Voix

Le 06/08/2006
-
par Nico
-
Thèmes / Obscur / Autres
Un texte sur le néant, sous forme de dialogue. Sans faire de figures de style spectaculaires, Nico arrive à retranscrire une ambiance pesante étrange. Une voix pour le doute et la peur, une voix pour la fatigue résignée et la détermination. C'est un peu abstrait et ça aurait pu être encore plus désespéré, mais y a un vrai relent de mort et de fatalité.
Voix dans le néant
-    Tu es toujours là ?
-    Bien sûr. Où veux-tu que j’aille ?
-    Je ne sais pas. Tu veux toujours courir, je ne suis pas sûr qu’il faille…
-    On en a déjà parlé. Nous sommes sur la bonne route. Avançons.
-    Attend ! Comment le sais-tu ?
-    Je le sais parce que je le sens. Cherche au fond de toi. Tu sens l’envie de continuer ?
-    Non… Au fond de moi, je ne sens que la peur. Je pourrais la toucher tellement elle est présente.
-    Je sais. C’est pareil pour moi. Mais ne sens-tu pas l’envie de continuer ?
-    Si, mais je me demande si je dois la suivre. Si je dois te suivre. Ce n’est pas une envie, c’est un besoin. Comment peut-on avoir « envie » de continuer à s’enfoncer dans ce néant noir et froid ?
-    Oui c’est un besoin. Impératif. Avançons.
-    Ne pars pas sans moi, attend et écoute. Peut-être sommes-nous allés trop loin.
-    Trop loin ?
-    Oui. Si loin qu’il n’y a plus rien. Tellement loin qu’il n’y a plus que la peur… et le besoin.
-    Et alors ? C’est peut-être le mieux…
-    Non ! Non ! Non, ce n’est pas bien ! Ce n’est pas naturel de ne pas avoir peur !
-    Rien n’est naturel ici.
-    Il fait tellement noir… Si encore on pouvait voir ce qui nous entoure…
-    Il n’y a rien autour. Avançons.
-    Pourquoi ?
-    Parce qu’on ne peut faire demi-tour.
-    Je ne suis pas sûr de pouvoir faire demi-tour. Mais je sais que si nous faisons encore un pas, il est sûr que je ne pourrais plus.
-    Même si on décidait de repartir, par où irait-on ? Il n’y a pas de sens, il n’y a pas de direction. N’importe où que tu marches, tu ne fais qu’avancer.
-    Dès mon premier pas je savais que je ne pourrais revenir en arrière.
-    Nous sommes condamnés à continuer.
-    On pourrait rester ici, immobiles.
-    Et que ferais-tu ?
-    Que veux-tu faire plus loin ?
-    Vivre.
-    Tu n’as pas encore compris… Dès l’instant où nous sommes venus ici nous avons cessés de vivre. Dès le premier pas. Nous avons avancé aveuglément en cherchant à retourner dans la vraie vie, sans nous rendre compte que chaque pas nous en éloignait un peu plus. Tout est joué depuis longtemps.
-    J’ai peur de ne plus jamais vivre.
-    Ah…
-    Tu m’as dit que tu avais peur aussi… Moi je n’en veux plus. Je sens bien que chaque pas m’éloigne, mais chaque pas détruit ma peur. La peur c’est un sentiment de vie, et c’est tout ce qu’il nous en reste… Il ne nous reste que la peur. Le côté de la vie le plus haïssable. Je ne la supporte plus, quitte à perdre ce qu’il me reste de vie, je veux m’en débarrasser. Viens, avançons.
-    Non, attend…
-    Je ne veux plus avoir peur. Avançons, viens.
-    Non. Moi je n’ai pas peur de ça. Je sais bien que nous ne vivrons plus jamais, c’est une certitude. Regarde autour de nous, c’est le néant. Nous-mêmes nous nous désagrégeons… J’ai l’impression de perdre de la matière. Alors je n’ai plus qu’une peur. C’est d’être seul. Tu es là, nous parlons, ça c’est la vie. Si tu avances encore tu perdras ça. Oui ma peur c’est que tu partes et que je sois seul pour l’éternité dans le noir…Cette peur là me ronge comme de l’acide dans les tripes… Pas toi ? … Tu es toujours là ?