Manipulation 2

Le 20/01/2002
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par nihil
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Dossiers / Manipulation
Leçon de manipulation dans un cadre très simple : une petite séance de spiritisme entre amis.
Le spiritisme ou comment manipuler ses amis et satisfaire sa curiosité scientifique quand au comportement d'un groupe placé dans une situation qu'il ne maitrîse pas.
L'objectif de cet article est de donner quelques conseils pour réussir une bonne séance de spiritisme, cet excellent divertissement pour ados en mal de sensations. Une bonne maîtrise de cette technique vous en apprendra beaucoup sur la manipulation des personnes influençables, sur l'exploitation de la crédulité et de la soumission, sur le comportement collectif de personnes mises en condition.

La technique utilisée ici n'est pas la seule, loin de là, de nombreuses méthodes ont été utilisées au cours des âges. C'est celle que j'ai experimenté, et qui fonctionne bien pour des groupes de trois à huit personnes : la technique du verre. Précisons d'abord les règles du jeu :

- Choisir un verre léger mais stable, le poser sur une table lisse et sans aspérités autour de laquelle tous les convives sont assis. Le verre est entouré de bout de papier sur lesquels on a écrit les lettres de l'alphabet, des chiffres de 0 à 9 et les mentions OUI et NON. Le maître de cérémonie explique le fonctionnement de la séance aux autres personnes. Tout le monde pose un doigt sur le bord du verre. Il s'agit d'effleurer le verre et non d'appuyer dessus. On doit garder le bras tendu, mais si la séance se prolonge, on peut être autorisé à poser le coude sur la table en cas de fatigue. Une fois la séance commencée on ne doit plus retirer son doigt. Le maître de cérémonie évoque un esprit. Lorsque le verre bouge, le maître de cérémonie demande «esprit es-tu là, si tu es là, avance vers le OUI». Si la chose se produit, le maître de cérémonie demande à l'esprit si un esprit fort dans le cercle le contrarie. Si oui le désigner (la personne retire son doigt, et peut rester dans la pièce sans faire de bruit), sinon indiquer NON. Ensuite, le maître de cérémonie peut poser des questions à l'esprit. Lui seul parle. La séance se termine en retirant en même temps son doigt. On peut briser le verre qui a été habité par l'esprit.

Le principe : a chaque question posée par le maître de cérémonie, les personnes du cercle imaginent inconsciemment une réponse, et les vibrations involontaires qu'ils transmettent au verre (tremblements, mouvements de fatigue...) tendent à «pousser» le verre dans la direction souhaitée. Tout cela reste inconscient, et chacun assurera qu'il n'a pas du tout pousser le verre. En cas de problème, le maître de cérémonie peut dévier légeremment la course du verre, mais ce n'est pas conseillé : les autres participants pourraient s'en apercevoir.

L'importance du nombre : plus il y aura de cobayes (donnons ce terme génériques aux personnes présentes) et plus la séance sera impressionante (le verre bouge plus tôt et plus vite), mais il y a aussi plus de risque de confusion dans les réponses de l'esprit. A partir de six personnes, il est nécessaire d'invoquer un esprit dont on peut à souhait douter de la santé mentale, ce qui autorisera toutes les réponses incohérentes aux yeux des cobayes. Si la manipulation dérape, on pourra aisément en rejeter la faute sur la présence d'un «esprit fort» parmi le groupe, ou bien l'intrusion d'un mauvais esprit.

La mise en condition : l'ambiance est un facteur très important. Le lieu doit être isolé, calme, obscur. Il faut s'assurer de ne pas être dérangé. Une chapelle abandonnée ou une vieille maison de campagne sont des endroits parfaits, mais bien sûr le spiritisme peut fonctionner n'importe où. Renforcer l'ambiance à sa manière : bougies, encens, musique lancinante à bas volume, lumière tamisée... Tout est possible en ce domaîne. Plus importante est la mise en condition des esprits avant la séance. On peut faire une prière, mais ce n'est pas très utile, en début de séance les cobayes seront sceptiques et méfiantes. Expliquer les règles, mais surtout raconter l'histoire de l'esprit que vous souhaitez invoquer : il est nécessaire de préparer cette partie à l'avance : il faut donner aux participants (sans en avoir l'air) la plupart des réponses aux questions que le maître de cérémonie posera durant la séance . Si les cobayes connaissent la réponse, il ne fait aucun doute que le verre se dirigera vers les bonnes lettres.

Le choix des personnes : choisir de préferences des personnes crédules, influençables, qui seront suffisemment impressionnées pendant la séance pour laisser leurs émotions guider leurs mouvemens involontaires. Si on ne peut se passer d'inviter un esprit fort, quelqu'un qui a du mal à rester sérieux, ou à se concentrer, on pourra l'exclure par l'entremise du verre.

