Toi

Le 30/12/2006
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par 222, Aka
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Dossiers / Lettre de rupture
La contribution de 222 et Aka se sera faite attendre. On retrouve dans cette lettre de rupture l'introspection froide et désenchantée, et du mépris distant en place de haine, des traits classiques des textes d'Aka. Rancoeur, déception, on joue le jeu de la nuance et la colère brutale coutumière des textes de 222 ne transparait que peu à peu, assez contenue mais efficace.
Vois-tu, je crois que je comprends enfin maintenant.
Sais-tu pourquoi je t’ai choisi ? Tu es au fond ce genre de personnes qui, par leur médiocrité, fait croire un temps à ceux qui sont en creux qu’ils ont un intérêt. Tu écoutes. Tu prêtes aux autres ton oreille très attentive. Tu leur accordes enfin et pleinement l’attention qui leur est due, parce qu’ils ont à parler, à raconter, à se plaindre et à hurler.
Mais en plus de savoir écouter, tu sais aussi bien parler. Et c’est là que ça se gâte.
Tu m’as d’abord rassurée et fait croire à un accomplissement, comme si j’existais, à tes yeux. Comme si tu étais l’écrin qu’on m’envoyait, qu’on m’envoyait, oui, j’ai même cru un temps à une transcendance, par et pour toi.

Combien tu m’as déçue.

Souviens-toi du début, les premiers jours, devenus les premiers soirs, puis très vite les premières nuits. Toi tu dormais peu, tu me disais que chaque soir tu t’ennuyais au point de ne plus pouvoir dormir. Moi je ne dors pas. Beaucoup trop craintive pour affronter le silence. Tu venais quand je voulais te voir, et je t’invitais chaque jour pour un prétexte ou un autre. Et je parlais.

Tu sais beaucoup de moi. Je n’ai permis aucune pudeur entre ma bouche et tes oreilles. Tout est passé. Chaque jour, chaque nuit, je me suis ouverte à toi et j’ai tout mis devant tes yeux. Souviens-toi que je le disais : « je t’en dis trop sur moi, tu vas finir par me détester ». Je t’ai aimé autant qu’on peut aimer, je t’ai donné de quoi me haïr jusqu’à plus soif. Se montrer tout à fait et regarder encore l’autre au fond des yeux, voilà ce qu’est aimer.
    
Oui mais toi tu n’attendais pas ça.

Tu voulais arriver et être accueilli en roi, en sauveur. Tu voulais être celui à qui je devais. Tu voulais m’être tellement indispensable que j’en viendrais moi à disparaître. Et j’ai disparu.

Mais ça ne suffisait pas.

Ca ne menait à « rien », pour toi, et ça te faisait « peur, au bout du compte ». Tu faisais semblant de fuir. Alors je me suis raccrochée, jusqu’à en oublier toute notion d’ego. Jusqu’à en oublier de vivre. Moi je voulais juste que tu m’aimes. Que tu m’aimes comme on aime.
Parce que tu comptes. Toi pour qui j’ai tout donné. Fils de pute.

Le jour où pour la première fois je t’ai détesté, c’est celui où tu es t’es mis à m’insulter. Le coup en trop. Ton acharnement m’a semblé ridicule : comme s’il restait encore quelque chose à rabaisser chez moi ! Et pourtant tu trouvais toujours quelque chose à toucher, une partie de mon être que tu pouvais encore meurtrir. Des renfoncements intérieurs que, même moi, je ne connaissais pas.

Après les insultes, le déni. Après le déni, les jugements. Sans appel.

Un matin tu es parti, sûr de toi. Le soir même, tu es revenu ; tu as pris le visage d’un homme qui apprend la mort de sa mère. Mais il t’a fallu à peine quelques secondes pour laisser paraître dans tes yeux ce qui m’a fait douter de toi : de la pitié. J’ai tenté d’oublier, dès ce soir-là ; mais c’était sali, c’était trop tard.

Mais il y a pire.

Je t’ai accueilli en sauveur ; et tu y as cru. Tu es arrivé en moins que rien, en vide, et au deuxième rendez-vous, tu te croyais déjà un tout qui allait me combler. Tu as pensé m’attirer à toi, m’apporter ta sagesse, ta vision des choses. Pauvre merde. Je t’ai choisi pour ta médiocrité. Pour ton rien.

Et qu’est-ce que tu as voulu faire ? Tu as voulu me persuader que j’étais extraordinaire et formidable. Que j’étais belle. Que j’étais intelligente. Que j’étais fine et sensible. Que tu m’aimais parce que j’étais tout ça. Mais je t’encule, moi !

Je ne suis rien. Je suis une moins que rien. Une nulle. Tu comprends, ça ? Je suis une merde et j’en suis très consciente. Tu voulais quoi, me niquer ma lucidité ? Va chier ! Tu devais me regarder, contempler combien je suis inutile et sans tain, imparfaitement transparente et imparfaitement opaque, me voir merdique et me laisser merdique, m’aimer merdique, être là pour moi merdique, rien de plus. Tu n’as pas compris. Tu n’as rien compris. Tu t’es cru une mission sacrée. Sale petit prétentieux de merde.

Aimer c’est pas aveugler les gens. Aimer c’est pas les distraire de leur nullité. Aimer c’est les accepter tels qu’ils sont.

Alors bien sûr, tu vas chialer, encore. Tu vas dire que tu ne voulais pas tout ça, que tu pensais vraiment ce que tu disais au début. Que ce n’était pas de ma faute mais de la tienne. Que tu ne contrôlais rien. Tu vas chialer comme quand j’ai vomi devant toi pour te prouver que non, j’étais pas belle. Comme quand je t’ai dit que non, je voulais pas qu’on fasse l’amour. Comme quand j’ai dit que c’était parce que personne pouvait vouloir faire l’amour avec moi. Comme quand je t’ai dit que si je t’aimais c’était parce que tu changerais rien dans ma vie. Tu vas chialer comme la merde que t’es.

Et puis finalement tu vas me haïr.

Mais j’en ai rien à faire.

Va pécher une pétasse si t’as envie d’une fille que tu feras se trouver belle. A qui tu feras croire qu’elle est belle. Assez conne pour croire qu’un corps et des entrailles, c’est beau, ça sent bon, c’est doux sous la langue et ça a goût d’autre chose que de sueur, de pisse et de merde. Va te faire foutre. Va faire gicler ton sperme plus loin. Pas chez moi, pas sur moi. Va pécher la perle rare à laquelle tu ne voudras rien changer. Ou une autre merde dans mon genre que tu pourras façonner.

T’es qu’un sans-nom, mais un sans-nom grandiloquent. Tu m’as servi à rien. T’es un foireux. En fait, si, tu as servi à quelque chose. Au fond tu m’as juste un peu plus détruite, enculé. Je te hais. Un jour tu paieras, sale chien.