Golden Boy

Le 24/07/2006
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par MantaalF4ct0re
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Thèmes / Débile / Sarcastique
C'est de la bonne critique sociale bien démago, avec un riche homme d'affaires en guise de requin véreux... Rien de neuf sous le soleil, hormis que Mentalfactor s'attaque plutôt à la dentition de ce personnage qu'à son sens moral. En fait c'est plutôt de la grosse déconne que de la vraie satyre, avec quelques vannes d'une stupidité qui interloque. Une fable moderne vérolée à l'humour pitoyable.
Tu as un si joli sourire. Dis, allez…donne le moi!
Au cours du pot accompagnant l’une de ses soirées de « bienfaisance » au profit de la lutte contre l’acné au Nigeria et la diarrhée chronique foudroyante aux îles Caïman, j’eus l’immense privilège de découvrir M.R…, le (paraît-il) célèbre et richissime homme d’affaires, issu d’un lignage aristocratique très ancien. En effet, son plus lointain aïeul avait eu la chance d’assister à l’une des toutes -premières projections cinématographiques en couleur, ce qui m’a été expliqué en guise justification de la présence d’une bonne centaine de tableaux d’ancêtres ornant les murs de sa villa monégasque, ce dont à vrai dire, je n’avais strictement rien à secouer. Ce qui me frappa davantage, et d’emblée, c’est l’imposante quantité d’or qu’il portait dans la bouche.
    Ainsi, à chaque fois qu’il marquait une pause dans une phrase, il dégainait un large sourire(intégralement doré, de surcroît, ce qui rendait encore plus folklorique ce tic suffisamment agaçant en lui-même). Bien qu’affligé d’une légère myopie, j’abandonnai vite l’hypothèse selon laquelle ce type-là n’avait jamais croisé une brosse à dents de sa vie, et m’effrayai intérieurement à l’idée du terrible accident de la circulation ou du formidable passage à tabac dont il avait, selon toute vraisemblance, fait les frais. Tout en trouvant assez étrange de sa part d’avoir préféré l’or à la céramique blanche et, par conséquent, plus discrète.
    Je fis part de cet observation à l’une de mes relations qui était bien mieux informée que moi, pauvre touriste, qui ignorais l’existence de ce M.R…jusqu’à la semaine précédent la soirée. Eh oui, j’avais eu la bêtise de ne pas connaître l’importance de cet individu dans le monde des élites économiques, son groupe étant détenteur de grandes firmes aussi bien dans les domaines des constructions automobile,immobilière, aéronautique, que dans ceux des armes, des carburants, de la création de logiciels informatiques, de produits pharmaceutiques, et même des harengs surgelés. A ma remarque portant sur la singulière dentition, l’ami en question me répondit qu’il n’en avait pas toujours été ainsi, que jusqu’au printemps dernier le « golden boy » avait été équipé de protèses blanches mais par coquetterie, ou désir ostentatoire, les avait fait ôter afin de les remplacer par d’autres en ce précieux métal.

    Quant à la raison pour laquelle M.R…, surnommé par ses adversaires « Ze Requin » (bien injustement , d’ailleurs : un vrai squale, sauvage , dont les dents repoussent sans cesse, ne tue, ne démolit que par faim, non par plaisir dérisoire de posséder plus qu’un autre…la possessivité, la plaie de ce qu’on appelle l’humain), quant à la raison pour laquelle, dis-je, ce pauvre bougre était affublé de si seyants artifices, je dois admettre qu’elle dépassa les limites de mon imagination, pourtant déjà bien tordue à en croire mon ex.

