On est toujours le con de quelqu'un

Le 10/04/2007
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par Claudia Pepita
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Thèmes / Polémique / 2007
Avertissement au lecteur : sous ce titre ô combien philosophique se cache une bluette adolescente. Tout au long du texte, on se mange tout un tas de poncifs propres au genre dans la gueule, les uns après les autres. Si on n'est pas encore mort après ça, on a droit à deux crémations peu détaillées. C'est bien maigre, tout ça. "Suprême bof", comme disait l'autre.
C'est son con...
Et elle est aussi leur conne...
On est toujours le con de quelqu'un

Une jeune fille se lève. Elle se frotte les yeux et se dirige mollement vers la salle de bain et se
maquille avec grand soin. Gloss, fard à paupières, mascara, fond de teint... Tout était calculé pour être discret mais aussi pour effacer tous ces boutons d'acné indésirables.
Un visage plus lumineux.

-Ben dis-donc, t'es belle ma Claudia ! S'écria Abby lorsque la jeune fille atteignit l'arrêt de bus.
-Ouais, tu trouves ? Dit Claudia.

Dans le bus, ambiance poignante. Pas de discussions Claudia rassemble son courage et enfin... l'arrêt de bus « Avenue de Sens ».

Il monte, Claudia retient son souffle. Il valide son pass, Claudia s'étouffe. Il la regarde, Claudia sourit, de manière débile. Claudia n'arrive pas à respirer, elle a une de ces envies de fumer ! Derrière, ses copines se marrent. Il n'y a plus de place de libre de toute façon. Il est obligé de s'assoir à côté d'elle.
-Salut Claudia, salut Abby, salut Catherine.
« Putain... Il m'a saluée !! Il s'assoit à côté de moi ! Arrrgggh !! »
-Salut François !
-Je peux m'assoir à côté de toi ?
Silence. Les nanas qui ricanent. Claudia qui balbutie :
-Bi-Bien sûr !
Le sac fut violemment projeté aux pieds de Claudia qui fit un sourire niais à François.

Aujourd'hui, dix avril, était un grand jour. Cela faisait quatre mois que Abby et Catherine, regardaient Claudia regarder François comme s'il était Adonis en personne. Normalement, Claudia devait avouer ses sentiments aujourd'hui au bel Apollon au t-shirt Nightwish. Un dieu grec au nom italien avec des cheveux noirs et des yeux verts.
La conversation porta sur le lycée, les profs, tellement qu'ils sont débiles et chiants et qu'ils comprennent rien à nous, les jeunes !!
Claudia minaudait, comme une sacrée débile et ne reprit une attitude normale que lorsqu'elle se trouva dans les escaliers menant au deuxième étage, François ayant cours aux ateliers, au rez-de-chaussée.

Le cours d'anglais fut particulièrement inintéressant. La petite professeur à lunette avec une coupe carrée blonde débitait son cours avec toute la prestance d'une femme de son âge. Claudia ne fit que dessiner des coeurs sur son cahier. Puis elle écrit aussi un petit texte en prose particulièrement beau par sa simplicité :
“Je t'aime, je t'aime, je t'aime !”
-Claudia ! Puis-je lire tes fascinants écrits ? Demanda la prof.
Le papier fut retiré des mains de la petite Claudia.
-Ah oui... C'est très constructif ! Et tu sais le dire en anglais, aussi ?
-Euuuuuuhhh...

Claudia sortit du cours avec un devoir supplémentaire à la clé.
La récré arriva fort heureusement pour elle, une heure plus tard.

-Salut Claudia ! Tu viens regarder le menu de midi ?
-Euuuuuuh....
Claudia s'approcha du mur où était scotché le menu des demi-pensionnaires et des internes aussi.
-Tiens, du Colombo de dinde, demain... Et la semaine prochaine, on aura du Navarro !
Claudia éclata d'un rire débile mais pas faux.
-Mais tu vas arrêter avec tes jeux de mots foireux, toi !
Il y eut un silence. François l'aurait qualifié d'entendu, pour Claudia il était insupportable. Il fallait qu'elle trouve des mots adaptés, qu'elle se concentre pour parler de manière compréhensible...
-Dis, tu...
-Je...
Claudia resta une seconde, la bouche ouverte.
-Ben vas-y, dit François.
-Euuuhh... Je crois que... enfin, c'est sûr, j'y ai réfléchi... Et puis j'ai assez analysé ma personnalité... Et puis va pas croire que c'est mon genre, c'est pas du tout mon truc mais j'ai fait quelques tests là dessus sur le net et dans Jeune et Jolie...
-Et... ?
-Euh...
-Mais vas-y, dis le !
-Tu sais, je n'aime pas dire les mots, même avec mon ex-petit copain, j'ai eu du mal à les prononcer, tu vois...
-Rhââ ! Claudia, accouche ! Tu ne te sentiras pas pleinement sereine si tu gardes ce genre de message au fond de toi.
Encore le refrain sur la sérénité... François c'est quelqu'un de toujours calme, serein et qui encourage les autres à dépasser leurs frustrations. Il avait aidé Claudia à dépasser des sentiments : ce n'était pas la faute de son frère s'ils étaient en famille d'accueil et sa mère n'était pas éternelle...
-Je pense... Enfin, je veux dire que...
Claudia baissa le ton d'une demie octave pour l'occasion :
-Jesuiamoureuzdtwa !
-Pardon ?
-Je suis amoureuse de toi, répéta Claudia en articulant.
-Ah oui ? C'est bien... Mais c'est un peu vague, en même temps, tu sais ?
-Et tu voudrais sortir avec moi ?
-Ecoute... Je ne sais pas si... Enfin, c'est très flou, en moi, tu sais...
-Non, je ne savais pas, fit Claudia d'un ton acide.

