Il faut se suicider malin : éloge de l'imprévu

Le 08/06/2007
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par Mill
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Rubriques / Il faut se suicider malin
Après nous avoir bombardé de tous ses anciens textes ennuyeux, Mill a décidé d'écrire spécialement pour la Zone, et faut reconnaître qu'il se débrouille bien. De mieux en mieux. Depuis son premier guide du suicide parodique, les vannes se sont agravées, le ton est devenu plus agressif, le second degré inoxydable et le taux d'insultes à la ligne est en hausse. Ca commence à être carrément bon, quoi.
[message de l'administrateur : cette page fait partie de la Zone (http://www.lazone.org), site à vocation humoristique. Le texte qui suit ainsi que les commentaires sont à interprêter comme de l'humour (ça parait évident au vu des méthodes de suicide fantaisistes décrites par l'auteur). Vous ne trouverez aucun conseil sérieux pour se suicider sur cette page. Si c'est ce que vous cherchiez, faites demi-tour. Si l'humour vous intéresse, vous êtes le bienvenu. Le texte comme le site est toutefois fortement déconseillé aux âmes sensibles, notre humour étant volontiers agressif et cynique.]
    Vous jugez votre existence ennuyeuse et monotone. Vous êtes abonné à « Jeune et Jolie », « FHM » et « Penthouse Magasine », mais ça fait longtemps que la seule chose qui vous fait bander ressemble beaucoup à Béatrice Schoenberg éviscérée. Vous avez tenté de voyager, visité monuments et musées, et même la pyramide de Kheops vous a déçu. Je veux pas dire, mais à mon avis, vous êtes vraiment un gros connard. Enfin, moi, je dis ça, hein, bon.

Vous avez épuisé vos dernières cartouches en matant l’intégrale de « 24 Heures Chrono » et le fascisme sous-jacent n’a pas manqué de vous écœurer, relançant ainsi votre lassitude au-delà de l’imaginable. En fin de compte, vous avez essayé tout et n’importe quoi, y compris la drogue, le sexe inverti et les mots croisés en javanais, mais il apparaît de plus en plus évident que vous ne sortirez jamais de cette amertume qui vous accable jour et nuit. Vous êtes blasé, désabusé, dégoûté de tout ce qui vous entoure - et du reste aussi, puisque vous croyez tout connaître - et probablement aussi chiant que Charles Ingalls, Paco Rabanne ou Claire Chazal. (Ooops, ça fait deux speakerines et j’ai même pas fini le premier paragraphe ; il est temps qu’j’aille voir un psy…)
    Bref. Je suis bien d’accord avec vous : vous devez en finir. Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour moi.
    Votre problème, toutefois, mérite réflexion. Il est hors de question que vous vous détruisiez de façon conventionnelle : vous vous emmerdez suffisamment comme ça, gâté pourri que vous êtes. Il serait par conséquent fort malvenu, pour vous, de procéder à un suicide classique, dont l’issue fatale ne laisse aucune place au doute. Si on perd l’effet de surprise, excusez mon franc-parler, mais c’est nul. Ce serait un peu comme remuer le couteau dans la plaie - et encore, même pas la vôtre.
    Une première méthode consisterait à jouer à la roulette russe. Seulement voilà : si vous êtes le seul joueur en lice, vous ne pouvez pas prétendre ignorer comment la partie s’achèvera. Ainsi ne ferez vous que repousser une issue prévisible et pour le moins attendue. A proscrire, donc.
    Vous pouvez également vous jeter du haut d’un train en marche pendant qu’il est occupé à traverser un pont vertigineux. Indiscutablement, vous serez surpris : la mort est-elle due au choc, à la noyade, à l’hypothermie ? Que d’incertitude… Mais vous savez que vous y laissez votre peau, et ça, je sais que ça vous refroidit, vous, là, qui faites la fine bouche et n’attendez qu’une chose de la mort : l’excellence.
    N’oubliez pas que, si l’aventure est au coin de la rue, l’imprévu aussi. Surtout si la rue en question s’avère correspondre à une bretelle d’autoroute et que vous êtes à pied. Pourtant, là encore, les probabilités que vous y perdiez votre peau sont, sans nul doute, bien trop élevées à vos yeux de suicidaire snob. Autant se bourrer la gueule et prendre l’A9 à contresens.
    Heureusement pour vous, bande de larves, la Convention Annuelle de la Fédération des Suicides Ratés est parvenue, cette année, à élaborer un nouveau type de protocole, apparemment propice à la réhabilitation de l’imprévu.
    D’une simplicité clinique, cette méthode séduit tout d’abord par l’efficacité de son action. Elle répond en effet à toutes les exigences de ces enfoirés de connards qui s’emmerdent tellement dans la vie qu’ils en viennent à souhaiter crever une bonne fois pour toutes sans pour autant se décider à franchir le cap - ça leur f’rait mal de choper un flingue et de s’en loger une entre les amygdales, qu’on passe à autre chose ?
    Premier point, primordial : on est sûr d’y passer. On y passe tous un jour. Il s’agit bien d’un suicide dans les règles de l’art. J’vous préviens : j’suis pas là pour rigoler. C’est bien la mort qui vous attend.
    Deuxièmement, les chances, pour vous, d’y rester, s’en trouvent tout de même considérablement réduites. Vous pouvez être sûr que la faucheuse vous fauchera la gueule, mais il vous est absolument impossible de prévoir quand, précisément, elle vous tombera dessus. D’où, l’imprévu.
    Dernier point, non des moindres : ça coûte peau d’balle. A ma connaissance, la méthode la moins chère. Même les RMIstes ont le droit de s’ôter la vie. Démocratisons le suicide et mourrons sans ennui.

