Dans ma bulle (dark mix)

Le 12/06/2006
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par Aka
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Dossiers / Remix
Bonne idée de remix : Aka choisit le texte le plus bienheureux et le plus positif de la Zone, et le retaille en version sombre et dépressive. Chaque phrase est détournée et réutilisée au profit d'une litanie funèbre et désespérée. Avec le texte d'origine, lui-même bien écrit et intéressant, on obtient un chouette dyptique basé sur l'opposition systématique entre bonheur et désespoir, entre lumière et ténèbres.
[ remix de Dans ma bulle de Nounourz ]
Le Néant m’appelle.

Le monde est pareil à lui-même, chaque jour, désespérément normal. Je regarde sans cesse ma fenêtre, la dernière issue, celle que je me réserve pour « le » voyage. J’attends juste le moment où mon esprit me criera « ce coup-ci c’est la bonne, tu n’as désormais plus rien à attendre. »

Qui crois-je tromper en disant cela ? Pas moi… Cette voix, ça fait longtemps qu’elle a résonné, qu’elle résonne encore, sans cesse. Mais qu’importe. La mort n’attend pas qu’on l’accepte totalement ; elle est là, présente, mon essence. Vivre pleinement sa mort ne demande qu’une unique précaution : refuser de gérer le moindre « petit soucis de la vie quotidienne ». Ceci étant assuré, je peux la contempler quel que soit le contexte : chaque détail, chaque bruit, devient un puit sans fond, sans sens, une langueur inconnue des autres êtres, à la frontière de l’humainement supportable ; chaque seconde de mon existence a un goût de souffrance infinie.

Le Néant m’appelle. Je veux aller pourrir dans ma fosse.

Dans ma fosse, le monde sera ténèbres et je respirerai la boue qui me recouvrira - jusqu’à ne faire qu’un avec ma fosse. La terre aura le goût de la putréfaction, et je la vomirai tant que je le pourrai encore, retardant ainsi le moment où elle me prendra complètement. Les pensées n’existeront plus peu à peu, elles s’enfuiront avec mes derniers cris. Elles n’auront plus rien d’humaines, juste des pulsions de Moi s’entrechoquant pour redevenir raisonnées, mais rapidement anéantie par la douleur et la panique.

Dans ma fosse, je lutterai de toutes mes forces contre les préceptes qu’on a pu m’inculquer, toutes les émotions réflexes de mon âme, tous les souvenirs de mon esprit ; et bientôt, les liens qui me rattacheront encore à cette existence insipide se déferont un à un et laisseront place à ce que personne n’est susceptible d’envisager : le vide.

Chaque seconde de vide sera ma récompense pour avoir supporté d’avoir vécu. Ma vie prendra alors un sens, là, étouffant, baignant dans ma pisse et ma gerbe, retrouvant ma nature animale, parce que la mort se fout bien des apparences. Je serai un animal en train de crever. Je serai un corps qui ne fonctionnera plus. Je serai un amas de chair bientôt putride. Je ne serai rien. Les mots perdront leur sens, seule la vérité du corps sera immanente. Le monde est une vaste fumisterie, le monde est une vitrine composée d’espoirs, de peurs, de joies, de peines, de vies en somme, qui tente péniblement de masquer la vérité de nos corps qui pourrissent. Parce que nous ne sommes que ça, des corps qui pourrissent, sauf que moi contrairement à vous, pauvres pantins aveugles, je ne raterai pas une miette du spectacle.

Dans ma fosse, je finirai par fermer les yeux, et bientôt les ténèbres remplaceront les couleurs tourbillonnantes de ce monde bien trop bruyant. Je ne verrai pas apparaître ici et là des formes connues, des visages, des objets, parce que j’en aurai rien à foutre : il n’y a rien de plus personnel, voire même d’égocentrique, que de mourir. Je n’entendrai que les craquements et les gémissements de mes organes se révoltants, délicieuse torture pour mon cerveau déchiré entre son instinct de survie et l’acceptation de sa fin. Et il essaiera une dernière fois : mes mains vont sans doute essayer de creuser, mes yeux de pleurer, mes poumons de respirer, ma bouche de hurler ; toutes mes cellules en panique qui se sépareront et se rejoindront, s’appelleront, se répondront… Elles sembleront suivre un plan d’urgence qui leur est propre. Et puis il comprendra, ce cerveau devenu inutile, il ordonnera de cesser tout combat afin de profiter des dernières secondes d’armistice. Et il s’éteindra.

Ma fosse ça sera tout ceci et bien plus encore, et malgré mes efforts, les mots sont vains pour laisser entrevoir le moment extatique que j’y vivrai. Le seul moment que je n’aurais jamais vécu.

Achevez-moi…
Je veux y aller…
Je veux pourrir dans ma fosse…