Mexican grill

Le 16/04/2007
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par Dourak Smerdiakov
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Thèmes / Saint-Con / 2007
Dourak et un titre angloys, ça sent déjà la connerie à plein nez. Ensuite on rentre dans un texte qui ne ressemble ni à un texte de Saint-Con ni à un texte de Dourak. Bref, une curiosité. C'est pas mauvais, c'est bien écrit. Mais je sais pas. C'est pas dourakien quoi.
Extrait des Mémoires de Lucien Bodart.
    [...] Quand on voyage en compagnie de Raoul sur les routes mexicaines, on ne fait pas que le plein d'essence dans les stations-services. Ça gâche l'effet du dépaysement, mais ça rend la conversation de Raoul plus attrayante. Ce soir-là, nous arrivâmes, au bord de la panne d'à peu près tout, sur l'aire de parking de San Miguel et, pendant que j'entreprenais de retrouver l'emplacement du réservoir sur le véhicule de location, Raoul fut chargé de ramener victuailles et boissons pour la nuit et la journée de route qui nous attendaient. Je crois qu'il faisait chaud, mais c'était le Mexique, et c'était le mois de juillet, et ça rentrait dans l'ordre des choses. Néanmoins, ce soir-là, j'assistai à un phénomène atmosphérique singulier.
    Derrière la voiture qui se refusait pudiquement aux avances de mon pistolet à essence Texaco, l'air se mit à vrombir curieusement durant de longues secondes. Puis une sphère transparente se forma à hauteur d'homme et s'agrandit jusqu'à atteindre un diamètre de deux mètres au grand maximum. Soudain, un nuage de fumée apparut, occupant très exactement le volume de la sphère, et commença de se dissiper, laissant apparaître progressivement la silhouette nue d'un homme grand, musculeux, et qui, bien qu'accroupi, ne semblait guère être venu là pour déféquer.
    La chose se redressa, inspecta immédiatement les lieux d'un coup d'oeil circulaire, parut littéralement les scaner du regard et, focalisant son attention sur moi, m'intima l'ordre de me déshabiller d'une voix monocorde.
    - Donne-moi tes vêtements.
    Moi, je suis un bon camarade, j'aime bien les travailleurs, de tous les pays, sans distinction de race, ni de couleur, ni même de religion, et je n'aurais jamais refusé d'ouvrir ma valise pour refourguer un peu de mon linge sale à un connard à poils si ça pouvait m'éviter un contrôle de police. Mais il y a la manière de demander.
    J'évaluai la taille des biceps.
    Il y a aussi la manière de refuser.
    - Vous ne préféreriez pas aller demander au gros Yankee, là-bas, mon vieux ? La taille me semble davantage correspondre à la vôtre. Et ses lunettes noires, ça vous irait à ravir.
    À partir de cet instant, les événements se déroulèrent très vite, et ma mémoire embrumée de vapeurs de pétrole et de relents de tequila ne dévide qu'à grand peine cet écheveau alors péniblement tissé par mes sens incrédules autant qu'abrutis.
    D'une main, l'individu me saisit au col et me souleva de terre. Cela, ma nuque l'attesta durablement. De l'autre, il m'arracha les chaussures, et je dois bien avouer que mon pantalon, ainsi que ma dignité d'élu d'une commune rurale du Vieux continent, ne fut sauvé que par l'arrivée de Raoul.
    Celui-ci avait les bras encombrés de ses achats, cartons et sacs biodégradants desquels émergeait, j'en pris note avec émotion, une bouteille de cognac qu'il n'eut laissé tomber et s'épandre sur le sol d'une station-essence nord-américaine qu'en dernière extrémité et après avoir épuisé toutes formes de recours. Vive Raoul.
    A ses côtés, une jeune femme venait de laisser choir ses propres emplettes pour extirper une arme à feu de son blouson paramilitaire.
    Raoul, qui est diplomate, tenta de désamorcer la situation.
    - Lucien, je te présente Sarah, dont la voiture est en panne et que nous déposerons à quelques kilomètres d'ici. Que désire le monsieur dont tu arroses la nudité d'un carburant fort coûteux encore que remarquablement peu taxé ?
    - Argl, répondis-je, bleuissant des joues et battant des bras.
    - Sarah Conor ? interrogea le nudiste barraqué.
    Pour toute réponse, la femelle nord-américaine ouvrit le feu sans l'ombre d'une hésitation. Je vis ou cru voir un trou de balle paradoxal apparaître puis se résorber à l'emplacement hypothétique du troisème oeil, mais l'étreinte qui me soulevait du sol ne faiblit pas. La balle suivante rebondit contre le thorax du nudiste vindicatif, non sans sifflements et étincelles très cinématographiques. L'essence s'enflamma instantanément et je me retrouvai enfin au sol.
    - L'essence ! hurlait la jeune femme, continuez à l'arroser !
    Ce que j'eusse fait sans ses criaillements impératifs d'impérialiste.
    - Salaud de pauvre ! commenta Raoul, qui est plutôt de droite.
    - C'est un T-800, ça brûle bien ! gueulait l'hystérique.
    Et il ne fallut pas moins de cinq minutes de ce traitement pour que la chose cessât de remuer.