547 morts, mais combien de larmes?

Le 30/07/2006
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par Sot-Viet
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Thèmes / Obscur / Nouvelles noires
Une unique scène de massacre dans un village, qui perd son impact du fait qu'on ne sait à peu près rien du contexte. Du coup, ça fait un peu gratuit, et on ne retire pas grand-chose de cette mosaïque de scènes trop peu développées. Ca ce veut assez émotionnel, mais ça ne passe pas bien. Ca aurait peut-être été plus valable avec une vraie intrigue sérieuse.
La brume plane encore dans mon esprit. Comme elle planait cette nuit-là. Les ténèbres illuminées par le feu qui dévorait les récoltes. Le silence brisé par les coups de feux, au loin.
Le premier à pleurer fut le doyen du village. Il contemplait son village rasé, incrédule. Laminé.
Il fixait les deux rangs de ses yeux embués.

Les femmes et les enfants d'un côté.
Les hommes de l'autre.

Tout était mélangé. Les troncs d'arbres, les troncs humains. Là un bras. Ici, une jambe. Un pneu.

Au fur et à mesure, les deux rangées se raccourcissaient, et l'amoncellement de corps grossissait.

Ceux qui tentaient de se rebeller étaient tués sur le champ à coups de machette. Les plus lâches achevaient les hommes à coups de revolver, en clignant des yeux à chaque pression sur la détente, les plus téméraires fracassaient sans sourciller les crânes des nouveaux-nés arrachés à leur mère sur les murs de la vieille école.

On ignorait tout des bourreaux.
Pas un sourire, pas une larme. Aucune émotion ne transparaissaient sur leur visage.
Mais il avait cette sorte de précison dans leurs gestes.
Quelque chose d'étrange, une détermination morbide. Une balle, une âme.

Parmis ces paramilitaires, il y avait un jeune homme blanc. Grand et fin. Cynique. Béret noir.

Les enfants pleuraient, couraient sur la route en soulevant des volutes de poussière, ou se tordaient sur le sol, une atroce mimique sur le visage. Certains dans les bras de leurs mères qui les serraient fort, si fort, de peur de les perdre à tout instant, d'autres, le regard larmoyant et perdu, à la recherche de leurs parents assassinés. La résignation de jeunes amoureux, qui s'aimaient pour la dernière fois à travers l'espace séparant les deux rangs. Bientôt, l'un des deux verrait l'autre mourir.

- Tiens bon. Tiens bon !
On lui coupa la langue, pour l'exemple, ou pour rendre le suplice plus amusant. Finalement, on lui trancha la gorge.

Les filles les plus belles étaient mollestées, et amenées dans la forêt. Cette nuit-là, cette colline désormais perdit son innocence et vit la leur s'envoler, disparaître dans les ténèbres, entre les arbres. Comme mon premier cerf-volant. Cette colline était maintenant plongée sous les gémissements et les pleurs de mes sœurs et de ma nourrice, celle qui m'avait appris le Français.

"Bijoux, cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux, poux."

Je me souviens, lorsque je vis mon père se faire abattre froidement. Je me rappelle du regard de ma mère.

"Il y avait des chats ! Des Rats ! Et des éléphants, des joyeux reptiles et des jolies moutons blancs"

Cette peur. Celle qui vous noue l'estomac, celle qui vous paralyse, celle qui s'empare de votre être tout entier. Vous n'êtes plus vous-même, vous n'êtes fait que de cette peur.
Caché entre ses jambes, je me suis aggripé à son jupon.
Sa chaleur, ces petits pas pour se cacher des tireurs. Ma mère.

Doucement.

- Va à Ardamata... Va, et souviens-toi.
Puis le silence.

Telle une seconde naissance. Lentement, elle m'obligea à sortir, me chassa à petits coups de pied. Un ultime sourire, les larmes dans ses yeux. Les petits pas qui m'éloignaient d'elle.

J'avançais, observant les éxécutions de mes yeux souillés, sans comprendre vraiment. Personne ne me prêta attention.

J'étais maintenant seul au beau milieu de tout ce monde, seul mon souffle me distinguait des autres.

Cette nuit m'a apporté son lot d'ivresse et de violence. Elle m'a apporté ce goût de haine, un mélange d'eau et de sel qui parfois roule sur mes joues. "Sans raison". "Pour rien".

J'ai longtemps cherché des explications, qui se sont vite transformées en excuses au fil du temps. Des prétextes pour justifier mon devenir. Béret noir faisait déjà partie de la brigade, avant d'en prendre la direction. Mais je ne l'ai appris que bien plus tard, par ta mère.

Oublier, si possible. Mais pardonner, jamais.

Voila pourquoi, je n'aime pas la guerre, Léontine. Et c'est tout cela qui m'amène ici, aujoud'hui, a combattre a tes côtés.

//transition noire et fin, piste audio entre flash back et retour cadrage sur le feu de camp, comme le feu de camp du genocide du debut, puis transition noir. clap de fin. fin du troisieme episode et crédits.