Thoughts III : du néant monstrueux (et une lampe torche)

Le 29/01/2007
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par Nico
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Rubriques / Thoughts
On reste plongés dans une obscurité presque totale avec ce texte à base d'impressions étranges et effrayantes. Le narrateur est confus et subit des visions horrifiques émergeant d'une pénombre à peine cassée par une lampe-torche défaillante. Le ton reste bizarrement léger et sautillant, ce qui laisse une impression assez désagréable, mais sinon c'est glauque à souhait.
- Parler, ça je peux encore.
Bon. C’est déjà ça. Eclairer… éclairer… comment dire ? Les alentours… oui, les alentours. Eclairer les alentours, ça je peux encore. Bon. Me lever… Non, ça je peux pas. Tant pis. Voir, ça je peux encore. Je les vois. Tout autour. Ils rampent, ils se tordent. Ils se forment et se déforment. Ils s’assemblent et se désagrègent. C’est monstrueux. J’arrive à les faire reculer en les éclairant. Mais je ne peux pas les regarder en face. Heureusement que j’ai une lampe torche dans le néant monstrueux. Qu’est ce qu’ils feraient de moi sinon ? Ils ont l’air visqueux, flasques et avec des os solides. Ils font des bruits horribles, des bruits d’asticots. Des vers. On dirait une masse grouillante. Le chaos qui tremble, qui s'agite, qui fusionne, qui coule en bêtes hideuses. Des gueules rondes acérées par là, comme des bouches de pieuvres, des griffes dégoulinantes par ici… Ils brûlent d’obscurité. Il faut que je pense à autre chose. Regarder l’heure à ma montre. Ca je peux. Bon. Il est 1. Comme il est tard. La dernière fois que j’ai regardé il était encore 2. Comme il est tard. Parfois on voit leurs yeux luisants qui se reflètent dans le rayon de la lampe torche. Parfois une main déformée avec des os disproportionnés. C’est comme… c’est comme une pâte à modeler dans laquelle on façonnerait les choses les plus horribles en permanence. On ? Il faut les éclairer tout le temps pour les tenir à distance… Devant, derrière, à gauche, à droite… Restez où vous êtes ! Devant, derrière, à gauche, à droite… Il faut les éclairer. J’ai peur. Mon coeur n'accélère pas, il ralentit. Maman. C’est idiot. Maman… si elle pouvait être là. La lampe torche ! Elle faiblit… Elle faiblit… Les piles doivent fondre. Elles doivent disparaître dans le néant. Je n’entends plus. Je ne m’entends plus parler… mais je continue. Parler, ça je peux encore. Bon. C’est déjà ça. Eclairer… Il faut que je continue, tant que je peux. Devant, derrière, à gauche, à droit… Aussi longtemps que possible, devant, derrière, à gauche, à droite. Ils s’infiltrent partout, ils rampent sournoisement, ils s’insinuent pour vider le plein, ils progressent. Je les sens. Ils dévorent les piles de ma lampe torche. Elle devient poisseuse. Elle colle, elle pique… Elle faiblit. Penser à autre chose, il faut penser à autre chose. Ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Je dois penser ça. Ils hurlent. Je ne les entends pas mais je vois leur bouche se déformer, se tordre sans fin. Il y a des dents acérées partout, des piques ruisselantes, comme des lances tournées vers moi. Des entrailles sanguinolentes, des trippes gluantes enlassées... Des tentacules. Des bras pleins de tentacules qui s’agitent frénétiquement, et la lampe clignote. Ils se rapprochent. Ils s’impatientent. Trop de temps qu’ils attendent de pouvoir se jeter sur moi. De temps ? J’ai peur. J’ai peur des clowns. Ils rient… J’ai froid. J’ai du mal à parler… Je… Voilà la lampe qui a de plus en plus de mal à rester allumée… devant… à gauche… Quelque chose m'a frolé ! J'ai senti... J'ai senti une langue crasseuse s'enrouler autour de mon coup, comme un fouet visqueux... C'est parti, mais ça va revenir. Panique. On m’agrippe le pied. C’est horrible ! C’est froid, c’est chaud, c’est glacial, c’est brûlant ! Acide... Ca glisse et ça s’enfonce. Dans mes chairs… ça… La lampe ne marche plus ! J’ai mal. J’air peur…. Ça s’infiltre… Dans le noir… Dans le néant et il doit être zéro.