Recommencer à zéro

Le 27/06/2002
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par Tulia
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Thèmes / Obscur / Humeur noire
Tulia se retrouve, sortie des études, dans la nasse du monde du travail et jette un oeil noir de haine sur sa situation.
Pourquoi tout le monde me regarde aussi bizarrement ? Pourquoi ai-je l'impression de ne pas être à ma place ici ? Pourquoi suis-je ici ? Je vis une vie qui n'est pas la mienne. Non, cette vie ne peut pas être la mienne. Je ne peux me résoudre à mener cette existence pleine de... rien. Je suis persuadée que ce n'est qu'une étape. J'espère que ce n'est qu'une étape. Je n'ai pas le droit de m'infliger ça à moi-même. Il faut que ça cesse. Il faut que ça change. Je dois tout détruire et tout recommencer à zéro.

Je ne suis pas faite pour vivre au milieu de tous ces gens bien-pensants et moralisateurs. On m'a déjà dit que j'étais désinvolte, que je n'avais aucune morale, que j'étais pas nette et que j'étais pas normale. Oui, et alors ? Et puis, c'est quoi être normal ? J'en ai rien à foutre moi de me fondre dans la masse et de ressembler à tous les autres connards qui composent notre société de merde. On nous impose des règles et des codes de bonne conduite dès notre plus jeune âge afin de nous fixer des limites pour que tout le monde vive en harmonie. Mon cul ! Je veux pas vivre en harmonie avec les autres. Rien à foutre des autres. J'ai jamais aimé les gens et jour après jour, je comprends de mieux en mieux pourquoi. Je veux pas vivre pour faire plaisir aux autres, je veux vivre pour me plaire à moi-même. Et chaque chose que je fais me montre comme mon esprit est étroitement formaté par toutes ces conneries de bien-séance et de morale.

Quand j'étais adolescente, on disait de moi que ça allait passer, que ce n'était qu'une passade due à la crise d'adolescence. Aujourd'hui, je suis "adulte" (je hais ce mot). J'ai appris à cacher mes idées pour ne pas choquer les gens, j'ai appris à me faire passer pour quelqu'un de social et sympathique. Mais j'en ai déjà assez de ce petit jeu hypocrite parce que j'ai peur de devenir réellement comme ça par habitude, et je ne veux pas. Je veux pas rentrer dans ce moule. Je veux pas vivre comme tous ces cons. Je veux pas m'imposer de limites dans ce que je pense ou dans ce que je dis.

Je suis folle ? Bien. J'en ai rien à foutre. Vous pouvez me dire ce que vous voulez, je ne vous écoute plus. Ca fait trop longtemps que je vous écoute sans rien dire. Si vous me prenez déjà pour une folle, attendez de voir ce que je suis réellement. Dès que je serais sortie de l'engrenage infernal que je m'impose encore pour faire semblant de vous ressembler, je vous montrerai qui je suis.

Voilà, je ne sais même plus qui je suis. Il y a deux personnes en moi. Une qui se mêle aux autres facilement et une qui ne veut voir personne. Le problème, c'est que c'est la première qui domine la seconde. Résultat de trop de temps passé avec tous ces gens. Résultat d'un besoin d'indépendance qui m'oblige aujourd'hui à faire partie du monde du travail. Résultat d'avoir chercher à ce qu'on me foute un peu la paix avec tout ça. Je me suis intégrée. Je me suis fondue dans la masse. Je me suis imposée, non, je m'impose de respecter certaines règles, même si ça ne me plait pas, même si ça me fait de la peine, même si ça me fait souffrir. Et je hais ça : devoir faire ce qui ne me plait pas au détriment de ce qui me tient le plus à cœur. Tous les jours, je me force à prendre une décision que je ne veux pas mais que je dois.

J’en ai marre de respecter les autres pour qu’ils ne me jugent pas. J’en ai marre de devoir faire attention à ce que je fais pour ne pas froisser les autres. Je voudrais vivre seule au milieu du trou du cul du monde, loin de toute civilisation et de tout être humain qui serait susceptible de venir me faire chier parce que ma musique le dérange ou parce que je fais trop de bruit tard le soir. Je voudrais ne plus avoir à bosser pour ne plus avoir à baisser les yeux ou à m’écraser devant mes supérieurs qui me fliquent sans arrêt pour savoir si je fais ou pas mon boulot. Oui, je le fais mon boulot, mais seulement parce que je n’ai pas le choix. Et puis déjà que ça me fait chier d’être rentrée dans cette routine de merde de me lever tous les matins à la même heure, de voir les mêmes gueules chaque jour, de faire les mêmes choses qui me saoulent toutes les semaines, si en plus, j’ai toujours quelqu’un derrière mon dos qui épie mes moindres faits et gestes pour voir si je ponds des lignes de PL/SQL ou des lignes de conneries sur le forum de La Zone, ça me motive vraiment pas à avoir un jour une conscience professionnelle.

Je ne supporte plus les remarques de mes collègues pour mes retards. Je ne supporte plus les remarques de mes parents parce que je les appelle que quand j’ai des trucs à leur demander et que je passe les voir toutes les morts de pape. Je ne supporte plus les remarques de tout le monde parce que je ne suis pas aimable. Je ne supporte plus les remarques des gens qui se croient au dessus de tout et qui veulent me faire passer pour une inadaptée sociale. De toute façon, avec le recul, je me rends compte que c’est bien ce que je suis : une antisociale. Et alors, c’est une raison pour vouloir m’enfermer dans vos petits préjugés à la con ? Vous pensez sans doute que je n’ai pas le droit d’évoluer dans votre petit monde tout calculé et minuté, régi par une belle pensée unique qui vous dicte à tous d’être beaux et gentils afin de bien vous intégrer au milieu des autres clones de vous-mêmes ? Je ne le veux pas moi-même, ça me donne envie de gerber.

Occupez-vous de votre cul et laissez donc le mien aller se poser où bon lui semble. Je suis laide et méchante et je vous emmerde !