1)    Prenez une fourchette. Attention, pas n’importe quelle fourchette. Les pointes doivent être longues, pointues, aiguisées. La fourchette elle-même doit peser son poids. Le top du top, c’est bien entendu la fourchette en argent. Pour coller à l’idée d’un suicide à la portée de toutes les bourses, je suis plus ou moins obligé de vous conseiller d’accomplir un acte illégal : volez-la à votre grand-mère. Si vous n’avez pas de grand-mère, volez en une au préalable. Démerdez-vous.

2)    Munissez-vous ensuite d’une cordelette.

3)    Je reconnais volontiers que je suis allé un petit peu vite au 2). Faut pas m’en vouloir : vous m’emmerdez. Cessez d’enculer les mouches et allumez le gaz, fumez une clope et laissez-moi en paix. En plus, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus sur la cordelette ? Vous imaginez bien qu’elle ne peut pas être trop courte. Elle est vraisemblablement vouée à attacher quelque chose, non ? Prenez une cordelette et faites pas chier. Ce serait bien que vous cessiez de m’interrompre.

4)    Le 3) n’a servi à rien. C’est de votre faute, et un peu de la mienne. Des fois, je m’emporte et j’oublie le boulot, le quotidien, tout ça. Je me mets à visualiser des cordelettes en porte-jarretelles, je bande comme un cochon, et en plus je culpabilise parce que je devrais être en train de vous expliquer qu’il faut fixer cette fameuse cordelette - sans les porte-jarretelles, pauv’ nase - au-dessus de votre lit. Oui, là. Juste au-dessus de l’oreiller où vous posez votre tête, assisté de merde. Comment on la fixe au plafond ?
    Putain…
    Improvise, merde. Plante un crochet, mets du scotch ou du chatterton, trouve un marteau et un gros clou, je sais pas moi, pense que tu es Mc Gyver et que tu as un problème d’ordre pratique à résoudre.

5)    Pour parachever votre petit bricolage, nouez l’autre bout de la cordelette au manche de la fourchette de façon à ce que celle-ci pendouille juste au-dessus de votre tête. Il est impératif que vous calculiez très précisément l’emplacement de la fourchette afin que vous vous la preniez dans la gueule, chaque matin, lorsque vous vous redressez d’un geste brusque en maudissant ce putain de foutu réveil de merde. Ainsi la fourchette devrait-elle, un jour ou l’autre, toucher un point vital et vous tuer aussi sec.

J’vous jure, ça marche.

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