients, c’est la même la banque… et s’il faut que je fasse profil bas, c’est pasqu’on entretient des rapports sadomasochistes… J’ai des collègues qui leur fouettent leur race aux clients, ils sont payés pour… moi, j’ fais la soubrette soumise et çà me gave… Je suis là en première ligne pour encaisser toute la haine que tous ces beaufs ont de nos institutions, de leurs tafs, de leurs couples qui battent de l’aile… Pasque pour une fois dans leur vie de merde, il s’agit de leur putain d’argent qu’on vient mendier… Ils y tiennent au putain de rêve qu’on leur offre pour pas grand chose… Ils se la jouent businessmen… Conseillé financier, çà, çà serait le top quand même ! Rien que pour leur botter leur putain de cul ! Mais bon… j’dois m’ contenter de mon guichet, des vieilles dames paranos qu’entravent que dalle aux procédures et des pitoyables crétins qui comptent les centimes sur leur compte, ceux qui captent pas que les services çà se paie… enfoirés ! J’ai vraiment l’impression d’être une espèce de punching-ball humain… salopards de clients… salopards de clients…

Putain de saloperie de taf de merde. J’ai des absences… çà m’obnubile toutes ces conneries. Là par exemple j’ai rien capté à ce qu’il s’est passé entre le moment où je me suis garée et celui où j’ai mis une pièce pour prendre un caddie… Salopards de clients… Je fais des rêves la nuit… des cauchemars plutôt… des cauchemars récurrents qui me hantent qui empiètent sur le réel et çà c’est jamais bon quand çà se produit… je vais finir par péter une durite… Je me vois assise au guichet et ils défilent, tous, en accéléré les uns après les autres… et pis à un moment, mon attention se fige sur un putain de formulaire à la con qu’une conne de mamie me fait remplir, et hop dès que mon regard revient vers elle… ben c’est plus elle… c’est un enculé de merdeux qui se fout de ma gueule : « Hey Connasse », Qu’il me rie au nez, « j’ai une tronche à venir encaisser ma retraite, moi ? C’est quoi ce formulaire de virement de pension ? Je pue le pipi, c’est çà ?» Et pis alors là je le fixe dans les yeux et ils changent de couleur… du bleu, ils virent au marron, puis au vert, puis çà recommence de plus en plus vite avec des teintes différentes… Puis soudain c’est le nez, il change de forme, hop il se brise, il devient plus ou moins long, les narines s’élargissent puis se contractent… de plus en plus vite… c’est au tour de la peau qui passe du brun au clair, du jaune au basané… les pigmentations de la peau changent à une cadence infernale… c’est alors le tour de la bouche, puis des sourcils et des cheveux suivant le même procédé… des lunettes apparaissent, puis disparaissent et çà finit par se généraliser au corps tout entier… Des vêtements défilent… des formes apparaissent puis disparaissent… Le sexe de mon interlocuteur mute en une fraction de seconde… le client grossit puis maigrit… il perd ses cheveux, qui repoussent l’instant d’après… Je me trouve bientôt devant une espèce de masse difforme qui varie à toute allure… salopards de clients… salopards de clients… C’est comme si le putain de clip de Michael Jackson, Black and White se déroulait en live devant mon guichet à la con, comme si je jouais à une improbable partie de « Qui est ce ? » grandeur nature… Mon visage se couvre de sueur… Je suis effarée… Mon teint devient blafard et je pousse alors un énorme cri en serrant mon crâne avec mes paumes alors que je me réveille… « Non ! Non ! Va-t-en ! Ne vient pas hanter mes nuits ! Va-t-en loin Bonhomme Jackpot ! »

Je suis dans les putains de rayons de ce putain de supermarché à faire mes putains de courses de fin de semaine à deux balles… Mon caddie est plein et je continue à balancer tout un tas de trucs dedans… Je les raye au fur et à mesure de ma liste de… Ah mais oui, bordel, je vis seule et j’ai pas besoin de listes de commission… tout est dans ma tête… de toutes manières, toutes les semaines, j’achète les même conneries… Putain mais qu’est ce qu’il fait froid… ces cons foutent la clim à fond même en plein hivers… ils sont vraiment trop des cons… ils me gavent… Je croise ce qui me semble être un chef de rayon et j’te l’alpague par son putain d’uniforme de connard ambulant… « Hey ! Mecton, faudrait voir à la baisser la clim ici… Pasque c’est sûr à cette température, vous êtes pas prêts de la briser la chaîne du froid… mais en attendant, tu sais quoi, mecton ? Ben c’est mes couilles que tu brises ! » Je l’envois bouler… J’ai toujours été un peu garçon manqué, et c’est vrai qu’à la commissure de ma vulve j’ai comme une petite ébauche de testiboules mal formées…

Salopards de clients… mais oui, bordel ! Qu’est ce que j’ai fait ? Le mec ne capte que dalle à ce qui vient de lui arriver… Il se relève du bac à Babybels dans lequel je l’ai projeté… Salopards de clients… mais oui, bordel ! Je crois que j’ai franchi la frontière sans retour…

« Riooooo…. Rioooo Graannnnddeee…
Et la frontière passsséeeee…
Nous s’rons blanchis, sauvééééés… »

Çà c’est un putain de chanteur Eddy Mitchell… Je suis sûr qu’il m’aurait comprise, s’il m’avait connue, qu’on se s’rait aimés, que nos corps nus et humides et nus se seraient entremêlés et pénétrés et qu’on se serait échangé nos fluides… et qu’Eddy il n’en aurait rien eu à secouer des petites testiboules qui pendouillent à la commissure de ma vulve… et qu’on se serait aimés…

Mais bordel ! Qu’est ce que j’ai fait ? Je suis la cliente cette fois et je reproduis le modèle que je subis au quotidien… De victime je passe bourreau, comme c’est horrible, je suis vraiment une ordure… Oh ! trois grands blacks en costume viennent me chopper par les épaules…. « Tant d’attention pour moi, mais c’est trop… » Je regarde leur belle tête de beaux mâles à la peau ébène, et je leur souris… mais eux, ne me sourient pas étrangement… ils me serrent fort et me tirent vers la sortie et mon chariot se renverse en plein milieu de l’allée… et tous les condiments explosent par terre… çà doit être çà l’amour ? C’est bizarre…mais ils n’étaient pas noirs tout à l’heure, les 3 gaillards qui m’ont choppé par les épaules ? pasque là, c’est bizarre, c’est trois mamies au teint pâle qui me tirent par le col… Et leurs yeux changent de couleur… ah mais leurs cheveux aussi sont bizarres… Ils poussent puis tombent… et elles grandissent et elles rapetissent… prennent des kilos et en perdent… « Non ! Non ! Va-t-en ! Ne vient pas hanter mes fins de semaines ! Va-t-en loin Bonhomme Jackpot ! »