Rêve : tic-tac

Le 12/06/2007
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par Nico
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Dossiers / Rêve
Ce texte c'est Alice au pays des cauchemars, un mélange de visions loufoques à première vue denué de cohérence. On est dans le n'importe quoi total, l'ambiance, sensément oppressante, est faiblarde et la plupart des scènes décrites confinent au ridicule, et semblent tirées d'un gloubiboulga de tous les clichés oniriques du monde (récurrence, symbôles psychanalytiques, chute, obscurité et tout le bordel).
Une horloge brisée.
Qu’est-ce qu’elle fout là, comme ça, par terre ? Je continue à reculer, presque en rampant. Mes mains me font mal, les petits bris de verre de l’horloge s’enfoncent un peu plus profondément dans ma chaire chaque fois que mes mains s’agrippent au sol pour essayer d’avancer. Il faut partir, il faut partir. Je me traîne le plus vite possible. Je souffle, je transpire… J’arrive à me glisser jusque sous la table où je me sens plus en sécurité.

AH ! Un chat ! Un gros chat gris à long poils qui vient de sauter juste devant moi. Il devait être sur la table. Il ne m’a pas vu, il se lèche les poils. D’un coup, il se retourne et me regarde un peu étonné. J’ai peur, de grosse gouttes perlent sur mon front, je tremble. Je lui fais comprendre qu’il doit se taire en mettant un doigt devant ma bouche. Mais ce salaud se met à aboyer. Putain, le salaud. Je me relève d’un coup, je cogne la table avec mon dos, elle se renverse. Le chat s’envole et disparaît dans le couloir.

Ils sont là. Je les vois. Assis dans le canapé miteux, dans l’obscurité je les devine tous les trois, les hommes à tête de taureau. Ils ne bougent pas, ils ne respirent pas, mais je sais qu’ils sont vivants. D’un coup celui du milieu se lève, fait un pas vers moi et me dit :
-    Il faudrait décrocher le téléphone.
Je m’enfuis en courant par la porte. Lorsque j’entre dans le couloir, un téléphone vert posé sur une table se met à sonner. Je me bouche les oreilles. Je dépasse le chat qui s’astique les écailles et fais un pas de côté pour ne pas marcher sur sa trompe. Je manque de tomber. Je me rattrape au mur en m’accrochant au papier peint vert. Il me reste dans les mains. Je m’en débarrasse, mais je sens que mes doigts restent poisseux et collants. Je passe des centaines de porte en bois. Le couloir faiblement éclairé semble sans fin. Régulièrement je dépasse le chat, toujours assis entrain de faire sécher ses plumes.

J’essaye d’ouvrir une porte. Fermée. La suivante. Fermée. Sur le mur d’en face. Ouverte. A peine ai-je franchi la porte que je me retrouve dans une pièce totalement noire. J’essaye de sortir, mais la porte a disparue. J’avance prudemment. J’entends un tic tac d’horloge au loin. Mes mains touchent des objets visqueux qui semblent fondre. J’entends un rire de clown et une main se pose sur mon épaule.

Ah ! Je me réveille ! Je suis en sueur dans mon lit, les draps collent à mon corps. Le cauchemar est enfin fin… Le chat ! Le chat à nageoires ! Il est là, tranquille sur mon lit, entrain de s’arracher les plumes. J’allume la lumière. Jim Morrison est là, dans un coin de la chambre, à poil, entrain de se faire sucer par une fille aux cheveux blonds. Je me blottis sous mes draps, j’y reste quelques secondes. Mais l’angoisse m’étreint. Et si le chat se jettait sur moi ? Et si la blonde était entrain de s’approcher un couteau à la main ?
Lentement je sors ma tête de sous les draps. La fille n’est plus là, mais des mèches de cheveux blonds ensanglantés sortent de la gueule du chat. Jim Morrison est toujours là, toujours à poil, mais avec une tête et une bite de taureau. Et un chapeau à fleurs.

Lorsqu’il commence à s’approcher, je hurle. Le Jim-taureau pose une main sur mon épaule et me glisse à l’oreille :
-    The End, my only friend.
J’essaye de me lever mais je me prends les pieds dans le drap et tombe la tête la première. J’ai mal. Sous mes yeux un torrent de liquide rouge s’écoule doucement. Je suis blessé au front. Le chat vient tremper ses moustaches dans la rivière de sang. Je me relève brusquement, ma tête tourne et je retombe lourdement sur le chat qui expire dans un petit couic. Le parquet s’effondre sous mon dos. Et je tombe…

Pendant que je tombe, j’entends encore taureau-Morisson me crier :
-    N’oublie pas de décrocher le téléphone !

Je me réveille. Je respire difficilement. Je me tais et j’écoute l’obscurité. J’appuie sur l’interrupteur de ma lampe de chevet. Ma chambre est remplie de téléphones de toutes les couleurs qui sonnent à l’unisson. Le bruit est insupportable. Ils se mettent à jouer la Toccata en Ré mineur de Bach. Le chat s’arrache deux moustaches pour avoir des baguettes et jouer au chef d’orchestre. Halluciné, je me lève d’un coup. Je cours vers la porte. En passant je renverse un téléphone qui expire dans un petit couic. Le chat me regarde d’un air de reproche parce que j’ai fait une fausse note. Je sors de la chambre en haletant. Je referme la porte derrière moi et m’adosse dessus pour reprendre mon souffle. J’air peur. J’ai froid. Je tremble tellement que j’ai du mal à contrôler mes mouvements.

Un clown. Là, debout devant moi. Et son visage qui fond. Sa tête ramollit et s’effondre. Elle coule le long du corps. Les yeux se décrochent et roulent jusqu’à mes pieds. Seul son sourire oppressant reste en place. Ses dents blanches semblent au contraire se faire de plus en plus dures et aiguisées.

Je m’enfonce dans un long couloir vert. Les papiers peints volent comme des rideaux. Je cours à perdre haleine. D’un coup une porte s’ouvre devant moi. La blonde apparaît un couteau à la main et se jète sur moi. Je m’attends à ce qu’elle me le plante dans le cœur, mais non, après m’avoir plaqué sur le sol, elle descend vers mon entrejambe, le couteau entre les dents. Lorsqu’elle commence à déboucler ma ceinture, je comprends ce qu’elle veut faire. Je veux la repousser mais ma main se plante dans son couteau.

Alors je tremblote, je vois le chat ricaner comme un clown. Quand il rigole, des têtes de crevettes sortent de son bec. Je me relève d’un coup, le couteau toujours en travers de ma main. La blonde m’attrape un pied et tente de me mordre, mais je l’assomme avec une tête de crevette. J’entre dans la pièce d’en face. Il y a tout un orchestre d’hommes taureaux qui se mirent à souffler dans leurs instruments, ce qui produit, de la part du percussionniste, un son abominable. Un violoniste m’envoie son archer qui se plante en plein dans mon cœur dans un horrible Si majeur. Je m’écroule, sur le dos. Je perds lentement conscience, mais je vois encore la blonde m’enfourner un téléphone en fourrure de chat dans la gorge. Elle appuie, elle appuie jusqu’à ce que ma tête explose.

Je me réveille en sursaut. Je sers nerveusement mon drap humide. Je n’ose pas allumer. J’entends juste le tic tac d’une horloge, puis un son de verre cassé, puis un ronronnement de chat, puis une éjaculation nocturne, puis un bref rire de clown, puis une courte sonnerie de téléphone, puis plus rien. J’attends. J’ai froid. Plus rien.

J’attends.