Deuxième dialogue

Le 02/08/2006
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par 222
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Putain j'adore. Je sais pas si ça fait de moi un maldororien attardé, un crypto-dépressif voire une néo-gothopouffe. Mais j'adore. C'est volontairement appuyé sur l'agression acerbe et déclamatoire, c'est organique et tortueux, la lecture est pleine d'embûches et de chausse-trappes, mais c'est bô.
- « Je suis fière aujourd’hui car j’ai progressé, Viscère. Pendant que tu bafrais, pendant que tu commémorais la naissance d’un souffrant, d’un pur et d’un parfait avec tes chairs immondes, sales, grasses et putréfiantes, pendant que tu te souvenais, en toile de fond, de la Cène où il partagea l’eau et le pain, et que devant cette scène décorative, toi, au premier plan, et tes semblables, apôtres du trop-plein, vous communiiez, buvant vos huiles à même les cuillers, imbibant votre pain des graisses hyperboliques d’oiseaux que vos pareils auront gavé des semaines durant, les faisant semblables à vous afin que vous puissiez vous y mirer en les mangeant, oui, vous communiiez, rotant, riant, donnant à tous à mirer leur visage sur le miroir de vos dents luisantes.
Tu bafrais, Viscère, croyant glorifier ton Dieu ; pendant ce temps les Saints jeûnaient, Viscère, les Purs se taisaient et se souvenaient du souvenir de l’âme, de l’esprit et de la Foi. Pendant ce temps je restais dans ma chambre, Viscère. Tu avais dit qu’au fond peu importait, que je n’aurais rien avalé, quoi qu’il en soit, avec ce que tu nommes maladie. Pendant ce temps, moi, Viscère, je souffrais ce que vous infligiez à votre humanité, je purifiais les corps et je bannissais les souillures que vous leur imposiez ; je vomissais ce que vous aviez dégluti. »

- « Tu dis n’importe quoi et je suis fatigué, il est six heures du matin, je me suis couché il y a deux heures. Qu’est-ce que tu veux encore. Tu as progressé, progressé en quoi ? »

- « Tu t’es couché vaincu par la fatigue, par la lourdeur et par ton corps, Viscère. Tu t’es assoupi comme on se couche face à l’ennemi. Couché comme un vaincu. Les Martyrs ne dorment pas, Viscère, les Saints restent debout jusqu’à ce qu’une lame coupe leur vie à la base du cou ; je ne me suis pas couchée, je n’ai pas non plus dormi, j’ai veillé, et j’en suis fière, ce matin. Ce matin, comme tous les matins, je me sens forte, infiniment plus forte que toi ; et ce matin, Viscère, avec toutes les preuves que tu m’as donné de ta laideur, toi et les autres du même sang que toi, ce matin, en plus, avec fierté, je te conchie la bouche. »

- « Ca va pas être facile, ma fille, avec ce que tu manges… »

- « Tu tentes l’humour, Viscère ? L’humour est le poing des lâches, Viscère. L’humour habité d’alcool, comme le tien ce matin, alors que ton dernier verre date d’il y a moins de deux heures, est lâche, mais laid au surplus. Je te conchie avec la haine de mon esprit, de mon âme, de mon crâne, Viscère. Je te conchie ta bouche des tréfonds de mon esprit et je te frappe à même ton cortex, pas comme les porcs de ton espèce qui ont besoin d’un corps pour vivre et besoin d’un anus pour conchier. Dans vingt ans tu vivras encore, Viscère ; dans vingt ans tu te souviendras de celle qui est née ta fille, et qu’elle te conchiait la bouche, et elle te conchiera toujours la bouche, Viscère, dans vingt ans. Et tu auras le goût de son fiel et de son chyle au fond de tes joues, et ce goût-là te fera pleurer, Viscère, pleurer, vingt ans après. La merde, on s’en lave. Ma haine, tu la garderas à jamais. »

- « Ma fille tu dois réfléchir à ce que tu dis, tu ne dois pas… »

- « La ferme Viscère. Digère, ton alcool, ta graisse si tu peux, ma haine si tu l’oses. »

- « Tu es folle, va dormir. Ah attends. Tu avais « progressé » : en quoi ? Tu as réussi à avaler un morceau de pain ? »

- « Digère, Viscère. »

- « Attends ! Tu… »