Le début de la séance : au début, les gens ne sont pas fatigués, se sont mentalement blindés contre ce qu'ils pourraient voir. Une partie même d'entre eux s'efforceront de ne ps trembler. Il faut en appeler à la patience et à l'état de parfaite concentration des participants : le verre peut mettre très longtemps à bouger (entre 5 et 20 min). Il faut s'assurer que tout le monde tiendra jusqu'au bout (bien qu'un peu d'exaspération ne nuise pas à la mise en mouvement, au contraire). La fatigue et les premiers tremblements auront bientôt raison de l'immobilité de l'objet. Pour le moment, refusez que les gens posent leur coudes et les exhorter au silence et à la concentration.
Lorsque le verre aura atteint (péniblement) le OUI, demandez-lui de regagner le centre. Il ira dejà plus vite : les participants, surpris et déjà inquiets ne seront plus focalisés sur l'immobilité de leur doigt ou de celui des autres, et l'émotion renforcera la vitesse du verre. Demandez à l'esprit de désigner une personne qui le contrarie ou bien d'indiquer le NON. Si le maître de cérémonie a bien pris soin de se placer près du NON, il se gardera de l'éventualité (rare mais possible) que le verre le désigne. Si une personne du cercle gêne le maître de cérémonie dans l'éxecution de la cérémonie (manque de sérieux, élement perturbateur ou scepticisme extrême), il y a deux solutions : si il a pris soin de désigner cette personne aux autres avant la séance (sous forme de plaisanterie par exemple), le verre aura toutes les chances de se diriger au bon endroit. Sinon le maître de cérémonie peut initier très légèrement le mouvement. Encore une fois c'est très déconseillé, mais possible. Demandez si l'esprit est bon ou mauvais. Enfin «testez» sa connaissance et sa fiabilité en lui posant une question personnelle dont tous les participants connaissent la réponse (désigner les gens qui vivent en couple, indiquer les filles...)

Les questions : les questions à l'esprit doivent être bien préparées pour permettre aux participants d'en savoir plus ou moins consciemment la réponse. Si les réponses ne sont pas claires (le verre va d'un lettre à une autre sans former de mot cohérent), réorientez votre question : «Quelle est la cause de votre mort» remplacé par «Avez-vous été assassiné ou êtes vous mort de mort naturelle». Evitez les questions trop ouvertes. Pour le moment restez attaché à des points de détail : âge, nom... Si ces précisions ont été apportées aux participants avant la séance, les réponses seront bonnes. Si elles ne le sont pas, arguez qu'un autre esprit est venu au rendez-vous et modifiez votre ligne de conduite.

Le déroulement de la séance : petit à petit, le verre bougera plus vite, à cause de la fatique et de l'émotion, mais aussi à cause du reflexe qu'on a de retenir le verre lorsqu'il s'éloigne de vous (facilite les mouvements contraires). Laissez ceux qui le souhaitent poser le coude sur la table, une fois le mouvement du verre enclenché, ce n'est pas ça qui l'arrêtera. Les questions s'ouvrent petit à petit, deviennent plus générales (elles peuvent vous apprendre des choses sur les convictions profondes des participants, leur religion si vous demandez à l'esprit si le paradis existe par exemple...). Ne jouer pas aux grands mages, amis des esprits, prenez l'air inquiet, laissez entendre que vous ne contrôlez plus rien, qu'il y a un problème... Ordonnez au verre de regagner le centre. C'est le moment de poser au verre des questions personnelles sur les participants en tenant compte de saprétendue «omniscience». Vous pourriez apprendre des choses intéressantes sur vous et vos amis...

La fin de la séance : quoi qu'il arrive, le verre va s'affoler et devenir très rapide. C'est le moment que vous pouvez choisir pour poser des questions sensible et pousser le verre dans le bon sens : personne ne s'en apercevra plus. Par contre les réponses vont de toutes manière devenir incohérentes et le verre commencera à tourner le long du cercle de lettres. C'est le moment de retirer votre doigt, ou, si vous êtes audacieux, de pousser le verre vers le bord de la table pour le faire tomber. C'est la fin de la séance. Expliquez qu'un esprit mauvais, ou fou a perturbé la conversation...

Conclusion : outre les réponses intéressantes que vous pourrez obtenir durant la séance (reflétant l'opinion réelle des participants, elles seront lisibles si la majeure partie des participants pensent la même chose), vous en apprendrez beaucoup sur les cobayes par leurs réactions à la fin de la séance : quelles sont les personnes faibles, influençables. Si vous êtes fort, vous pourrez même pousser l'esprit invoqué à ordonner des choses qui vous arrangent à certaines personnes. Vous constaterez également les effets d'une certain dynamique de groupe : poussant tous les participants au scepticisme au début (c'est mieux vu), vous observerez un basculement, une fracture de la dynamique de groupe vers l'émotion et la crédulité au moment où le verre commence à bouger. Ensuite vous pourrez modeler les opinions de chacun. Mais l'usage que vous pourrez faire de ces techniques restent de votre ressort. Tout est potentiellement possible, c'est une question d'imagination.