Metro retro

Le 29/07/2006
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par Nico
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Thèmes / Débile / Divers
Dans un premier temps, j'étais pas bien sur de comprendre. Nico nous décrit une scène étrange, presque surréaliste, à base de métro et de femme à poil. Et ensuite j'ai compris : tout ceci est complètement con. Ca a probablement une connotation un peu poétiquen ou un peu philosophique, des trucs de tarlouze comme ça, mais pour un zonard lambda c'est surtout tout à fait idiot.
Le distributeur de boissons vide : Je vais vous dire ce qui se passe en ce moment même. Vous êtes nouveaux, vous ne remarquez pas encore, vous ne voyez pas encore ici. Moi la machine je sais. Voilà ce que vous voyez : un quai de métro presque vide et mal éclairé , on est en début d'après-midi, avec tout de même quelques grand-mères avachies par le poids de leur déjeuné.
Maintenant je vous dis ce qui se passe sous vos yeux, sans que vous le perceviez. Une jeune femme déboule sur le quai, visiblement perdue. Elle a les yeux bleus. Elle est vêtue d'une jupe bleue, d'un haut serré bleu, de chaussures bleues et d'un chapeau bleu -avec une plume, noire. Elle a les cheveux blonds.

Elle est perdue mais n'a pas l'air inquiète ou stressée. On dirait plutôt qu'elle est un peu excédée, comme si un bambin lui avait fait un mauvais tour qui l'empêche de trouver la sortie. Les panneaux d'affichage sont trop crasseux, trop rongés, trop usés pour qu'on puisse y lire quoi que ce soit.

D'un air résigné, elle dégraphe son chemisier bleu, le plie avec soin -pour qu'il n'y ait pas de plis- et le pose par terre. Elle retire son soutien gorge bleu, en dentelle, et le dépose par dessus son haut avec autant d'attention.

Ensuite elle fait doucement glisser sa jupe bleue, dévoilant une culotte en soie bleue, qu'elle retire délicatement. Elle ne porte plus que son chapeau et ses chaussures bleus. Avec précaution elle enleve le premier et déchausse les secondes. Elle ne fait aucun bruit et pourtant on entend raisonner l'écho de ses gestes

Complètement nue, elle se penche pour réordonner le petit tas bleu. La jupe bleue ne doit pas froisser le chemisier bleu. Les talons bleus des chaussures bleues ne doivent pas abîmer la dentelle bleue des sous-vêtements bleus. Le chapeau bleu doit être posé bien droit pour que la plume noire ne se plie pas.

Puis elle amène ses deux mains dans son entrejambe. Un petit bruit metallique se fait entendre. Elle ouvre une grande fermeture éclair qu'elle remonte droit jusqu'à son front, puis, avec son autre main, elle redescend dans son dos. Ensuite elle sort tout naturellement de sa peau qu'elle plie soigneusement. Il ne faut pas abîmer sa coiffure.

Le corps commence alors à retirer méthodiquement ses entrailles, il déboîte ses muscles et les pose au sol, déroule ses intestins, retire ses reins, enlève ses yeux, dénoue ses veines, dégage ses poumons, décroche son coeur, déconnecte son estomac, attrape son pancréas, décharge son foie, découvre son cerveau, décolle sa graisse, dévisse ses ovaires, prélève ses tyrroïdes, extrait ses tympans, râcle ses sinus, ôte ses artères, prend sa langue, détache sa vessie ... Cela produit des sons doucement électriques.

Un peu plus loin une vieille dame soupire : "de mon temps on ne se serait jamais permis de faire des choses comme ça en public". Une autre lui répond sur le même ton "oui, c'est dégoûtant. Il faut espérer qu'elle ne salira pas le quai". La grand-mère fait le geste qu'elle accomplit depuis trente ans qu'elle est sur ce quai : elle tente de dégager ses pieds englué dans l'asphalte mou du sol. Rien à faire. "Il est déjà assez sale". L'autre approuve.

Les autres gens, comme vous, ne remarquent rien. Les nouveaux arrivés, les esprits rationnels et modernes ne peuvent voir ça.

Pendant ce temps le corps, devenu un véritable squelette, a fini de se vider de ses entrailles, qu'il range avec soin. Le cerveau ne doit pas écraser les yeux. Les artères doivent être bien enroulées pour ne pas se tordre. Le pancréas ne doit pas se perdre dans le foie.

La moëlle épinière commence alors à se libérer de ses carapaces d'os. Elle déboîte ses fémurs, ses homoplates, ses tibias, ses radius, ses clavicules, ses zygomatiques, ses métatarses... et en dernier le crâne. Ne reste plus alors qu'une tige brunâtre qui range les os en un petit tas bien ordonné pour ne pas perdre les petites phalanges et les minusclues os des pieds.

La tige brunâtre prend alors le chapeau bleu à plume noire et fait rentrer le tout dedans, peau, entrailles et os. Alors que l'épine dorsale se rigidifie, elle enfile le costume bleu. Petit à petit elle devient dure et noire, se transformant en un vrai porte-manteau.

Enfin une petite étiquette du pressing sort de la poche du costume bleu, tout en y restant accroché. On peut lire dessus, en écriture bleue manuscrite :

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Je suis perdue.
Si vous me trouvez, merci de
me déposer chez moi...
24 rue du Docteur Livingstone,
je suppose.
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