Nous (ode bactériologique)

Le 17/07/2006
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par nihil
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Dossiers / Remix
On est jamais mieux remixé que par soi-même. Le texte était une litanie sombre et confuse, assez peu compréhensible, cette version est encore bien pire. C'est un véritable chaos de mots entrechoqués, de la poésie en prose brutale et hallucinée, hypnotique, à peine lisible. Structures de phrases déformées, répétitions obsessionnelles, ça devrait saouler la plupart des gens.
[ remix du texte Nous ]
Nous, innombrables, cent et mille égarés, mille et dix mille enfermés dans le ventre d'une métropole mort-née. Nous, amnésiques volontaires, muets pour le principe, aveugles par nécessité. Nous, dont le nom fut rayé des listes, dont l'existence fut niée, nous à jamais tenus pour morts. Nous, mille dormeurs à qui on a refusé le droit de rêver.

Nous, captifs de toute éternité, errant sans fin dans une prison dévastée aux murs irréguliers. Nous, intouchables douloureusement terrés dans les recoins de vastes plaines concentrationnaires. Nous à jamais emmurés dans le silence des abîmes, prisonniers de caveaux aux proportions de cathédrales. Nous, qui marchons sur les corps de nos frères tombés avant nous. Nous qui hurlons notre faim et nous qui pleurons nos morts, nous qui geignons interminablement nous dans une langue qui n'existe plus.

Nous, une seule âme disséminée dans mille organismes, une conscience unique mécanique pour mille esclaves interchangeables. Nous bêtes endoctrinées au sein d'un troupeau sans contours, qui s'enroule à l'infini sur lui-même. Nous cloîtrés dans la nuit des temps. Nous, mille fous illuminés par le soleil de la connaissance, nous mille dévots auréolés par la divine lumière pathologique. Nous, éphémères flammèches de vie vouées au vide. Nous courrons à l’extinction sans nous retourner. Nous, nos errances asynchrones, nos songes faméliques.

Nous nous ressassons sans arrêt les mêmes histoires exsangues, nous nous agonisons sans force nous nous, l'agonie court sur nous, nous suturons nos blessures nous chérissons l'infection nous bénissons nos maladies. Nous mille pestiférés courbés jusqu'à terre et nourris d'ordure. Nous notre désagrégation n'est que l'aboutissement d'un processus démarré par notre éveil, nous rien ne nous sera épargné non nous non rien.
Dépérisse le vent, dépérisse le béton, dépérissent les chairs et meurent et crèvent et se disloquent sous l'insoutenable poids qui nous écrase, nous tombons au sol et nous couvrons nos oreilles nous gémissons nos tympans saignent. Nous. NOUS. Nous. NOUS. Nous ne savons rien nous ne connaissons rien nous ne savons rien nous ne connaissons rien.
NOUS mille organismes stériles, mille ombres tapies dans l’ombre, NOUS chirurgiens affamés, NOUS nous chiens aux abois. NOUS mille adorateurs anormaux, mille voix souterraines. Nous NOUS mille proscrits mille cœurs corrompus. Nous présences détraquées qui gangrènent les rêves des comateux. NOUS corps putréfiés NOUS machines ensanglantées nous perdus perdus égarés. Nous, cent et mille, dix mille et cent mille, innombrables.

Nos paumes collées sur nos yeux, nous appuyons, nous ne voulons pas voir. Personne ne nous empêchera d’être ce que nous sommes, la cécité notre béatitude. Non, nous ne voulons pas voir. NON, NOUS NE VOULONS PAS VOIR. Notre handicap, notre force. Famine, famine.
Et nous verrons la planète sous nous nous nous multiplierons jusqu'à faire éclater notre prison. Nous nous nous savons qu'il n'existe plus d'autre monde que le notre.
Nous nous viderons de notre âme comme de nos entrailles séchées, nous nous éventrerons en d'obscures cérémonies hébétées nous nous fascinés par le spectacle de notre propre destruction. NOUS NOUS déités anciennes et enterrées, jetées en masse dans les charniers mouvants, NOUS NOUS multiplierons à étouffer, hurlant d'une même voix terrorisée NOUS envahirons les limbes décomposées NOUS frapperons les murs de notre prison jusqu'à les abattre NOUS NOUS déborderons NOUS NOUS dédoublerons encore et encore et encore NOUS NOUS répandrons sur le monde NOUS NOUS saccagerons tout ce qui est connu à ce jour. Nous. NOUS. Nous. NOUS. Nous. NOUS Légion. NOUS croîtrons jusqu'à ce que tout autre forme de vie disparaisse, entendez nous, entendez NOUS NOUS ENTENDEZ NOUS. NOUS la rage nous possède NOUS sommes la maladie ET NOUS sommes la putréfaction et la tourmente déchaînée, d'une fièvre aveugle et vengeresse nous contaminerons la réalité et l'entraînerons dans le néant NOUS NOUS NOUS.