La geôle

Le 26/03/2007
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par Mill
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Thèmes / Obscur / Litanie
Putain, une fiction géométrique, voilà autre chose. M. Connard nous décrit un cube de manière tellement aride, que ça ne peut être que conceptuel, voire pire. Genre, le prisonnier est depuis si longtemps enfermé en ces murs que sa taule est devenu son seul univers. Si on est euclidien, ça passe. Sinon, ça vaut que dalle.
    La geôle n’est qu’un cube dont chacune des douze arrêtes mesure un mètre exactement, et la structure qu’elles dessinent en se nouant, pures et droites, s’inscrit dans un nulle part que lui ne peut connaître. Il l’ignore -c’est indéniable- mais le cube se tient en équilibre, droit comme un i rachitique, ramassé sur lui-même et pétrifié. Equilibre relatif, dévoré de sa propre certitude et dont le contrepoids de chair et d’os s’identifie au coeur même de l’équilibriste.
    Physiquement ou métaphoriquement, la geôle se situe au centre d’un ailleurs indéfini, illimité, à l’existence douteuse. La substance qui la compose est insensible au toucher, mais il serait illusoire de tenter de la percer, de passer à travers. L’être qu’elle renferme et couve, qu’elle protège malgré lui, méconnaît l’extérieur, sa conscience ne saurait concevoir la position spatiale de sa prison cubique, et paraît même s’être assoupie quant au reste.
    Dans la geôle, membres repliés en foetus, dos courbe et rond, tête mollement lovée entre les genoux, il a fermé les yeux -les a-t-il jamais entrouverts? La geôle, qui respire autour de lui, suivant un rythme binaire qu’elle a calqué sur le sien, se nourrit de ses songes, qu’elle englobe puis oblitère, insatisfaite.
    Le rêve se déroule en accord avec des règles pré-définies: il vient au monde, accompagné de larmes qu’il ne peut revendiquer, s’enivre de son enfance, puis s’ennuie, adolescence, et les remous grisâtres du monde adulte le guident placidement jusqu’à la vieillesse et la mort. Brièveté du songe, mais quelle intensité! Rencontres fortuites, périls insoupçonnés, un rêve aventureux, rocambolesque, et dont le dénouement, pourtant connu, n’en finit pas de le surprendre.
    Il lui arrive de quitter la geôle, sous une étroite surveillance qu’il n’essaie plus de démasquer, mais tout alors lui semble faux, irréel et fantasque, son esprit s’évapore, et il ne garde de ces “escapades” qu’un lointain souvenir une fois réintégré dans sa cellule. Il est vrai, par ailleurs, qu’à aucun instant il n’en est sorti, mais l’impression subsiste.
    Il n’a pas réfléchi à ces transferts qui n’en sont point, il s’y refuse, et c’est pourquoi il ne se demandera pas qui l’a poussé hors du rêve, qui lui en a procuré un autre, qui l’en privera à nouveau. Il préfère se laisser absorber par le sommeil factice qui tout doucement l’entortille et le pénètre, puis, sans un mot, l’invite à renaître.