Les bêtes de poisse 5

Le 05/02/2007
-
par Marvin
-
Rubriques / Les bêtes de poisse
Submergés par les nouveaux auteurs on en finirait par oublier les vraies valeurs. Les bêtes de poisse, ses scènes gore outrancières et déjantées contées avec décontraction, ses gerbes de vitriol et d'humour noir, ça c'est des putains de valeurs solides pour fonder une culture saine. C'est speedé, complètement débile, vomitif, que des qualités.
5. Un glaucome sauvage au coin d'une cave
- Écoute, c'est simple, je vais arracher la chair ici, tu vois, et puis après on réfléchit comment on s'occupe de supprimer ses organes génitaux.
- Ca va pas faire trop sale le trou ?
- Non, car ça fait une taille parfaite pour l'empalage. Quand on aura enlevé tout ce qu'on veut, on passe à la broche.
- C'est pas aisé.
- Il faut savoir placer le cul.
- Et on va recoudre ici ?
- Non, on prend les boyaux qu'on utilise pas et on enroule le corps avec. Quand c'est bien fait, c'est magnifique. Tu apprendras ça la semaine prochaine.
La femme, les yeux exorbités, qui hurlait dans le vide, devait agaçer le docteur en chef qui vient de lui écraser les dents avec un gros pavé. Ca fait plein de petits "poc" par terre. Un gosse qui tournait autour d'eux ramasse les dents et s'enfuit.
Le docteur me demande ce que je fous là. J'invente un vieux truc à base d'un manque conséquent d'acide dans une salle plus loin. Il laisse son apprenti faire quelques essais de soudure sur la femme, m'emmène voir quelques pièces plus loin, dans un débarras immense, et m'indique l'air agaçé des bidons gris. Puis il part.
Je me sens nauséeuse. Et très bête.
Je m'attendais à un grand rebondissement quand je suis sortie de la cage, mais rien, pas de voix, pas de viande vivante qui aurait pu me surprendre. J'ai pensé qu'il serait judicieux alors de quitter cet endoit, voir à la surface si toutes les bêtes avaient enfin fini par se bouffer entre elles. J'ai hâte de remonter. J'ai hâte de fouler les os rongés, les régurgitations d'oeils digérés et les cranes vides, quand tout sera mangé et que nous pourrons retourner chez nous, finir de pourrir à notre façon, au fond de nos chaudières. Peut être même que Stankson acceptera de me faire exploser la cervelle.
J'ai alors marché dans les caves, et je me suis laissée absorber par la demonstration épatante de la préparation du vieux type. Mais j'ai la très désagréable impression de refaire partie des frêres de la rate. Si ils me voient, ils ne me tueront pas, j'en ai bien peur.
L'ennui non négligeable, c'est que les caves sont grandes, je ne sais absolument pas où je suis, et j'ai de grandes chances de croiser un gus qui me connait. Je préfère prendre un bidon d'acide avec moi pour m'en servir d'alibi si on me pose des questions, et tenter de me repérer dans les couloirs sombres. Impossible de trouver son chemin dans ce merdier...
Du bruit, à droite, au bout de ce passage. De la lumière, aussi, je vais essayer par là.

Je crois avoir trouvé le noyau dur de la boucherie. Ce n'est pas une pièce sombre, mais une immense salle de torture brillamment amenagée en cuisine, d'où s'échappe une harmonie dissonante de hurlements. Une jolie flaque de sang frais fait office de paillasson à l'entrée. Mon bidon et moi pénétrons là dedant, et franchement, j'aurais préféré être à sa place.
J'ai pas fait deux pas que mon attention se porte sur un attroupement, de blouses blanches évidemment, réuni autour d'une table au milieu de la pièce. Ces types ne doivent être spécialement frugaux, les étagères sont tellement blindées de viande que le sol et les murs sont eux aussi jonchés de tas rouges puants. Certains morceaux sont quasiment entiers et encore vivants, ils se font ronger par des rats. Je ne trouve pas ça très hygiénique, mais je préfère ne pas donner mon avis.
Des filles enchaînées aux murs pendent par les pieds, elles tentent vainement de se redresser, et les crochets qu'on leur a attaché à la place des mains ne les aident pas. La plus grosse est en train de se faire broyer la tête à coups de marteau.
L'ambiance ici est foutrement géniale. Les docteurs se trémoussent le derrière sur les croupes sales. Les hurlements des femmes meurtrient, leurs membres disloqués et ruisselants de sang, se marient admirablement bien avec le son disco 80's que passe la radio. J'arrive même à esquisser un petit pas de danse pour me fondre dans la masse. Mais je trebuche sur un pied cuit, et me vautre lamentablement. Mon bidon aussi se vautre, mais lui s'ouvre et se vide sur un apprenti.
- Pas de chance ! Chantonne un autre.
- Ah chouette, prend ses tétons, on va les coudre aux yeux. Les clients vont aimer !
Je les regarde un peu gênée, puis me relève mollement, j'ose pas m'excuser. Je remarque que le type que j'ai gaché vit encore et gesticule, ça me laisse le temps de récupérer mon bidon et de m'éloigner pendant que le petit groupe joyeux commence son nouvel ouvrage. Je vais somnoler un peu dans le fond, ils n'ont pas l'air de me connaître, faut profiter. Dors.

