Deuxième litanie

Le 07/06/2007
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par 222
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Thèmes / Obscur / Litanie
Cette seconde litanie est vraiment ennivrante, très étrange, avec des jeux de répétition hypnotiques. On capte rien du tout, c'est de la poésie en prose hardcore avec rien pour se raccrocher. A ce train-là ça aurait pu vite devenir pénible voire insupportable, mais le texte est court, juste assez pour balancer quelques beignes sans que l'impact soit dilué dans la longueur.
Faiblesse est mon pays et mensonge sa langue.
Un mensonge assumé qui déchire les peaux d’un cerveau plein d'étoupe. Faiblesse est mon pays et je l’habite entière, je l’emplis tout entier, je suis Faiblesse et porte un pays qui est mien comme on porte sur soi le costume du corps, je suis Faiblesse et porte un pays qui est moi ; et mensonge ma langue. Mensonge est mon organe, mensonge est langue et lèvre et nerf de ma bouche aux tréfonds du cerveau, et je connais mensonge comme on connaît son nom.

Non je ne mourrai pas parce que je ne veux pas, je ne veux pas mourir, revenue de tout ça je ne veux pas mourir, tout bien compté, je ne veux pas. Ou non : je ne peux pas.

Je mens et me complais dans ma faiblesse veule, oublieuse d’hier, je mens et je m’oublie dans l’espoir d’autre chose, dans l’alcool et les sens et la foi qu’on a besoin de moi. Je mens et je survis et je reste foetus.

Il faudrait dire non, elle savait Antigone qu’il faudrait dire non, il faudrait s’en aller quand on se voit bientôt, quand on se voit déjà, quand on se voit trop laide, salie, molle, comme une main s’en irait de son corps trop vil pour être sien. Ronger le vieux poignet qui attache au passé, dire non et migrer dans le Blanc. Il faudrait dire non et puis s’en aller vivre en Blanc comme en pays natal, mais on ne peut partir, la main coupe ses veines et ses propres artères mais, peu à peu, mais, au fur et à mesure, mais, le sang reflue et fuit sur le sol et la force avec lui, et la main reste là, pendue, comme pendant hors du temps. Il n’y a plus rien à faire, elle a perdu son rôle, son texte et oublié, elle n’a plus rien à jouer, désormais elle n’a plus que chanter et pleurer.

Il y aurait supplier qu’une autre main l’accouche. Elle lui dirait oui. Faiblesse est son pays. Mais elle n’ose y songer. Faiblesse est son pays.

Il y aurait m’enfuir et jamais ne cesser de m’enfuir, jour après jour je sens qu’il n’y a plus que fuir, mais jour après jour au soir je m’arrête et contemple le chemin parcouru, et jour après jour je vois, Faiblesse est mon pays et je l’habite entière, et l’emplis tout entier et porte mon pays comme on porte sur soi la tragédie du corps.

Je fuis comme on implose. Je ne fuis même pas.

Il n’y a plus rien à faire et Faiblesse est ma croix ; il n’y a plus qu’à mentir.