Bob

Le 18/01/2007
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par Abbé Pierre
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Thèmes / Débile / Disjoncte
Un chouette texte complètement disjoncté, avec quelques traces de l'humour absurde cher à l'Abbé Pierre, mais qui ne gâchent rien. L'histoire d'une jeune fille et de son nounours, une peluche psychotique et déjantée. C'est drôle, bourrin, un vrai régal.
Petite, j'avais un beau nounours.
Je l'ai appelé Bob, je ne connais toujours pas la raison de ce choix, mais Bob était l'amant de ma mère. Celui du lundi, au moins. Personnellement, elle l'appelait Lundi.
Bob était gentil, du moins, il paraissait comme tel. Il avait de grands yeux noirs, de petites oreilles et une queue ronde, dont la couture est partie. Je m'amusais, avec la queue de Bob. Maman aussi.
A cette époque, j'étais âgée de six ans. Des photos le prouvent, elles sont encore sur le frigo de la maison, entre le patch lerdammer et la tache qu'a laissée la queue de Bob, lorsque papa est rentré plus tôt, un jour, d'avec Mercredi-X20D19yoplà. Celle-ci, je ne l'aimais pas, je n'ai jamais aimé les yoplà.
Mais revenons à Bob. Il était doux et me suivait partout, pour mon petit-déjeuner, ma douche, dans mon lit, et a pris plaisir à faire de moi une femme lorsqu'entouré d'éponges, il s'abreuvait de mes règles pour devenir tout rouge. Bob me faisait rire, comme nounours.
Bien sûr, cela devint plus difficile lorsqu'il s'est mis à manger des gens. Je lui ai interdit après avoir trouvé les restes du facteur sous mes draps, mais il n'a rien voulu écouter. Il levait ses pattes au ciel, me faisait ses yeux tristes, alors, je lui répondais que tant qu'on ne trouvait pas de poils dans mon lit, il pouvait continuer. J'ai toujours eu peur de trouver des poils. Mais Bob est vite devenu incontrôlable, il ne possédait aucune limite. J'ai retrouvé mon demi-frère dans mon armoire alors qu'il ne s'était pas lavé depuis trois jours. Et puis, j'ai regardé Bob et l'ai sermonné quant à la tenue de son hygiène dentaire. Mais il était comme ça, Bob, il ne réfléchissait pas. En même temps, je me disais, c'est un nounours, c'est normal.

Tous y sont passés, dans la maison, alors Bob s'est attaqué aux meubles. Un jour, je descendais dans la cuisine et vit mon nounours baiser le mixeur. De suite, j'ai compris qu'il entrait en pleine adolescence. Lorsque je passais derrière lui, je titillais son acte de naissance en chine et m'en allait en riant. Il terminait sa passoire et venait jouer avec moi, à celui qui pouvait s'enfiler le plus de briques. Nous étions de vrais amis. Jusqu'au moment où il avala mon bras droit. Il n'avait pourtant aucune raison, je m'étais bien coupé les ongles. Heureusement, parce que j'ai peur qu'il ne s'ouvre le cou à cause d'eux. Je me suis vraiment fâchée, alors, il est parti, et par deuil, j'ai arraché mon second bras et l'ai déposé dans la gamelle de Bob. L'adolescence et la dépression, je préférais qu'il ne termine pas anorexique.

J'ai toujours eu du mal, à taper avec mes pieds. Saloperie de nounours.