Loin de l’extase synchrone

Le 03/05/2007
-
par Omega-17
-
Thèmes / Obscur / Litanie
Le comité officiel de démolition d'Omega va pas aimer. Moi non plus. J'ai beau aimer ses propagandes incompréhensibles et désabusées, celle-ci est vraiment trop lourde. Un gros patchwork de tout et n'importe quoi, indigeste au possible. Les phrases sont belles, mais passées au mixer et rapiécées ainsi, elles ne servent à rien. Assommant au possible.
Ne crains rien, je connais les gens sans les voir.
Ne redoute pas l’amertume et la frustration, elles ont créé ce que nous sommes.
Ne t’effraie pas du non-sens, il est Tout en étant le Rien.
Son soutien objectif est plus présent que nous ne pouvons le croire.
Comment entretenir une quelconque appréhension vis-à-vis de ce genre de choses alors que notre qualité dissociative leur revient ?
Non, il nous faut poursuivre.
Et ce, malgré les faiblesses du Réel.
Enfin, faiblesses…
Preuves que la voie empruntée est la bonne, plutôt.
La moins inintéressante, peut-être.

L’oubli entraîne souvent un repos bien mérité.
Celui-là, je le porte autour du cou et cela n’a rien de rampant puisque mon regard ne doit rien aux faons ou à un quelconque batracien à cloques.

Je suis l’anti-rampants comme d’autres sont anti-pacifiques.
Parce que mon rapport au Réel est instable tout en conservant son aspect monolithique.
Le paradoxe ne m’impressionne jamais, il me rassure.
La distance initiale que j’entretiens face à la vie se creuse un peu plus à chacun des mots que je dépose, jusqu’à devenir infinie.

Quel est donc ce monde ?
Amenez-moi à votre chef.
Je voudrais l’interviewer concernant l’inaptitude de son univers.

Car s’ils servent les demis dans des flûtes de champagne, dans le café en face de la gare de Montbé, tu sais bien que je n’y suis pour rien.

« Alors, on baise ? »

Je ne commande ni les mots ni ma supra-confiance affichée, je suis pour être et continuer à le faire malgré mes faibles probabilités de survie à terme en milieu franchement hostile.

« Le plus grand coup de maître du Diable, c’est d’avoir fait croire à tout le monde qu’il n’existait pas »
Pou tout un lot de choses, j’échappe aux suspicions.
Je ne serai sûrement jamais un suspect idéal.

Ma toute-puissance, je la dois au houblon et aux acrobaties de mes synapses virevoltantes.
Mon talent, je l’ai aspiré à la paille dans des cannettes cinquante centilitres.
Il monte plus vite au cerveau ainsi.

Je n’aurai jamais assez de temps pour être suffisamment bourré avant de prendre mon premier train.
Je suis décidément un individu bien trop ferroviaire.

Des bars, des verres, des gens, des trains, des hôtels, des textes.
C’est déjà une série d’objectifs respectables, à mon goût.
Tout le monde ne peut pas en dire autant.

Un regard panoramique furtif par-dessus mon tas de feuilles blanches me conforte dans l’idée qu’aucun type présent dans la salle ne pourrait suivre mon rythme d’éclusage : je suis donc seul avec mon constat de non-rivalité.
Ils pensent trop
Trop et à côté de la plaque.
Moi, j’ai arrêté de penser vraiment.
La raison de ma supériorité en la matière, sans doute.

Aurore a retrouvé la capote à côté du canapé.
Je l’avais bien vue mais elle ne m’avait pas inspiré confiance : mon sac violet méritait mieux que ça.
Violet comme ton pack pince-lunettes, pendant sur ma poitrine tel un trophée tribal.
Eh oui, on fait ce que l’on peut pour rester cocasse.
Sinon, on se jette sous les ponts pour régler les incongruités.
Une solution qui m’inspire moyennement sans pour autant développer chez moi une hostilité qui n’aurait aucun lieu d’être.
« Je suppose que ça doit être à toi…? »
Pas vraiment, non.
Mais j’ai trouvé cette intervention bien drôle.
Sans pour autant montrer de manière ostentatoire les effets qu’elle avait pu produire en moi, celle d’une réminiscence joyeuse et hautement anecdotique.
En gros, je l’ai jetée sur le sac d’un geste aérien et nonchalant.
« Ca te servira sûrement plus tard »
Elle est gentille, Aurore.
Elle aurait rapidement connu la faillite en tant que médium mais elle est gentille.
Avant de se quitter, on a bu un café.
J’ai argumenté faiblement en signalant qu’il lui restait encore dix minutes avant son train.
L’horloge de la gare en indiquait cinq.
Je lui dis qu’elle a raison de se fier à elle, que ce que je dis est souvent inexact.
Elle me dit que oui, en effet, elle avait bien remarqué.
Et elle a fini le café.
Partir en étant drôle, c’est une bonne manière de faire.
J’apprécie le geste.

