Syndrôme d'Immuno-Débilité Acquise

Le 03/12/2006
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par Invisible, nihil
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Thèmes / Débile / Disjoncte
Infoutu de trouver une chute valable à ce texte, Invisible l'a dans un premier temps jeté dans la poubelle commune sur le forum, où je l'ai récupéré et recyclé. Notre héros est poursuivi par une gonzesse qui tient absolument à lui faire part de ses malheurs et il tente tout ce qu'il peut pour s'en défaire. Le résultat n'a rien d'extraordinaire, mais reste teigneux et marrant. Vive le SIDA et les sidéens.
" J’ai le sida "
Elle m’a sorti ça, comme ça, à la sortie des cours. Pour le coup ça m’arrangeait vraiment pas, son sida, fallait que je trouve un endroit où bouffer rapidement parce que j’avais TD juste après, dans à peine trois quarts d'heure. J'avais pas vraiment de temps à consacrer au sida des autres, mon estomac criait famine. Il pouvait attendre, son sida, moi non.
Elle a commencé à me raconter la genèse du truc. Enfin, je crois, c’était pas évident de tout bien capter avec les écouteurs qui gueulaient dans mes oreilles. Mais j’ai entendu les mots soirée, alcool, garçon. Après je sais plus, j’ai mis le son plus fort.
Et là, la musique s’arrête, pile à un passage que j’adore : batterie déchargée. Forcément, ça m’a contrarié, mais je m'en sortais pas trop mal vu qu’elle venait d'achever son récit. Du coup elle a cru que j’avais de la compassion. Je sais pas pourquoi. Elle a eu un genre de petit sourire rassurant.
" Ce qui ne me tue pas me rend plus forte. "
Connasse.
C’était le genre de personne à sortir ce genre de phrase, à attendre que la vie s’excuse de l’avoir enculée à froid. Aussi aberrante fut cette affirmation sur un plan médical dans ce contexte, et malgré le fait que n’importe qui d’un tant soit peu informé sur le VIH l’aurait remarqué, j’ai cru bon de me taire. Faute d’avoir inventé l’eau chaude, elle aura inventé le sida qui rend plus fort.
Et maintenant, il faut vraiment que je trouve un moyen d’échapper à la sidéenne.
Vite une idée.
Le train à prendre, non, le bus, bof… Peut-être le taxi ?
Etrange, je n’ai absolument aucune idée de qui peut bien être cette fille. Je l'ai déjà vue ? C'est qui, une copine, une camarade de classe, ma sœur peut-être ? Qu'en sais-je, qu'importe.
Je crois que j’ai trouvé :
" C’est la punition de Dieu. Mais il n’est pas trop tard pour te repentir. "
Ca a son petit effet, elle change de couleur. Je parviens à me retenir de lui demander si par hasard elle couve quelque chose, parce que j’ai franchement plus le temps, et je me tire calmement, en espérant qu’elle reste médusée au moins jusqu'à ce que je sois hors de portée.
Hélas, par je ne sais quel instinct de mammifère, elle me court après. Si au moins j'avais des piles de rechange. Mais non, il a fallu que j'affronte le monde extérieur sans munitions. Mon inconséquence me perdra.
" Mais… Qu'est-ce que tu veux dire ? "
Seigneur. On va jamais s'en sortir. Je m'arrête en face d'elle et je manque lui faire rentrer ses putains de cernes de séropositive dans la gorge. Je suis un être raffiné et délicat moi, bordel de merde.
" C'est simple. Il te faut cacher ta honte au monde comme jadis le faisaient les filles-mères abandonnées par les preux chevaliers en manque. Tu rentres au couvent où tu pourras demander à Dieu de pardonner ton pêché, et tu fais pas chier. "
"Mais…"
Mais c'est pas vrai. J'ai faim. J'essaie de me cacher derrière un arbre, de traverser la route entre deux voitures, mais elle me colle toujours au cul.
" Ecoute, je suis prêt à payer de ma personne. Je veux bien t'exorciser avec ma bite, et même porter le poids de l'infamie gravée dans ma chair s'il le faut, accompagner ta déchéance et pleurer sur mon sort avec toi. Te faire don de ma semence bénite et enfanter un nouveau messie HIV+, tout ce que tu voudras, mais là il faut vraiment que j'y aille. "
" D'accord, je t'appelle alors. C'est quoi déjà ton téléphone ? "
" Un Samsung. "
" Non je veux dire… "
" J’ai les sonneries hi-fi tu veux écouter ? Ecran 65 000 couleurs, la classe quoi. Ca prend des supers photos, attend regarde. "
*clic*
" Et je peux rajouter un message sur ta gueule, genre 'Joyeuse trithérapie' ou alors 'J'irai sucer des bites en enfer' ; mais j’en change dans trois mois, question de renouvellement, tout ça, donc si tu veux le récupérer, pas de soucis. Si t’es toujours en vie bien sûr ! Oh regarde là bas, Kyo qui chante pour le Sidaction, c'est horrible ! "
Merde, ça marche pas.
" Ecoute, mon amour, lumière de ma vie, je t'aime beaucoup trop pour te mentir plus longtemps : t'es foutue. Cramée, niquée. Y a plus rien à faire pour toi, cette fois c'est la fin des haricots. Désolé d'être aussi abrupt, mais il le faut. Sois forte. Avant de crever, puisque c'est désormais inévitable, je te propose d'être utile à la communauté et de montrer ta grandeur d'âme. Ramène ton cul gangrené. "
Je la chope par une aile et la traîne bon gré mal gré. Direction, le supermarché. C'est à deux pas d'ici, je fais le trajet avec elle en remorque en train de gémir et glapir, je ne comprends rien, aucune importance. Sur le parking du supermarché, entre deux rangées de voitures, est stationné un grand camion blanc, avec une entrée par l'arrière. J'ouvre à la volée et projette la pesteuse à l'intérieur. A l'infirmière qui se précipite pour voir ce qui produit ce vacarme, j'explique rapidement :
" Elle vient ici pour faire un don de sang pour les petits enfants qui meurent, les éthiopiens, les pauvres petits vieux décalcifiés, je sais plus trop. Enfin bon, prudence hein : elle a horreur des piqûres, elle va vous raconter n'importe quoi pour y échapper. N'y prêtez pas attention. "
M'adressant à elle :
" Allez salut, ma chérie génitalement décomposée, essaie de bien te conduire, pour une fois. Et pense aux petits enfants qui attendent ton offrande généreuse pour revivre. La chance qu'ils auront d'avoir ta confiture de virus dans les veines. Allez, essaie de pas infecter tout le monde sur ton passage et à la prochaine."
C'est ainsi que j'échappai au sida.