La belle et noble geste d'Arthur, roi de la Bretagne du Haut et du Bas, introduction

Le 16/03/2007
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par Hag
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Rubriques / La belle et noble geste d'Arthur
Moi, les parodies légères sans tripes ni sang contre les murs, c'est pas ma came. Mais là, franchement, c'est un régal. Le roi Arthur et son crew dépeints en bande de branleurs désoeuvrés, alcooliques et pillards, c'est sûrement pas l'idée du siècle, mais ça fonctionne au poil. Les personnages sont campés, le décor est planté, ne manque plus qu'une saga en 873 épisodes pour compléter.
    Arthur saisit une des boites de munition, déchirant le film plastique de ses dents, puis posant le petit et lourd carton sur la table. L'esprit ailleurs, il saisit le magasin sis à côté et commença à y introduire les morceaux de poudre et de métal poli. Parvenu à la trentième, il attrapa son fusil d'assaut soviétique et y enclencha le chargeur courbe, avant de l'armer dans un lourd claquement sonore. Il reposa doucement la merveille métallique, et s'autorisa un soupir. Il était fatigué. Cela faisait bien trop longtemps qu'il avait lancé cette stupide quête, et n'aspirait plus guère qu'au repos. Face à lui, Lancelot venait également de recharger son arme et jouait distraitement avec son pistolet. Lui aussi, Arthur le savait, en avait ras-le-bol, mais au moins il essayait de ne rien laisser y paraître. Pas comme les autres cons.
    
    La porte s'ouvrit avec fracas, et un courant d'air glacé emplit la petite pièce, faisant vaciller les torches. Gauvain surgit des ténèbres, referma promptement l'huis et vint s'asseoir près de l'âtre dans lequel était entretenu un joyeux bûcher, jetant sans ménagement son lourd sac et son fusil sur le sol de pierre froid. Il se servit un verre de jus d'orange, puisque il n'y avait plus de vodka, les dernières bouteilles aillant disparues quelques jours auparavant. Encore une énigme à résoudre. La Bretagne était vraiment une terre de mystères.
    - Alors mon ami, quelles nouvelles ? L’apostropha Arthur.
    - Pas grand chose. Il semblerait que le village brûle toujours.
    - Quelle tristesse. Toutes ces vies gâchées, ces avenirs effacés.
    - Certes, cette fois-ci on y est peut-être allé un peu fort. Faudra qu'on explique à Galahad ce qu'on entend exactement par "un petit incendie en guise d'avertissement".
    - Ben au moins, comme ça, on est sûr qu'ils se repentent amèrement de ne pas nous avoir écouté.
    - Ouaip, ajouta Lancelot le Brave.
    - Rien d'autre ?
    - C'est pas très facile à dire tu sais, il fait une putain de nuit. On n’y voit pas plus clair que dans l'âme de Mordred.
    - Ou que dans le con de Guenièvre, ajouta Arthur avec un regard insistant sur Lancelot.
    
    Ce n'était pas qu'il n'appréciait pas Lancelot, au contraire souvent ils avaient été à la chasse ensemble, chevauchant des heures sur les terres du Roi, et ramenant quantité de délicieux serfs qu'ils aimaient à déguster le soir, partageant la tendre viande avec les Preux Chevaliers de la Table Ronde. C'était de plus un joyeux compagnon, homme de coeur et d'esprit, habile à la plume comme à l'épée. Simplement ce salaud se tapait la Reine.
    
    - Où sont les autres ?
    - Ils dorment, du moins je suppose. Perceval est parti aux latrines il y a de cela une demi-heure et je l'ai toujours pas vu revenir.
    - Sûr qu'il va encore les saloper. On ne peut pas dire qu'il cherche désespérément à conserver sa pureté. Vous aller passer la nuit ici vous ?
    - On penser se taper la belote, mais à deux c'est pas terrible. Alors on attend le porno à minuit. Ca devrait plus tarder.
    - Puis-je me joindre à votre compagnie ?
    - Je t'en prie.
    
    Gauvain était lui un homme simple, presque rustre, n'aimant rien d'autre que se battre, piller, tuer, violer et autres menus plaisirs de la vie. C'était bien pour ça qu'il était là, il combattait avec la fureur de milles lions, et quiconque se dressait face à lui se retrouvait rapidement navré de triste manière. Mais c'était aussi un homme d'honneur bien que, un rien timide, il n'aimait guère trop révéler ce pan de sa personnalité.
    Bedevere fit son entrée dans la petite salle, et prit un siège. "Pas moyen de dormir tranquille avec le bordel que vous faites". C'était un homme sage et juste, ayant toujours une idée, souvent judicieuse. Assez timoré, il n'aimait guère se battre, et ne buvait jamais d'alcool. Au fond, on se demandait un peu ce qu'il foutait là.
    
    Perceval revint finalement des latrines [1], croisant sans mot dire les regards de ses compagnons, et monta rapidement au grenier où se trouvaient leurs paillasses. Il en profita pour recharger sa lourde arme de soutien en faisant le plus de bruit possible, histoire de réveiller ce con de Galahad qui dormait comme un bienheureux. Faut dire qu'avec son visage d'ange et son esprit d'enfant que la souillure ne saurait tacher, il ne s'était pas fait que des amis parmi la rude coterie dont il faisait malgré tout partie. Néanmoins sa réputation de chaste était très surfaite, car si il est vrai qu'oncques il n'avait laisser sa bite foutre en con, il ne se privait pas pour foutre en cul, et le royaume ne comptait plus les manantes (et les manants) au fondement douloureux. Mais il s'était plus ou moins intégré au bel aréopage, et ses compétences s'étaient plusieurs fois révélées utiles. En tout cas, il avait encore du se shooter aux somnifères, car même quelques tirs en l'air de la mitrailleuse de Perceval ne parvint à le réveiller. Un peu déçu, celui-ci s'alluma un joint et attendit que viennent le hanter les fantômes de toutes les personnes qu'il avait tuées, histoire de les narguer.
    
    - Alors, bien dormi les gars ?
    - Ta gueule Galahad.
    - Ta gueule Galahad.
    - Ta gueule Galahad.
    - Ta gueule Galahad.
    - Ta gueule Galahad.
    - Ah bon. Parce que moi...
    - MAIS TA GUEULE !
    - Bon. Alors quel est le programme ?
    - On continue à explorer la région pour retrouver Morganne. Cette sorcière possède sûrement moult informations appréciables qui n'ont que trop longtemps baignées dans les eaux troubles de l'inconnu.
    - Et si on peut trouver un débit d'alcool, ce serait sympa aussi.
    - Certes oui. Allez en route, et puisse le Seigneur guider notre chemin !
    
    Les fiers chevaliers montèrent leurs fidèles destriers caparaçonnés. Le fusil en bandoulière et les cheveux au vent, ils s'en allèrent gaiement dans l'aube rose rejoindre leur destin, qui comme il sied à des braves de cette trempe, allait être chatoyant, plein de rebondissements et de procédés scénaristiques éculés.
    



1) Qui se trouvaient à l'extérieur de la petite ferme où ils avaient élu domicile pour la nuit, et ce malgré l'opposition de ses occupants. Mais le bon Roi Arthur savait se montrer obstiné, et il ne fallu que quelques minutes aux Chevaliers pour mettre en pal ce petit monde