Superlutin et la disparition du Père Noël

Le 24/11/2006
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par Invisible
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Dossiers / Noël de merde
A chaque fin d'année, nos trublions de zonards coquinous s'attaquent aux traditionnelles festivités de Noël avec une férocité qui n'a d'égal que leur conformisme. Ci-joint un merveilleux conte de Noël capitaliste et dûment alcoolisé. Tout à fait réjouissant.
D'où viennent ces rires et ces chants ? Qui peut bien être à l'origine de ces réjouissantes discussions par cette froide nuit d'hiver ?
Les poivrots du troquet du coin bien sûr.
« Y'a pu d'noël j'te dis, t'manière les gosses ils ont on plus rien à foutre de l'esprit d'noël ! Roger une autre !
- Voyons Père noël reprenez-vous ! Qui va...
- Ouais ouais, apporter la joie dans le coeur des enfants et tout le bordel. Mais ils s'en branlent. Tout c'qu'ils veulent c'est des films de cul et de la thune !
- Ne soyez pas si pessimiste Père Noël, sans vous ils...
- Ta gueule Superlutin, tu me casses les burnes avec tes histoires, j'veux pu en entendre parler !
Quelques litres plus tard :
- Mais quuesquon'en'a n'a foutre des ch..chiards ; des p...pourris gâtés qui ffinissent drogués à des c...concerts de sauvages j'vous dis ! Eh ! Où qu'c'est qu'tu vas Superputain ?
- Je rentre, j'en ai assez entendu. Bonsoir.

Le lendemain matin :
« Oh Roger, il est plus là le vieux ?
- Nah, je l'ai foutu dehors quand il a commencé à nous montrer sa bite.
- Saperlipopette, je ne le trouve nulle part !
- Haha t'aurais vu le truc ! Rouge et blanc que c'était ! Jamais vu une queue aussi ridicule !
- Bon, je dois en informer le conseil des lutins.
- Attends, j'ai pris une photo si tu veux leur montrer !

Cette disparition tombait vraiment mal. Les usines indiennes et pakistanaises de jouets tournaient au ralenti depuis quelques temps à cause des pressions des ONG sur la traite des enfants. Qu’allait-il advenir de l’esprit de noël ? Ces gens de l’Unicef se rendaient-ils compte du mal qu’ils faisaient ? Pourquoi ne respectaient-il plus les valeurs qui ont fait la grandeur de notre civilisation ?
Superlutin soupira : « Putain de réglementations ; libéralisme mon cul ».
Peut-être le vieux avait-il raison après tout, peut-être n’y avait-il plus de noël. Cette année, les enfants d’occident risquaient une terrible désillusion si rien n’était fait.

Non ! Superlutin ne pouvait baisser les bras. Cette année, la joie et l’émerveillement illumineraient encore le visage de ces chères têtes blondes, quoi qu’il en coûte.
Et c'est d'un pas décidé que notre héros ce dirigea vers le siège social de la Lutin corp. pour rassembler le Conseil d'Administration :
« Messieurs, vous n’êtes pas sans ignorer nos problèmes : stocks insuffisants pour satisfaire la demande, nos filiales de l’armement en difficulté qui nous laissent un stock colossal de fusils d’assaut sur les bras, et cætera, et cætera. Il va falloir maintenant composer en plus avec la disparition du Père Noël. J’ai contacté le département marketing & consulting, ils ont dit qu’ils allaient élaborer une nouvelle stratégie, peut être un logo sur fond bleu caraïbes pour remplacer le bleu océan, et composer des problématiques pertinentes inhérentes au contexte compétitif du marché tout en restant pragmatique et en gardant à l’esprit le paradigme sociétal actuel afin de reconquérir le leadership et de structurer nos différents secteurs d’activité en vue d’atteindre l’excellence… Ou un truc du genre. Mais ça a l’air bien.
- Ca s’annonce mal, déjà que les pays avec lesquels nous sommes en contrat commencent à gueuler, soit disant on ne ferait plus assez oublier aux gens leurs vies de merde… On va devoir revoir nos prix à la baisse si ça continue.
- Bon, nous sommes le 24, et on a plus le temps de rien, alors je propose qu’on parte ce soir avec ce qu’on a en espérant un miracle.
- Je me demande ce qu’on ferait sans vous Superlutin.

Plus tard, dans une ruelle :
« J’exterminerai tout ce qui vit. Je suis Hiroshima, je suis l’antéchrist, je suis ce putain d’Adolf Hitler…
- Je te sens un peu sur les nerfs mec, reprend un peu de coke.
- Ah Père Noël vous êtes là ! Vous devriez pas traîner avec ces dealers.
- Ta gueule Superducon, tu vois pas que je me prépare un rail là ?
- Bon le traîneau part dans 5 minutes, alors vous faites vos « oh oh oh », tout ça, et on s’occupe du reste.
- Ah ouais, trip aérien quoi, super idée !
- Et ne vous approchez pas des chambres des gosses cette année. Pas besoin d’un autre scandale.
- Dans le temps j’y avais droit, c’était mon noël à moi… Tout fout le camp. *snfffff* Oh ouais putain.

Et tout le monde embarqua sur le traîneau, la lueur rouge du nez de Rodolphe ouvrant la marche. Puis le moment tant attendu du départ arriva, l’attelage décolla, laissant une traîne étoilée sur son passage.
La tournée se déroula normalement, jusqu'à ce que :
« Et voilà, c’était le dernier paquet, il reste plus rien, on fait quoi maintenant ?
- Mon bon Superlutin, je serais tenté de te répondre que maintenant il ne nous reste plus qu’un orphelinat à la con et qu’on peut rentrer au lieu de se geler les couilles pour des gosses que mêmes leurs parents ne pouvaient pas supporter. Mais le fait est que j’ai récupéré un stock d’une de nos filiales et qu’il nous reste encore tout un sac à distribuer. A croire que je suis le seul à bosser ici.
- Père Noël, c’est… C’est merveilleux ! Je suis si fier de vous ! C'est un miracle !
- Ouais, ouais, tu me suceras plus tard, va.

Tout contents, nos amis descendirent par la cheminée de l’orphelinat chargés des précieux paquets. Superlutin était euphorique, ils avaient sauvé noël. Les enfants étaient là, devant la cheminée, impatients de recevoir leurs jouets.
« Joyeux noël les enfants ! » lança Superlutin. Et ils se précipitèrent vers les lutins qui distribuaient les paquets avec entrain.
Ils déballèrent leurs présents ; la joie que leurs visages affichaient était la plus belle des récompenses pour Superlutin : « C’est pour moi la plus belle des récompenses ! Tiens, c’est marrant, je me souvenais pas qu’on faisait des fusils d’assaut factices aussi réalistes dans nos usines de jou… Oh le con. Non mon garçon, ne pointe pas ce truc vers moi, n’appuie pas sur la… *BLAM*. » Le son que fit le crâne de Superlutin en explosant amusa tellement les enfants qu’ils continuèrent à jouer avec tous leurs nouveaux amis lutins et les balles à tête creuse de leurs nouveaux jouets. Jamais les petits orphelins ne connurent plus beau noël.