Wish me luck

Le 08/05/2007
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par Balkis Boyle
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Thèmes / Obscur / Litanie
Ce n'est pas nier les qualités évidentes du texte que de dire qu'elles sont bien noyées dans un gros tas de merde purulente. La poésie en prose je peux l'admettre quand elle évite les écueils du n'importe-quoi impressionniste. Et pourtant c'est sombre, et pourtant c'est étrange et malsain, et plein de passages sautent à la gueule. Ca mériterait un débarbouillage à la soude, histoire de diluer la guimauve.
Ce jour-là.
Nos coeurs sont d’étranges étrangers. J’avais bu au sien un nectar ambroisique qui m’avait ensorcelé.
Sur la route, un chat écrasé tentait lentement de se fondre au goudron.
En est-il ainsi de nous aussi ? me disais-je en évitant la carcasse décomposée, lui laissant un peu plus de temps pour ressembler à ce que nous sommes vraiment, finalement.
Mais qu’importe, puisque c’est plus tard que tout a basculé.
Les miroirs, à mon approche, se déteintaient. Je voyais alors nos intérieurs en radiographie. Je n’aimais pas voir nos entrailles grouiller et se tordre suite aux hurlements que nous poussions. Une sorte de terreur de vivre.
Nos yeux se gonflaient de bleu dès lors que le soleil se pointait. L’agonie des jours nous transformait en monstres acéphales.
Des membres disloqués puis reloqués. Puis disloqués à nouveau jusqu’à la nausée, jusqu’au malheur de nos entrailles.
Le fait-divers d’il y a quelques années. Des parents plus qu’inattentifs. Des gosses plus qu’abandonnés mais prisonniers d’une toute petite chambre. Des mains d’enfants posées sur les murs, mais ce n’est que de la merde, ou du sang ou de la morve. Peut-être tout ensemble. Et bien, ils habitent en moi. Une veine de mon pied enfle démesurément et se bloque. Un petit clapet à l’intérieur leur permet d’entrer mais de ne plus jamais sortir. Je suis eux. Ils sont moi. Ces parents monstrueux. Ces enfants torturés et survivants. Ont-ils survécu ? Ai-je survécu ?
Je ne sais plus si je rêve chaque nuit ma mort ou si je cauchemarde ma vie. Et on appelait ça l’amour...
Une confession à grandeur humaine, c’est-à-dire toute petite. Le parloir était incrusté dans un piano ou bien cherchais-je encore à me pendre à ses cordes si musicales ? Une pendaison en musique serait si romantique! J’ai peur d’être encore un peu trop grosse pour le ventilateur du salon. Je voudrais délivrer le malheur qui naît en moi. Mais alors, pluie, il retomberait sur ceux que j’aime et qui n’ont rien fait. Est-ce que nous vivons pour que les autres continuent à vivre ? Ou bien est-ce eux qui nous permettent de survivre ?
Chaque jour, une petite main fait une peinture dans mes intestins, sur les parois internes, que je voudrais larges et grandes comme les enceintes d’une cathédrale. Chaque jour, une petite marque supplémentaire de morve, de merde et de sang. Cela fait longtemps que je ne suis plus une cathédrale. Depuis que le clapet de mon pied laisse entrer, mais point sortir, les monstres de nos vies.
Je m’agenouille sur le parloir que je vois presque religieux. Il est là. Il est le prêtre. Je vois ses yeux. Ils sont si tristes. Il me dit sans me parler qu’il ne veut pas entendre. Je joins mes mains en signe religieux de supplication vers dieu, même si je sais qu’il n’y a que nous, humains. Nous ne sommes le hasard que d’une poussière, si légère. Je lui demande pardon d’avance des horribles choses que je dois lui avouer et au lieu de lui dire quels monstres habitent à présent en moi, je lui dis, à genoux, la tête dans le piano, je voudrais qu’il joue, je lui dis, même s’il ne veut pas l’entendre, je lui dis « il veut qu’on meure tous les deux ». Et lui, je ne sais pas, il dit qu’il veut être homme à nouveau, presque humain, presque monstre, c’est si douloureux. Je ne sais plus quand et par où mon corps a commencé à se démembrer.
Ce n’est pas moi qui souffre. Moi, j’ai les monstres qui tiennent chaud.
Une mouche s’est posée sur ma main. C’est étrange, une mouche qui voyage par le train. J’ai voulu l’apprivoiser, en lui parlant doucement à l’oreille, que personne n’entende. J’ai approché doucement ma main de ma bouche. Elle m’a mordu. Je ne crois pas qu’elle souhaitait davantage de familiarité.