VRP attacks

Le 20/06/2002
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par nihil, Tulia
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Thèmes / Débile / Disjoncte
Tulia et nihil signent à quatre mains un cartoon gore et speed, au style empreint de celui de ses deux auteurs au point qu'on a du mal à discerner qui a écrit quoi. Drôle et violent, il raconte les aventures de Tulia aux prises avec un représentant envahissant.
(par Tulia et nihil)

La journée au boulot a pas été terrible. Fait pas super beau, mais ça va encore, je rentre chez moi, beaucoup de monde sur la route. Ca me tue à chaque coup. J'ai hâte d'arriver enfin chez moi. Tout l'appart à ranger et j'ai aussi envie de passer du temps sur internet. Donc faut que je me mette au ménage rapidement.
Je passe le pas de la porte, pose mon sac par terre et mon courrier sur le meuble de l'entrée. Même pas le temps de faire le tri dans le courrier et on cogne à ma porte (pensée : putain mais qui vient encore me faire chier ??). J'ouvre la porte : un mec sur mon paillasson. Vu la façon dont il avance vers moi pour me parler, je sens le commercial en vadrouille. Bingo !
Si j'avais su à ce moment-là que je ne connaitrai plus la paix...
Il est beau, il est super bien sapé (dans le genre BTS Force de vente), et une vague de froid m'envahit quand il me fait son oeil de velours et qu'il m'étale ses dents blanches sponsorisées par Colgate devant le museau.

"M. Ducon Lajoie (jamais été foutue de retenir les noms des gens dont la gueule me revient pas, ça doit être physiologique chez moi), représentant pour la société de serrurerie MachinChose. Vous savez que le nombre d'effractions a sérieusement augmenté dans le quartier ? C'est pas croyable (pensée : qu'est-ce qu'il me veut lui ?). Vous voyez votre porte ? Un petit coup de tournevis dans le rond autour de la serrure et hop votre porte s'ouvre toute seule (pensée : euh ouais. Mais j'ai quand même une serrure trois points d'ancrage. Je vais rien dire, j'ai pas envie de parlementer), alors qu'avec notre système... Venez voir, tous vos voisisins du dessus l'ont fait installer."

Il parle assez vite, de manière qu'on ne puisse l'interrompre, mais son ton est toujous très mesuré, et a quelque chose d'apaisant et aussi de glaçant. Il bouge trop et trop vite, il me donne le tournis et m'embrouille, me prends par le bras pour m'entrainer dans la folle ronde du capitalisme à outrance. Youpi youpi.

Le mec commence à s'éloigner et attend que je le suive. Faut que je retourne chercher les clés (pensée : commence à me faire chier lui). Je ressors avec les clés, ferme la porte et on monte les escaliers jusqu'à l'étage au dessus. Et là, waou, toutes les portes blanches sont entourées d'un grand cadre noir. Le mec commence à m'expliquer comment sa merveeeille fonctionne. Il parle. Parle encore. Je trépigne salement. Il parle toujours. Aaaargh. Je commence à faire comme si j'en avais rien à foutre (pensée : d'ailleurs j'en ai rien à foutre). Il continue de parler. Ce coup-ci je montre des signes d'impatience très très clairs. Même cet âne et ses yeux fixes devrait pas être capable de les rater.
Et puis évidemment, il arrive au délicat chapitre du prix. Bonne technique pour vous vendre ce qu'ils veulent ces enfoirés de commerciaux à la con (pensée : je les hais).

Il m'entraine je ne sais où, tout en parlant. Rien à faire, pas moyen de me dégager. Je commence à me sentir un peu mal à l'aise. Je sens des besoins de meurtre s'allumer dans mon regard et inonder ma gorge comme de la salive épaisse et noire.

Un accord a été pris avec ma copropriété et nous bénéficions tous dans l'immeuble d'un tarif de groupe. Oh mon Dieu oh mon Dieu, que c'est exaltant. Par contre, au tarif normal, ça fait environ 1500 euros. Ma machoire tombe et mes yeux sortent de leur orbite.
Mais, (il se fout son plus beau sourire au milieu de la gueule) avec le tarif de groupe, on ne paye que 600 euros. Aaaah me voilà toute rassurée (pensée : 600 euros ? 4000 balles ? Il est fou lui, j'ai un PC à me racheter moi). Je refais le coup des yeux en lachant un timide "c'est encore beaucoup trop". Bizarrement, il a l'air de me trouver trop réticente.

