Trajet d'une feuille morte

Le 18/11/2006
-
par Prototype Nucléique
-
Thèmes / Obscur / Litanie
Proto a définitivement du talent, et définitivement de la gelée dans le cerveau. Des feuilles mortes, des pions de Monopoly, le hasard, des vomissements, de la transcendance, des billets : c'est une gigantesque partouze de n'importe quoi étrange et fascinant. Et incompréhensible surtout.
De haut en bas.
L'oeuvre du temps, les frémissements de la sève, ou le raval du déchu n'écornent pas la Gravité. Parce qu'elle est morte, la feuille tombe. Parce qu'elle est morte et qu'elle tombe, et que c'est parce qu'elle morte qu'elle tombe, sa chute est éternelle. Mais figée dans l'éternité, elle la conduit bien jusqu'à l'humus fertile.

Et chaque instant logique de chaque chaîne est un référentiel, dont la capacité d'engendrance est limitée au plus par l'identique, et au moins par le paramètre, proscrivant tout cycle nihiliste. Les univers éclosent par milliers sous la jeune brise d'un soir d'automne, dont la morne hypothèse s'effacera un petit matin d'hiver.

Penser, c'est probablement plus.
Mais le cerveau n'est pas organe à penser. Et ce sont les profiteurs-du-système de tous temps qui nous ont persuadés du contraire.
Le cul sur la chaise. Les mains dans les poches. La tête dans les étoiles.
La transcendance n'est qu'hasard, et inversement. Si son fruit est exquis, le joueur perd toujours, jusqu'au suicide. Et c'est en apprenant par coeur qu'on remplit le frigo et l'album photo.
Un anus ne peut pas.

C'est un pion de monopoly. Le jaune. Mais tout le monde s'en fout, et lui le premier. Il regarde avec angoisse le dé rouler.
Il sait le plateau.
Il sait, jusqu'au bout de ses fibres, qu'un 5 l'obligerait à payer. 3 maisons - Rue de la Paix - Propriétaire : le bleu.

Et il se souvient, il y a 2 tours, à peine, avoir décidé de payer pour l'achat d'un hôtel. Comme à chaque fois, la souffrance l'a pris aux tripes, le vidant de sa substance. Les billets sont remontés de ses entrailles, tranchant et brûlant, arrachant des petits bouts, lacérant sa gorge, et s'extirpant l'un après l'autre hors de sa bouche, dans une terrible quinte de toux, accompagné de sang et de pus. Puis les vomissements, entrecoupés de gémissements rauques, jusqu'à l'épuisement.
Et comme à chaque fois, jetté à terre par la douleur, la gueule contre le pavé, il a trouvé la force de se redresser, de ramasser les billets et de les tendre, le bras secoué par la toux et les spasmes de douleurs.

Aussi atroce fut-elle, il n'a pas regretté d'avoir choisi cette souffrance, car il a vu un de ses semblables sortir ses dernier billets, et vomir, revomir, implorant desespéramment le billet sauveur, jusqu'à mourir finalement, sous les crachats et les rires des autres.
Un seul doit triompher. Et il faudra payer pour être celui là.

Il regarde le dès et calcule ses options, le ventre noué par la peur. Ne jamais perdre de vue quelle partie se joue sous nos yeux.