Je suis bien meilleur script qu’amant.
Heureusement pour la littérature, c’est un service que je lui rends.

Les mots s’échappent un peu moins après quatre demis.
C’est aussi dû à mon taux d’adrénaline quand je vois ma main sèche et craquelée par le froid que je ne sens quasiment pas se mouvoir tel un tourteau saisi de spasmes sur les tablettes et les plans de travail des trains.

Je passe mon coup de fil phocéen, il y a des gens qui ont pour but majeur de passer leur CAP Petite Enfance en allant bouffer de temps en temps avec leurs amis un peu fades et aussi terre-à-terre que des bousiers en plein travaux de réaménagement.
Elle est comme ça, Audrey.
Je ne suis pas un emplacement de planning hebdomadaire et je lui transmets cette info en commandant le cinquième demi ; apparemment, elle ne trouve pas mon ton très cocasse et tambourine ses petites raisons de jeune femme de vingt-trois ans comme si je n’avais jamais rien compris à rien.
Là où elle se trompe, c’est que j’en sais plus sur son statut qu’elle ne s’en apercevra jamais.
Tant pis.
Je vais aller récupérer mes cinq milles euros, placés là-bas pour m’empêcher personnellement d’acheter une Lamborghini à crédit sur quarante-cinq ans et les comptes seront clairs.
J’ai écrit un de mes meilleurs textes à ses dépens : finalement, je suis encore gagnant sur tous les tableaux.
Et si elle me fait un peu trop chier lors de notre entrevue finale, je lui sortirais devant ses potes décérébrés toutes ses petites phrases compromettantes susurrées au creux de mon oreille qui faisaient suite à ses miaulements de marmotte découvrant le soleil après trois mois d’hibernation dans du foin sale.
« Attends, on peut pas traiter les gens comme ça, c’est ça ta vision de la vie ? Gagner des peluches en forme de poissons-lunes sur les sites Internet et aller chercher des gosses lymphatiques à la sortie des écoles pour dix euros de l’heure ? C’est ça qui est plus fondamental que moi ou tout être humain réfléchi ? De s’accrocher à un petit univers à la con pour devenir un bipède sans âme ? Alors, quoi ? Les ’Je t’aime, mon petit cœur’, ‘Tu es le premier avec qui je me sens aussi bien, avant je n’arrivais pas à m’endormir dans les bras de quelqu‘un’, ’Je veux avoir un enfant de toi’ et autres gélatines difformes que tu me servais à la pelle alors que je n‘avais rien demandé, elles sont où maintenant ? Humm ? Tu es vraiment un être inapte à la vie de manière générale, ça m’étonne pas que les militaires se tirent des obus dans le bras pour échapper à ton aberration comportementale. Ton seul refuge est probablement le buffet de crudités à volonté du Crocodile que tu affectionnes particulièrement comme toute hygiéniste femelle des plus basiques ; moi, je repars. Faut que je trouve le numéro du taxi… »
Ma sortie sera néo-réaliste, à mon habitude.

Loin de l’extase synchrone.
Pas faux.
C’est une donnée de positionnement triangulaire.
On sait de quoi on est loin.
Et en proportion, on se rapproche de quoi ?
S’il y a un loin et un près, une erreur et sa réparation, un vide et un peu de matière, le sens n’est pas épargné par son contraire.
Et si nous nous efforçons d’en inventer de façon permanente, c’est bien la preuve qu’il n’y en avait pas au départ.
Je peux m’envoyer des têtes de gondole entières de Chivas, ça n’y changera pas grand chose.
En attendant, on a laissé quelque chose en rade, toi et moi.
Et pour une fois, alors que je ne reviens jamais ni sur les mots ni sur les situations, j’aimerais rectifier un détail qui aura peut-être son importance et peut-être aucune.
On se connaît.

« Alors ? »