Complètement parti dans son délire, il me parle alors des multiples possibilités de paiement, pendant que j'essaie de m'échapper plus ou moins poliment. Payer en une fois, en cinq fois. M'en cogne moi du meilleur moyen de payer puisque je veux PAS payer.
Je continue à lui faire une gueule pas spécialement aimable et je lui dis que j'ai pas les moyens, même en cinq fois. Alors, il me sort la botte secrète : certains dans l'immeuble ont payé en 10 fois sans frais (pensée : WAOU, putain, mais c'est miraculeux !!! J'ai pas que ça à foutre). Puis il continue à m'embrouiller le crâne. Moi : toujours pas l'air convaincue. Il me suggère d'aller voir ça au premier étage (pensée : ouais ben je l'ai déjà vu).
Descente au premier par l'ascenseur. BLABLABLA BLABLA BLABLABLABLA (pensée : putain mais qu'ils sonts lourds ces commerciaux de merde. J'ai peur).

Et au premier, rebelote : encore du blabla (pensée : je m'en tape le cul par terre, c'est fou, non ?). Puis on remonte au deuxième, devant ma porte. Je sais plus où j'en suis. Le gars sort que ça peut être fait très rapidement, les ouvriers sont encore là. Ben tiens. Je peux pas financièrement, JE PEUX PAS FINANCIEREMENT !!!
C'est le dernier jour où ça peut être fait parce qu'après les ouvriers s'en vont et ils rembarquent le matos. Nan, je peux toujours pas. Là, il s'approche de moi, comme pour me dire un secret : "bon, ça reste entre vous et moi, mais si vous voulez, j'ai encore un cadre en bas, je vous le fait gratos, il vous restera plus que la serrure à payer, ce qui baisse le prix à 550 euros". Là, une idée surgit : "j'ai des trucs à faire, vous pourriez repasser dans une demi-heure et je vous dirai si mes comptes me le permettent".

Pfffffiou, je rentre chez moi et je referme la porte. Je retourne à mon courrier. Même pas 30 secondes se sont écoulées et ça refrappe à la porte. Je rouvre. Le gars qui me tent un papier de sa société pour que ça soit censé me faire croire que c'est un truc sérieux. Eheheheheheheh on m'aura pas comme ça, pauvre con. Merci et à toute à l'heure. BLAM je referme la porte dans sa tronche de porc.

Moi : ordinateur, Winamp en route et je me choisis un bon morceau de musique. Je mets à fond et je pars attaquer la crasse de ma salle de bains. Pointe-toi dans une demi-heure, mon gars, c'est ça oui. J'entendrai que dalle.

Et pourtant j'entends. Derrière l'electro-industriel lancée à donf comme un train de marchandises, je ressens les coups contre ma porte. Je les ressens vraiment, je les entends pas au milieu des coups de boutoir incessants de ma musique, je les sens comme des vibrations dans le sol. Putain, mais il se passe quoi, là ?

Je me relève de la baignoire, mon Cif à la main gauche et l'éponge dans la droite. Nouveau coup contre la porte d'entrée. Je sursaute, balance le Cif et l'éponge dans la gueule de la baignoire et me rue à la porte pour faire cesser ses conneries à ce con. Il commence vraiment à me gonfler cet abruti et, la musique me montant à la tête, je suis d'une humeur abominable. Dans l'entrée, je m'arrête en remarquant le chambranle à moitié explosé. Qu'est-ce que... Pas le temps de penser plus avant, la porte se rabat brutalement contre le mur, qui en pleure des gravats de papier peint et de poussière. Je hurle.

Le commercial apparait dans l'embrasure, ange noir au sourire en piège à loup. Impeccable, pas une goutte de sueur après cet exploit. Putain. Il avance sur moi d'un pas leste et je panique.
- Alors, vous avez réflechi ? demande-t-il de sa voix de crooner.
Je me barre. Qu'est ce que c'est que ce malade ?
Il me rattrape dans le couloir qui mène au fond de l'appartement, marche sur le chat sans la moindre arrière-pensée. Celui-ci crache du sang par les deux bouts. Me chope par une aile.
- N'oubliez pas que vous pouvez payer en dix fois sans frais, me feule-t-il aux oreilles, moi je me débat et je comprends plus rien. Mais en plus d'être beau, il est fort ce fou furieux. Il me maitrise comme si je n'était qu'un paquet de linge sale et cordialement me rappelle :
- Et que je vous ai quand même consenti une belle ristourne !
Ah ouais ? Prends donc déjà ce coup de genou dans les valseuses, connard ! Je lui échappe, mais lui pas impressionné ou perturbé pour une thune continue sa traque comme si de rien n'était, l'air détendu, son sourire vissé aux lèvres.