    M.R…, petit garçon, arriva à l’âge auquel les premières dents de lait ont coutume de tomber pour laisser place à d’autres, en principe définitives et plus robustes.Pas d'échange standard. Même avec un décolleté, une mini jupe et du gloss. Faut en prendre soin. Comme à beaucoup d’autres jeunes être innocents et crédules, on lui raconta qu’une petite souris passerait s’il plaçait une dent fraîchement déracinée sous son oreiller avant d’aller se coucher et,O Grand Prodige, la petite souris lui apportait effectivement à chaque nouvelle chute de dents, en catimini, pendant son sommeil, une ou deux pièces de monnaie, selon qu’elle était bien lunée ou non, cette grosse pute ! Quelle joie pour le garçonnet d’avoir son propre argent et d’avoir la capacité dans quelques temps, grâce au concours d’un bienveillant rongeur, de s’établir progressivement un petit capital de merde comme Papa, et éventuellement, comme Maman, de l’investir dans des paires de chaussures et sacs à main !
    Hélas, ces temps bénis où les dents tombaient régulièrement eurent une fin , et le doux espoir de revoir un matin ou l’autre quelque vestige d’une visite nocturne de la petite souris commençait à s’amenuiser chanmé lorsque Ze Futur Requin, déjà dur en affaires CMBDTG , décida de ne pas se laisser manger, et de reprendre la situation en main. Sa fortune ne pouvait décemment pas se limiter aux cent quatre francs et quinze centimes qui gisaient au fond de son coffre-fort blindé, une tirelire à l’effigie de Zorro (le vengeur masqué) !
Noooooooooooooooooooooon !
C’eût été trop cruel.
Et injuste.
Et insupportable.
Et incommodant.
Et discourtois.
Et un ! et deux ! et trois zé-ros ! allez gueulez bien les cons…..panem et circenses..
Bref.
Dans une boîte à outils qui traînassait dans le garage de ses parents, il s’empara un beau jour, furtivement, d’une pince plate et sut instantanément, au plus profond de son être, que ce petit bout de métal gris était le bon, qu’il raménerait sans aucune peine chez lui la petite bête tant idolâtrée, et surtout ses pièces de deux, cinq, voire dix francs !
Aussi il la cacha sous son oreiller en attendant le moment propice à la réalisation d’un projet dont lui seul avait le secret, et qu’il s’était juré de ne jamais révéler à personne pour rien au monde, cette combine étant à elle seule suffisante pour l’enrichir indéfiniment, Lui, le Génial et Richissime R.R.
Ah Ah Ah Ah Ah Ah Ah
Oh Oh Oh Oh Oh Oh Oh
MOuah ah ah ah ah ah !
Fin bref il a bien rigolé-comme-Gargamel-quand-il-a préparé-un-bon-coup-de-pute-pour-les-Schtroumpfs, à la télé.
Le soir venu, après le dîner avec ses parents, comme d’habitude, il monta se brosser les dents. Jugeant que le grand moment était enfin venu, il courut chercher dans son lit la pince magique et s’enferma dans la salle de bain.
Là, armé d’un grand sang-froid et de son petit outil de bricolage, il se posta au- dessus du lavabo,devant la glace, et attrapa du bout de la pince une incisive. Serra. Tira de toutes ses forces, la remuant successivement en direction des quatre points cardinaux et , stoïquement, dominant sa douleur, oubliant les larmes qui lui piquaient les yeux et lui brûlaient les joues, il arracha la dent puis, non sans l’avoir longuement contemplée et pu savourer avec délice son exploit au préalable, il la déposa délicatement dans une poche de sa robe de chambre.
Après quoi il reprit le cours des opérations et, les mains ruisselantes du sang de ses gencives, qu’il ne percevait même plus tellement la souffrance lui était devenue banale, pendant presque une heure, il s’arracha ainsi l’intégralité de sa dentition.

Ensuite, un peu fatigué, il rinça le lavabo, se lava les mains, et se dirigea vers sa chambre.

Arrivé au bord du lit, il souleva l’oreiller et, avec des manières toutes religieuses, rangea en dessous d’icelui son petit tas de dents encore à-demi recouvertes d’un sang maintenant plus ou moins noirâtre ; il se coucha satisfait, « le sourire aux lèvres », et parvint tant bien que mal à s’endormir, en compagnie de sa peluche, Babar (le Roi des Eléphants), qu’il serra contre lui un peu plus fort que d’accoutumée, parce que cette fois, il avait vraiment davantage besoin de bisous.

Ce n’est que le lendemain matin que, l’ayant entendu pleurnicher que la pefife fouris éfait méfanfe , une fale pupfe , quf’elle f’éfait moqufée de lui , fes farentsn fe renvirent compfe qufe leur fif n’avait plus v’aucune vent.
Et f’éfait vien emvefant.
Embêtant.

Au spectacle accablant de cette figure barbouillée de sang caillé, et à la vue des taches immenses qui maculaient l’oreiller humide de l’ahuri de service, sa mère manqua de peu de tomber en syncope.
Ne réalisant ce qui était effectivement arrivé que quelques instants plus tard, tellement cela paraissait invraisemblable, le père, horrifié lui aussi, emmena sur-le-champ son galopin chez un dentiste qui fut, d’ailleurs, la dernière personne à faire d’excellentes affaires avec le jeune R… ce jour-là (Une fois n’est pas coutume).Lui ayant posé trente deux couronnes en or (les seules dont il disposait en nombre suffisant pour avoir un jeu complet uni.), et ayant immortalisé l’instant sur pellicule (autant en faire profiter confrères et famille), le brave dentiste le laissa repartir chez lui via la pharmacie de garde (les cachets à l’opium s’avéraient souhaitables..), dès qu’il eut achevé son installation, c'est-à-dire à la tombée de la nuit.
On pourrait alors penser que,comme toute personne normalement constituée, le jeune charcutier en aurait tiré une bonne « lefon ».

Fefenvant, il n’en fut rien.

Aussi, quelques mois plus tard, après avoir appris que les nazis avaient fait fondre les dents en or des Juifs exterminés pendant la guerre afin d’en tirer des liquidités, l’incorrigible farceur récidiva . Cette fois l’affaire fut dans le sac en quinze minutes chronos, les médocs aidant, tout comme l’absence de vascularisation. Cependant aucun bijoutier n’ayant souhaité acquérir les dents dorées, R…dut se résoudre à les céder pour une « bouchée » de pain à un antiquaire peu scrupuleux.

Aujourd’hui encore, du fait de sa rancune tenace envers la petite souris, on raconte que ses maisons et appartements des quatre coins du monde sont infestés de chats, de pièges à rongeurs, et de mort-aux-rats.