“Quel con... Comme si je n'étais pas capable d'entendre la vérité... Dis le que tu t'en fous de moi ! J'te dirais rien !”

-... Enfin, bon, je crois que je t'apprécie plus en tant que très bonne amie... Ca va ?

Claudia tenta tant bien que mal de sourire. On aurait dit qu'elle avait sucé un citron et ses yeux secs menaçaient d'ouvrir les vannes d'une seconde à l'autre.

-Ca va ?
-Ouais, ouais... Et... Ben...

Sauvée par le gong.
Encore deux heures avant le déjeuner, deux-heures de sciences économiques et sociales, raison de plus pour penser à autre chose qu'au vieux chnoque... Il puait la transpiration et ses cheveux noirs colorés étaient aussi gras que lui et sa diction. Vivement la retraite pour le professeur de l'ancien temps !
Ce pauvre François n'avait rien compris. Il ne pouvait pas savoir, ni comprendre. Elle l'aimait tellement ! Elle voulait le prendre dans ses bras, l'embrasser. Mais là, il l'avait trahie. Elle ne pouvait même pas le considérer comme un ami après cela.

-Pepita ! Vous pouvez me dire, vous, ce que c'est l'équilibre emplois-ressources ?

Et puis, qu'est-ce qu'il veut, le vieux chnoque ? Claudia s'en battait de ce putain d'équilibre emplois-ressources ! Mais alors avec une porte-fenêtre !
Elle avait bien envie de prendre un lance-flamme et de le cramer, ce vieux con !...

Et si c'était ça la solution ?
Oui, cramer ce con de rital qui la prenait pour une débile !
Ouais, seul un autodafé pourra la venger de cet affront.

François descendit comme d'habitude à l'arrêt le plus proche du pont : “Petit Jardin”.
Il devait comme chaque soir consacrer une demie heure à la traversée de la petite ville de M... pour atteindre son village, sans compter l'ascenscion pour arriver à sa maison. Une jolie maison dans laquelle il vivait avec ses parents. Promis, il s'en va dès qu'il a son permis ! Il avait déjà négocié avec un bailleur pour la fin de ses examens. Le BTS en poche, la voiture offerte par son père pour ses vingt ans, l'insertion dans la vie active ne serait pas facile.
Les Di Abruzzi étaient sortis dîner ensemble. Il y avait de quoi faire des frites et des steaks dans le frigo.
La friture commença à siffler et François s'installa devant son ordinateur et commença une partie de GothSkull (du base ball avec des masses d'armes à la place des battes et des crânes humains à la place des balles. C'était plus défoulant qu'un “Shoot 'em All”.)
Une ombre passa derrière lui. Il se retourna.
Ce n'était pas le chat, il était mort la veille et tout le monde en avait été soulagé !
Non... Alors une lumière passa devant lui... Un briquet... Qui atterrit dans la friture.
L'explosion le rendit d'abord sourd. Puis la chaleur. Pendant une nanoseconde, elle fut agréable. Puis il sentit ses chairs brûler doucement.

Tandis que son cerveau cuisait à l'étouffée dans sa boite crânienne, Claudia refaisait ses lacets.
Ce bel autodafé lui donnait une telle envie de danser ! Cela valait le coup de faire le voyage...
Et puis le petit lancer de briquet, comme elle en était fière !
Puis elle se lança dans les rues du village.
Le sentiment d'exaltation ressenti précédemment s'était dissipé, laissant place à un grand vide.
Qu'allait-elle faire, maintenant ? Quelle était la prochaine étape ? Elle allait revenir au lycée, comme ça, en toute impunité ?

-Les Di Abruzzi devraient rentrer bientôt. Ils ne trouveront alors plus que des ruines et à l'intérieur, le corps calciné de leur pauvre garçon de vingt ans, victime de l'amour d'une pauvre conne.

Deux formes se découpaient sous le réverbère. Une petite femme blonde et un grand homme aux cheveux gras et noirs qui venait de parler.

-Ma pauvre Claudia, dit le professeur d'anglais, ce n'est pas François qui ne comprend rien... C'est les jeunes ! Ils sont aveugles et au lieu de s'unir contre leur ennemie l'expérience, ils s'entretuent parce qu'ils n'en ont pas assez !
-Qu'est-ce que vous racontez ? C...
-Vous ne comprenez pas, Pepita, l'interrompit le professeur d'économie. On est toujours le con de quelqu'un et le temps ne fait rien à l'affaire !
-Qu'est-ce que vous allez faire ? Appeler la police ? Me mettre une heure de colle ! S'écria l'adolescente.
-Non, dit la prof d'anglais. Vous allez passer sur le bûcher !

Claudia haussa les sourcils et vit d'un coup la lumière se fondre en elle et faire fondre ses tissus. Elle inspira des flammes qui pénétrèrent ses poumons, grillant quelques bronches au passage. Ce n'était pourtant pas le repos qui vint après sa mort cérébrale :

"Mais c'est trop con !"