Ca fait un bon moment que je suis dans la cuisine. On ne m'a pas encore remarqué en tant qu'intru bavette premier choix; mais on m'a collé à la plonge. J'ai eu un peu de mal avec les cages et le mécanisme de la friteuse, mais j'arrive maintenant à envoyer plusieurs proies en même temps. Ceci dit, l'odeur est tout à fait insupportable. J'ose pas dire que l'huile contient du vomi tout frais, je suis sûre qu'on me le ferait ravaler.
C'est alors que j'aperçois un grand type tout blanc au milieu d'un banc de gosses. J'étais persuadée que les hormones déviantes de Stankson finiraient par lui coûter. Il s'est enfin fait avoir. Ahah.
- On m'a capturé !
- Eh bah c'est bien fait !
- Aide moi !
- Tu te veux croustillant ?
- Je vais tout crier aux docteurs.
Après l'avoir libéré, nous décidons d'un commun accord de se casser discrètement. Mais l'endroit commence à se remplir d'autres blouses blanches, il va falloir attendre un moment opportun, c'est pas gagné.
Une nouvelle opération se prépare, tout le monde est très exité. Ils ont enlevé l'ancienne victime et l'apprenti rongé d'acide qu'ils jettent dans un grand bac à roulettes. Un type va décrocher une proie du mur, et la traine jusqu'à la table. Elle gesticule à peine, mais j'ai dans l'idée que les "cuisiniers" se soucient de garder les viandes bien en vie pour les préparer. Ils la plaquent sur le dos, enchaînent ses mains aux coins et relèvent les jambes qu'ils attachent à des cordes reliées au plafond pour pouvoir les surélever. Ils ne font pas les choses à la légère, ici. Tous frétillent d'impatience autour du docteur en chef, qui annonce en souriant le plan des opérations.
D'après ce que j'entend, ça va encore être long et répugnant.
Puis arrive un gros mec, tout nu, décoré d'un capuchon noir enfoncé sur la tête, percé de deux petits trous. Comme sa bite. Voyant ma stupeur, un docteur m'explique que c'est pour l'attacher à la table, car les bourreaux sont des personnes sensibles qui peuvent devenir lucides à tout moment, et qu'il serait impensable de ne pas prendre un minimum de précautions. Il m'a tout l'air d'être un brave type. Le gros au capuchon saisit un couteau à la pointe recourbée et le pose à côté du cul de la fille, puis lui enfonce un poing profondement dans le vagin, afin d'élargir l'entrée et ne pas bâcler le travail. Croupe relevée, elle se fit extraire. Le bourreau est très compétent, la façon dont il racle les parois de l'utérus de cette fille est spectaculaire. Elle a la gorge tendue, ses lèvres tremblent. Elle bave, c'est dégueulasse. Mais le plus épatant, c'est la chose affreuse qui suinte de son oeil gauche. En regardant bien l'énorme boursouflure rouge et les traces du pus qui coule, ça fait méchamment penser à un hémorroïde oculaire.
- T'as vu, elle a un furoncle facial, me dit Stankson.
- Grave, elle te ressemble trop.
- Salope.
Les docteurs ont l'air de s'y intéresser, ils ont pris les restes du bidon que j'ai apporté et l'ont donné au bourreau. Celui ci, très enthousiaste, lui versa l'acide dans l'oeil. La proie ne bave plus, elle écume, et ne devrait pas hurler comme ça. Tout ceci amuse follement le gros, et il vient touiller l'intérieur de l'oeil avec un petit pic à fondue. Chef des blouses blanches tente de retenir ses collègues, mais tous se précipitent sur l'oeil touillé, munis d'un bout de viande monté sur un pic.
- Le premier qui perd sa viande a un gage !
J'ose pas imaginer les gages.
La fille ne bouge plus, mais elle vit encore. Pas de chance pour elle, car les autres veulent maintenant faire un hachis de ses intestins. Je m'ennuie, ils ne sont vraiment pas originaux ici. Au moins quand je travaillais dans les terrains vagues, on avait un boulot diversifié. Ici c'est chiant, long, et trop rouge. J'aimerais vraiment m'en aller. L'air est irrespirable, il fait chaud, et j'ai une furieuse envie de pisser.