Argh. Je suis coincée là, je suis dans ma chambre, j'ai fermé la porte à clé, mais y a pas vraiment d'issue de secours, hormis la fenêtre. Euh... Voilà le représentant qui tabasse la porte en miaulant calmement :
- Tous nos prix sont négociables, espèce de pute !
Pas étonnant qu'il démarche pour une entreprise de serrures, avec toutes celles qu'il démonte. Celle de ma piaule, c'est pas franchement le genre coffre-fort, elle va lacher en deux minutes top chrono. Je-suis-dans-la-merdeuh. Bon ce coup-ci : fenêtre. Je suis au deuxième étage, mais y a pas à chier, je vais me prendre pour Bruce Willis et me laisser glisser le long de la gouttière, sinon ce fou va me tordre le cou. Il hurle au travers du mince battant :
- Et je me sens même d'humeur à descendre nos prix de quelques dizaines d'euros ! Vous ne le regretterez pas, pauvre cloche ! Nous allons nous entendre, pas de problème, ne vous inquiétez pas !
Mais non, je suis pas inquiète du tout, pensez-vous.
Fenêtre ouverte, moi agripant la gouttière d'une main tremblante en essayant de pas regarder en bas, je vois vraiment pas pourquoi je m'inquièterais.
Allez hop on y va. Au moment où je passe de l'intérieur à l'extérieur, j'entends la porte éclater sous le poids du représentant.
- On peut toujours discuter, voyons !
- Ouais ben tu vas discuter tout seul mon pote...
Il n'est pas de mon avis. Il passe la tête par la fenêtre et me sourit encore. On dirait qu'il sait faire que ça cet enfoiré. Il me fait un signe :
- Coucou !
Je lui renvoie poliment son salut, des douleurs plein les bras. J'essaie de descendre tout doucement, essayant de ne pas songer à l'asphalte noir du parking d'en bas. Je me sens mal là.
- Allons ne faites pas l'enfant, voyons.
- Mais-euh, je veux ma Maman...
D'une main, sans cesser de me fixer de ses beaux yeux de veau mort, il agrippe la gouttière et secoue. Ce trou de balle de fils de pute est d'une force terrifiante et je sens un genre de tremblement de terre contre mon corps.
Je me met à glisser à fond la caisse le long de la gouttière. Ah ben non tiens, je glisse plus là, je tombe. Aaaaaah.

Quand je me réveille, j'ai mal partout. Vraiment. Je vois tout en rouge : normal, j'ai du sang qui me dégouline le long de la gueule. Je dois avoir deux trois côtes fracassées, j'arrive à peine à respirer. Mais là où j'ai le plus mal, c'est au cul. Waouh putain, un peu comme si je m'était cogné un train de marchandises récemment.
Doucement, le son revient dans mes tympans. Et la première chose que j'entends, au milieu des vagues de bruit blanc assourdissant, c'est la douce voix de mon représentant, quelque part dans le coin. Je m'en sortirai jamais, on dirait.
- ... savez que je me mets dans les ennuis auprès de ma hiérarchie pour vous consentir une ristourne aussi important, n'est-ce pas ?
- Non.
Une vague de chaleur m'envahit et je suffoque. Je tourne la tête difficillement et j'aperçois le fou juste derrière moi, frais et pimpant, impeccable dans son Sergio Tacchini à 8 plaques. Il a enlevé mon pantalon et baissé ma culotte. Il me pénètre comme un brutos en continuant à causer comme si de rien n'était. Ouhlà.
- Vous serez satisfaite de nos prestations, vous verrez. Aucun de nos concurrents n'égale nos services actuellement, nous sommes les meilleurs sur le marché. Vous acceptez ma proposition, n'est-ce pas ?
- Non.
Il accélère. Une vague de transpiration m'inonde et se mélange au sang qui commence à sécher sur le bitume. J'en ai marre, je halète, je voudrais que tout s'arrête.
- On peut même imaginer de réduire nos prix de quelques dizaines d'euros, voire de vous octroyer des facilités de paiement supplémentaires, disons dans les 93 fois sans frais, d'accord ?
- Nooon.
Il accélère encore et m'envoie une grande torgnole entre les oreilles. Je sens une main de chaleur agriper mes tripes et ma colonne vertébrale se cambre malgré moi. Argh. Ca vient, ça vient !
- Alors dites-moi maintenant, cette proposition vous convient ?
- Oh ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!
Il éjacule longuement en me cognant la tronche contre l'asphalte. Je vois des étoiles de partout, je comprends plus rien à ce qui m'arrive. Je suis au bord du gouffre.
Puis il se redresse et se réajuste, toujours souriant. Il me regarde longuement.
- On dit donc 500 euros ?
- Ah bon parce qu'en plus faut payer pour se faire niquer ?

La prochaine fois, je prévois le fusil de chasse.