Trois siècles plus tard, ils terminent. Mais ils sont bien élevés, et ne veulent pas laisser de restes. Vraiment, ils sont formidables. La victime n'est plus qu'un gros tas rouge, mais pas assez, apparemment. Le bourreau casse ses membres avec un gourdin. Un splendide fracas d'ossements retentit, accompagné d'applaudissements polis. L'émeute délirante qui rendait fous tous les cuisiniers a laissé place à un sérieux de professionnel. Leur chef est content, il va donner l'heure de la pause. Nous allons enfin pouvoir nous sauver.
Stankson admire béatement le corps en bouillie.
- Eh, c'est pas comme ça qu'ils t'avaient broyé la jambe ?
- Non, ta gueule.
Oh le con. Le putain de con. Il va tout faire foirer.
Un calme trop glauque plane en même temps que le fumet de sang vaginal au dessus de la table d'opération. Les docteurs ont arrêté de travailler et me regardent.
Merde, ils savent.
- Tu es une sale petite blatte, ricane le chef.
Je m'agrippe à Stanks, faut pas qu'il me lache, l'enculé, il va pas me laisser à ces tarés. Je lui serre les poignets, je ne tiens presque plus debout. J'ai perdu l'équilibre sur mon pied et mon moignon de cheville pourri, il doit pas partir sans moi.
La crevure a reculé et tenté de me foutre un pain, je m'accroche à sa jambe pendant qu'il commence à courir vers la porte. Les blouses blanches lâchent leurs outils, ils nous prennent en chasse. Nous parvenons à sortir de la cuisine, j'ai ramassé des tas de saloperies dans la gueule en trainant par terre. De la merde, j'ai de la merde dans les cheveux, de la merde et du sang. S'ensuit une folle battue dans les caves. Mes plaies saignent à nouveau, mais j'arrive à garder mes mains serrées sur les chevilles de l'immonde pourriture qui verra sa gueule bousillée par mes soins, si on arrive à s'en sortir. Je ne sais pas où il va, mais je suis assomée par les pierres sales quand il rase les murs. J'entend des cris horribles qui nous suivent.

Non... Me suis évanouie. Mon enculé a disparu. Je suis dans une mare de pisse, je comprend pas comment j'arrive à vivre encore. Je comprend pas non plus comment j'ai réussi à me redresser, je dois avancer et ne pas croiser les fous. Je sais pas où je suis, il fait noir, j'y vois plus rien, mais les cris se sont éloignés. Je rampe à moitié sur le sol dégueu, cherchant à tâtons une porte. Les odeurs d'huile de friture sale me reviennent. Mes doigts se posent sur une poignée visqueuse.
Pas de chance. Je suis à nouveau dans la cuisine. On a éteint la grande lumière, mes yeux ne distinguent que les filles qui sont accrochées la tête en bas. Elles ne bougent plus, leurs yeux et tous les vaisseaux sanguins de leurs têtes ont explosé, elles gisent dans la lueure blafarde d'un néon cassé. Je sais pas si c'est à cause de l'obscurité, ou juste de toutes ces choses qui m'ont rendu folle, mais je les vois griffer le sol et ramper vers moi, des vers leur sortent des yeux, elles gémissent. Et pendant ce temps là, je bouge pas. Des aliénés veulent me torturer et je reste comme une conne à admirer des hallucinations. Je suis vraiment dingue.
Les voix reviennent, il faut s'enfuir, trouver un escalier, remonter à la surface. Faut pas qu'ils me touchent. Je creverai pas si ils me capturent. Ils me laisseront pas ce privilège, les pourritures, et me feront moisir vivante. Je rampe encore dans les couloirs merdeux et c'est dans les fosses que j'arrive, près des égouts. Je m'explose contre les chiottes du fond, ils vont me rattraper. Il va falloir que je meurs, maintenant. Étrangle toi, si tu peux. Essaye, mais crève.
L'étau de mes mains sur ma gorge est mou. Je serre encore, en m'appuyant sur le bord d'un lavabo pour m'aider. J'embrasse presque la machoire rouge et béante de la tête sans peau qui flotte dedant. Un gus qui devait avoir plus de poison que de bile dans le corps, je lèche les bords déchirés du cratère. Mes mains tombent encore, j'arrive pas à crever.
Incapable de me foutre la mort, je me jette dans les égouts.